Moins de pain, plus de jeux

Ça durait depuis vingt ans. Chaque jour, ils étaient environ 55 à manger les repas chauds préparés et livrés par les bénévoles, beau temps mauvais temps. Des aînés, parfois seuls, parfois à mobilité réduite, souvent incapables de cuisiner. Ils avaient pourtant la chance et la fierté de vieillir chez eux. Aujourd’hui, leur équilibre alimentaire est compromis par l’équilibre budgétaire. 
 
Le 24 mars dernier, la popote roulante La Petite Marmite a éteint ses fours, rangé ses casseroles et a remercié ses bénévoles. Le Centre de santé et services sociaux Jeanne-Mance, qui a besoin de 7 millions de dollars pour équilibrer son budget, lui a coupé les vivres.
 
40 000 $. C’est ce qu’il en coûtait à La Petite Marmite et ses bénévoles pour servir 12 000 repas chaque année. C’est, grosso modo, 3,33 $ par repas, cuisiné et livré. Il serait intéressant de voir si les gestionnaires de l’Agence de la santé et des services sociaux se contentent d’aussi peu lors des réunions où ils décident de tels démantèlements.
 
Les bénéficiaires de La Petite Marmite seront pris en charge par l’Association des popotes roulantes de Montréal, un réseau qui peine déjà à répondre à la demande. Si cette compression n’est pas tragique, elle est toutefois symptomatique d’une crise de valeurs qui devient de plus en plus préoccupante. 
On ne peut le nier: l’état des finances publiques est critique. Les ministres ne ratent jamais une occasion de nous le rappeler quand il est question de compressions dans les services publics. Mais peut-être oublie-t-on trop souvent que l’allocation des budgets est d’abord une question de priorité. Bien beau de vouloir limiter la hausse des dépenses en santé à 5% par année (l’objectif du gouvernement libéral d’ici 2013-2014). Bien beau de grappiller 40 000 $ en fermant une popote roulante. Mais si, en même temps, on engouffre 200 millions dans un joujou pour millionnaires pour des motifs purement électoralistes, l’argument de l’équilibre budgétaire n’est plus valable. Serions-nous sur le point d’accepter de jeûner pour revoir un match Canadiens-Nordiques?
 
Du pain et des jeux, ils disaient. Mouais… sauf que pour le pain…
 
Guillaume Jacob 
societe.campus@uqam.ca

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