Alfred se retournerait dans sa tombe

Le 2 mai dernier marquait la fin d’une époque. Et avec sa fin, l’amorce d’une ère nouvelle. Une de catastrophes culturelles. Spéculations exagérées et pessimistes, me direz-vous. Peut-être, mais soyons mélodramatiques un peu. Inspirons-nous du dernier film de Steven Soderbergh (Contagion) et poussons la vision apocalyptique à l’extrême. Juste pour un instant. Juste pour le plaisir, bien sûr.

Retour en arrière. Il est 23h29. Le Parti conservateur du Canada vient d’être élu majoritaire. Une première pour le parti depuis sa création en décembre 2003. La «vague orange» a balayé le Québec et le Bloc compte avec peine ses membres qui ont survécu au naufrage. Ceux qui ne se sont pas noyés.

Dès lors, dans la tête de nombreux Québécois, un décompte s’amorce. Il est à peine 23h37. Dans celle des artisans de la culture de la Belle Province, une alarme sonne à tue-tête. Qui sera frappé en premier? À qui les fonds seront coupés? En cette journée de défaite électorale, pour nous du moins, les traits tirés de Céline Galipeau laissaient entrevoir ce qui attend la télévision d’État. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Notre gouvernement a déjà montré de quoi il est capable

Prenons le temps de nous souvenir. Rappelons-nous en 2008 les coupures aux programmes d’appui aux tournées à l’étranger alors que le gouvernement souhaite un meilleur rayonnement du pays sur la scène internationale… En tout, 5,4 M$. Selon une étude de la Conférence internationale des arts de la scène, parue en novembre 2010, cela représenterait plus de 15 M$ de retombées perdues. De quoi faire allumer le gouvernement. Et bien non, à l’époque, malgré des recommandations internes, il récidive dans les années suivantes.

Rappelons-nous, l’automne dernier, le projet de loi C-32 tend à modifier la loi sur le droit d’auteur et à mettre fin aux maigres redevances desquelles dépendent de nombreux artistes. À cela s’ajoute la non-inclusion des droits de suite dans ce même projet, malgré la réouverture du dossier. Enfin, citons les nombreux remaniements budgétaires au sein du ministère du Patrimoine. Si l’on en croit les chiffres de Radio-Canada disponibles depuis les dernières élections, le budget alloué aux arts et à la culture par ce ministère est passé de 66% à 58% depuis l’arrivée des Conservateurs au pouvoir en 2004. Et ce n’est pas tout, la liste est longue. Déjà, au cours de ses deux premiers mandats minoritaires, le parti de Stephen Harper nous a démontré que la culture est loin d’être une priorité. Et cette fois-ci, ils sont majoritaires!

Les vacances estivales ont à peine permis aux artistes de souffler. Dès la fin du mois de juin dernier, le retrait des œuvres d’Alfred Pellan du hall d’entrée du ministère des Affaires étrangères au profit d’un portrait de la reine d’Angleterre démontrait le peu d’importance qu’a notre culture aux yeux de nos nouveaux élus majoritaires.

Je ne vous apprends rien, bien évidemment. Mais à la veille de la rentrée parlementaire, le 20 septembre prochain, il est de notre devoir de nous remémorer ces précédentes frasques. Car le pire reste à venir et la question se pose. Que restera-t-il de nous lorsque l’économie aura pris le pas sur tout? Vision un peu glauque de l’avenir artistique de notre pays. De notre identité.

Florence Sara G. Ferraris
Chef de pupitre Culture

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