L’oiseau rare

«Blackbird singing in the dead of night/ Take these broken wings and learn to fly/ All your life», chantaient les Beatles. De la réunion de deux de ces oiseaux aux ailes brisées est née Blackbird, une pièce de l’Écossais David Harrower mise en scène par Téo Spychalski et présentée au Prospero jusqu’au 23 septembre.

Le récit fortement teinté d’ambiguïté de Harrower présente la confrontation entre Una et Ray une dizaine d’années après la fin de leur relation «amoureuse», au moment de laquelle elle avait 12 ans et lui, 40. C’est un texte fort, où les silences ont autant de poids que les mots, dans une mise en scène sobre, mais efficace.

L’ensemble de la pièce est véritablement porté par le jeu des acteurs Gabriel Arcand et Marie-Eve Pelletier. La présence scénique du premier, remarquable, est si intense et enveloppante qu’elle éclipse parfois sa compagne dont le jeu manque à certains moments de justesse, laissant deviner au spectateur averti les indications du metteur en scène. Le duo réussit à entraîner le public dans le passé chargé de malaises et d’émotions contradictoires des personnages en ne tombant pas dans le mélodrame. Il n’en faut pas plus pour que l’esprit du spectateur revisite tout au long de la pièce les nuances floues qui définissent la victime et le bourreau, sans arriver à déterminer qui joue quel rôle.

Côté scénographique, le décor réaliste d’une salle d’employés garnie de déchets de toutes sortes apparaît comme la métaphore des âmes des personnages, assombries par les résidus des erreurs et de la douleur. La présence de néons dans le décor appuie l’aspect glauque de la situation.

Le dialogue tenant lieu d’action vaut la peine d’être entendu jusqu’à la dernière minute où l’arrivée d’un troisième protagoniste brouille une nouvelle fois les cartes.

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