Nouvel épisode dans la saga juridique opposant le Syndicat des professeurs de l’UQAM et la direction de l’Université du peuple dans le dossier des doyens-cadres. Un arbitre a rejeté le grief sur lequel les professeurs fondaient tous leurs espoirs. Malgré tout, le syndicat ne baisse pas les bras.
Le Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ) a subi un nouveau revers cet été dans son combat contre la direction sur le statut des doyens. L’arbitre René Beaupré a rejeté en juin dernier un grief du syndicat, qui aurait pu réduire à néant les avancées réalisées par l’UQAM dans le dossier ces dernières années. Mais le SPUQ n’est pas près de hisser le drapeau blanc: il demande une révision de la décision en Cour supérieure. En attendant la révision prévue pour la mi-janvier, les doyens de faculté conservent leurs responsabilités administratives attribuées depuis le 5 janvier 2010 par l’Université, au grand dam du Syndicat, qui craint de voir changer le modèle de gestion de l’Université.
Dans le grief déposé en mars 2010, le SPUQ soutenait que l’attribution des tâches de gestion de personnel aux doyens – tout d’abord professeurs – était contraire à la convention collective signée en novembre 2009. L’arbitre a toutefois tranché: l’UQAM avait bel et bien agi dans le respect du contrat de travail en modifiant le statut des doyens puisque les responsabilités administratives, telles que l’embauche, l’évaluation et la discipline des membres du personnel de soutien et cadres des facultés y figurent. Selon le SPUQ, c’est une mauvaise lecture de la lettre d’entente n° 2 – une clause annexée à la convention – qui aurait poussé l’arbitre à prendre cette décision. Cette lettre stipulerait que le changement de statut des doyens est conditionnel à la création d’un comité d’études et à la rédaction d’un rapport sur les conséquences d’une telle modification. Or, le comité a été créé, mais n’a jamais produit de rapport, puisque l’Université l’a dissous sans préavis en mars 2010.
L’arbitre René Beaupré conclut donc que le retrait des doyens de l’unité d’accréditation du SPUQ avait été clairement convenu par les deux parties lors du plus récent renouvellement de la convention collective et que même si le Comité d’étude n’avait pas produit de recommandation, le changement de statut des doyens était légal. Il soutient par ailleurs que la désyndicalisation du poste ne faisait pas partie des sujets qui devaient être abordés par le Comité d’étude dont il est question dans la lettre d’entente n° 2. Les dispositions relatives aux rôles, responsabilités et pouvoirs des doyens et les modalités de leur nomination étaient plutôt les sujets qui devaient être soumis à l’étude.
Cette décision confirme donc que l’UQAM était en droit de demander la désyndicalisation du poste à la Commission des relations de travail (CRT), comme elle l’a fait en mars 2010. Le commissaire Alain Turcotte avait alors tranché en faveur de la direction en statuant que les doyens ne sont pas considérés comme des salariés au sens du Code du travail, puisqu’ils ont des obligations administratives. Mais la décision avait été portée en appel par le SPUQ, qui avait finalement obtenu gain de cause le 28 avril dernier. Un banc de trois commissaires a conclu que la précédente requête de l’UQAM visait à modifier le libellé en raison du nouveau statut des doyens, mais pas à le restaurer comme l’a fait le commissaire Turcotte. Leur statut de non-salarié n’est toutefois pas remis en question; le changement de statut est donc maintenu. Ce faisant, de par la loi, les doyens ne sont pas couverts par l’unité et ils ne peuvent être représentés par le syndicat.
Le nerf de la guerre
La modification du statut des doyens a toujours été la pomme de discorde entre les deux parties depuis la création des facultés en 1998. Le SPUQ soutient que l’attribution de tâches de gestion de personnel aux doyens engendre une modification dans la manière de gérer les facultés et diminue la représentativité des étudiants et employés de l’Université du peuple, Le troisième vice-président du SPUQ, Jean-Marie Lafortune, craint que les doyens-cadres ne deviennent les représentants de la direction auprès des différentes instances décisionnelles de l’Université. «La collégialité entre patron et employé est impossible, clame-t-il. Ça a toujours été le cas.» Une crainte infondée, selon la direction. «Le poste n’est ouvert qu’à des professeurs de l’UQAM élus et évalués fréquemment par le Conseil académique facultaire (CAF), qui, lui, est formé par des étudiants, professeurs, chargés de cours et employés», rappelle le recteur, Claude Corbo. Selon lui, le changement de statut est favorable puisque les doyens peuvent dorénavant mettre en œuvre plus simplement les demandes émises par le CAF.
Le recteur rappelle que la facultarisation est le fruit d’un long processus consultatif respectant les politiques et orientations institutionnelles de l’UQAM amorcé bien avant son mandat. Claude Corbo en a fait son cheval de bataille depuis son retour au rectorat en 2008, le parachèvement de la facultarisation ayant été sur la glace pendant le règne de son prédécesseur Roch Denis. «C’est pas la Syrie ici! On n’a pas obligé personne. Toutes les procédures ont été votées et effectuées très ouvertement», martèle-t-il, visiblement las de devoir se répéter. «On ne peut pas rester figé éternellement! Il y a certes des changements, mais la culture de l’UQAM est suffisamment forte pour les baliser», rajoute-t-il.
Depuis que les représentants de facultés sont devenus des doyens-cadres, l’Université a revu à la hausse leur salaire afin «de l’ajuster à la norme». Pour Jean-Marie Lafortune, «il s’agit clairement d’un incitatif pour que les doyens tissent des liens serrés avec la direction.» Le troisième vice-président du SPUQ craint que l’Université veuille également désyndicaliser les postes de vice-doyen et de directeur de programme. «Ça semble s’inscrire dans une suite logique en regard du mode de gestion managériale de l’UQAM», juge-t-il. Mais Claude Corbo assure que ce n’est dans les cartes pour le moment. «Au rythme auquel les dossiers avancent actuellement, ça prendrait sûrement au-delà de 50 ans. Si la communauté universitaire veut éventuellement y procéder, on va le faire, mais pas pour l’instant.» Chose certaine, le recteur espère mettre le point final à ce feuilleton juridique au plus vite.
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Chronologie des événements
23 novembre 2009 : Signature entre la direction de l’UQAM et le SPUQ de la convention collective (2009-2013). Les deux parties s’entendent sur la formation d’un comité qui étudierait le statut des doyens («Lettre d’entente n° 2»)
5 janvier 2010 : La direction de l’UQAM soutient que les doyens sont devenus des «représentants de l’employeur» puisqu’ils peuvent procéder à l’embauche, l’évaluation et au renvoi du personnel de soutien.
22 mars 2010 : La direction met fin au Comité d’étude sans consulter le SPUQ.
25 mars 2010 : La direction de l’UQAM dépose une requête à la Commission des relations du travail (CRT) qui «demande l’exclusion des doyens de l’unité de négociation». Le SPUQ dépose un grief.
13 octobre 2010 : Le commissaire Alain Turcotte se prononce en faveur de l’UQAM sur la désyndicalisation du poste de doyen.
28 avril 2011 : La CRT donne raison au SPUQ à la suite d’une demande de révision de leur part. Un banc de trois commissaires renverse la décision du commissaire Alain Turcotte d’avoir restauré le libellé d’accréditation, mais le statut des doyens demeure le même.
14 juin 2011 : L’arbitre de grief René Beaupré tranche en faveur de l’UQAM.
14 juillet 2011 : Le SPUQ dépose une requête à la Cour supérieure pour une révision judiciaire de la décision de l’arbitre René Beaupré.
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