C’est dans la poche!

Malgré de grandes difficultés en français, les futurs enseignants peuvent désormais – après un nombre illimité d’échecs du Test de certification en français pour l’enseignement – poursuivre leurs études dès la réussite de l’épreuve obligatoire.

Annie*, étudiante en enseignement à l’Université du Québec à Trois-Rivières, a reçu cet été une lettre inespérée lui apprenant qu’elle pourrait reprendre ses études en enseignement. À la fois excitée et soulagée, la jeune femme a été invitée à rejoindre les bancs d’école, même si elle avait échoué quatre fois au Test de certification en français pour l’enseignement. Un miracle rendu possible grâce à une résolution prise par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) en mai dernier et entérinée par le ministère de l’Éducation, qui permet dorénavant aux étudiants de reprendre le test aussi souvent que nécessaire.

Auparavant, un étudiant qui échouait plus de quatre fois au TECFEE se voyait expulsé de son programme. Maintenant, chaque université devra décider de la manière dont elle gèrera ceux qui échouent l’évaluation du français. L’UQAM, elle, prévoit de gérer au cas par cas les étudiants en situation d’échecs répétés au TECFEE. Elle propose, par exemple, une fréquentation régulière du Centre d’aide à la réussite (CARÉ) et/ou l’inscription à des cours de soutien en français. La réussite à 70% du test demeure néanmoins obligatoire avant de pouvoir entreprendre le troisième stage qui se déroule pendant la troisième année du baccalauréat de quatre ans.

L’Université se veut aussi une accompagnatrice précoce pour les étudiants ayant des lacunes en français puisqu’elle fait passer un test diagnostic à tous les étudiants admis en enseignement. Ceux qui échouent sont inscrits d’office à des cours de mise à niveau dès leur rentrée. «L’UQAM prend en charge plus rapidement les étudiants en difficulté que dans certaines universités», affirme la responsable des exigences linguistiques de la faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, Isabelle Gauvin.

La pertinence du très controversé test d’évaluation du français a été mise en doute à plusieurs reprises depuis son introduction à l’automne 2008. Les taux d’échec à la première année étaient démesurés. À l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), par exemple, 71% des étudiants avaient échoué le test cette année-là. Le taux de réussite s’est cependant amélioré dans toutes les universités par la suite, les étudiants sachant davantage à quoi s’attendre. «Il n’y a nulle raison de remettre en question la validité du test, souligne Isabelle Gauvin. Celui-ci a été songé et est constamment amélioré par des spécialistes du domaine qui s’assurent que les futurs professeurs maîtrisent le français adéquatement.»

L’UQAM n’a pas encore émis de statistiques sur le taux de réussite au test cette année, mais Isabelle Gauvin assure que le taux de passage des étudiants est très bon. «Ceux qui ont échoué quatre fois se comptent sur les doigts», assure-t-elle. Pourtant, la résolution de la CREPUQ a d’abord été mise sur pied en raison du haut taux d’échec du TECFEE. En 2010, il était de 45% à l’UQAM. Ce facteur n’est cependant pas le seul à avoir influencé la nouvelle résolution. «On voulait accommoder les étudiants et empêcher les drames humains au sein des facultés», déclare le président du comité des affaires académiques au CREPUQ, Bernard Garnier. Celui-ci croit toutefois que les étudiants se limiteront à cinq ou six tentatives puisqu’ils devront débourser pour tous les cours compensatoires imposés et seront retardés d’une demi-année à chaque fois.

«Nous nous sommes demandé pourquoi le nombre maximum de passations était de quatre. Est-ce que la réussite après cinq tentatives démontre une aussi bonne maîtrise du français?» questionne Bernard Garnier. La CREPUQ s’est positionnée dans le même sens, rappelant que l’objectif du test est de maîtriser le français lors de la prise en charge d’un groupe d’élèves.

Afin de pouvoir s’inscrire plus de quatre fois au TECFEE, les étudiants devront toutefois avoir le feu vert de leur établissement d’enseignement et une preuve des démarches de perfectionnement du français entreprises. «Les cours de mise à niveau et le CARÉ sont très efficaces pour améliorer les résultats scolaires des étudiants», croit le président de l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE), Jonathan Giguère.

Évaluation corsée
Malgré la controverse qui entoure le TECFEE, le président de l’ADEESE, Jonathan Giguère, estime qu’il demeure une bonne mesure d’évaluation des compétences linguistiques. «Les étudiants qui se cassent la gueule sont ceux qui pensent passer le test sans préparation. La langue française est complexe, alors il faut inévitablement des efforts et beaucoup de pratique pour réussir l’évaluation», explique-t-il. Mais pour Annie*, qui passera bientôt le test une cinquième fois, le manque de préparation n’est pas le seul facteur qui influe sur les résultats scolaires. «Le stress de me planter à nouveau m’a fait perdre le contrôle lors de la reprise et m’a menée à d’autres échecs», explique-t-elle. Tous conviennent cependant que le taux d’échec n’est pas associé à un enseignement du français lacunaire dans les universités, mais bien à la complexité de la langue.

«La maîtrise du français écrit devient un défi de plus en plus grand, et ce dans toute la francophonie, puisque les étudiants évoluent dans la réforme scolaire et une civilisation de l’oral et des médias sociaux», affirme Bernard Garnier. Il est donc normal pour le président du comité des affaires académiques au CREPUQ que les exigences du test soient élevées afin de préserver une langue française de qualité.
* nom fictif

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