À la conquête de l’espace

Pour la première fois depuis son désastre financier de 2007, l’UQAM replonge dans l’immobilier. La construction de nouveaux étages et le déménagement de nombreuses facultés coûteront au moins 35 millions de dollars et éjecteront le CLSC des Faubourgs et la TELUQ hors du campus uqamien.
À l’étroit sur son campus, l’UQAM envisage fortement d’ajouter deux étages au pavillon Judith-Jasmin, d’après des informations obtenues par Montréal Campus et une version préliminaire du Plan directeur immobilier 2009-2016 (PDI). De plus, l’Université du peuple s’apprête à investir 25 millions de dollars pour optimiser l’utilisation de ses locaux, éparpillés au centre-ville. Outre le déménagement de la majorité de ses écoles et de ses facultés, cette réorganisation implique les départs inévitables de la Télé-Université (TELUQ) et du Centre local de services communautaires (CLSC) des Faubourgs, rue Sanguinet.
 
Des travaux de construction sont prévus d’ici 2016 pour les pavillons Judith-Jasmin (J), le pavillon central de l’Université, et Aquin-Annexe (AA), le presbytère à l’angle des rues Berri et Sainte-Catherine. À eux deux, les édifices augmenteront la superficie de l’UQAM d’au moins 1 000 m2.
 
Le projet le plus ambitieux est l’ajout de nouveaux étages au pavillon Judith-Jasmin. Actuellement, le pavillon s’élève à cinq étages, à l’exception d’un tronçon de sept étages. Le projet compte en remonter certaines parties à sept pour un gain de 400 m2. Selon la vice-rectrice aux affaires administratives et financières de l’UQAM, Monique Goyette, les travaux sont évalués à 9 millions de dollars (voir Les fiascos du passé).
 
Les nouvelles salles, prévues pour 2016, seront mises à la disposition de la Faculté de communication. Cette dernière souffre d’un déficit de locaux de 44%, le plus gros de toute l’Université (voir encadré). «Il nous manque 10 000 m2 sur l’ensemble du campus», expose Monique Goyette. D’après le budget de 2010-2011 de l’UQAM, l’Université prévoit accueillir 1 700 étudiants supplémentaires à plein temps d’ici 2015, dont plus de 600 étudiants aux cycles supérieurs et ce, sans compter l’ajout de 145 professeurs. «En ce moment, il n’y a même pas de place pour installer tous nos professeurs», fait observer le directeur du Département de science politique, Jean-Guy Prévost. Un véritable casse-tête puisque chaque professeur est censé bénéficier d’un bureau d’au moins 10 m2.
Le CLSC dans la rue
Les nouveaux étages du Judith-Jasmin seront toutefois insuffisants pour répondre au manque alarmant de locaux de l’Université. Dans cette perspective, l’UQAM reprendra possession de certains de ses locaux loués à des tiers. Ce sera le cas du 1250 rue Sanguinet, présentement occupé par le CLSC des Faubourgs du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) Jeanne-Mance. Les Services à la vie étudiante y seront transférés. «L’Université s’est entendue avec le CLSC pour qu’il quitte l’édifice à la fin de son bail en mars 2014», soutient le directeur des transactions immobilières de l’UQAM, Alain Milette. Le son de cloche est différent du côté des locataires. «L’UQAM a pris cette décision seule, divulgue la porte-parole du CSSS Jeanne-Mance, Martine Dubois. Et notre nouvel emplacement n’a pas encore été décidé.» 
 
Le Centre offre des services médicaux aux uqamiens, ainsi qu’aux personnes à faibles revenus et aux toxicomanes de l’arrondissement Ville-Marie. Alain Milette assure toutefois que le centre devrait s’installer à proximité de son emplacement actuel. Le bâtiment centenaire avait été acheté pour 5,6 millions par l’UQAM en 2005. Il s’agit du seul édifice rentable conservé dans le marasme financier du précédent Plan directeur immobilier.

Des déménagements coûteux
Selon le Plan directeur immobilier, une immense partie de chaises musicales est sur le point de commencer à l’UQAM, à laquelle participeront la quasi-totalité des facultés, écoles et services uqamiens pour près de 25 millions de dollars. Des déménagements internes seraient la seule avenue pour optimiser l’utilisation des locaux, vu l’impossibilité financière pour l’UQAM de construire de nouveaux édifices. Pour recevoir le financement du gouvernement à cette fin, l’UQAM devait afficher un déficit d’espace d’au moins 10%, mais il est actuellement de 5%, avec de grandes disparités selon les pavillons. Presque 9 étudiants à temps plein sur 10 ont cours dans les pavillons autour de la station de métro Berri-UQAM, créant un déficit d’espace de 20 000 m2, alors que les pavillons du côté de la station de métro Place des arts cumulent un surplus de 10 000 m2.
 
Le départ de la TELUQ du pavillon SU au Sherbrooke Est, en avril 2012, serait le coup de départ de tout ce remue-ménage. La Télé-Université s’était établie sur le campus de l’UQAM en 2005. Son installation devait encourager une fusion entre les deux institutions. «La TELUQ et l’UQAM ont préféré rester indépendantes l’une de l’autre. Dans le cas échéant, il est préférable pour l’UQAM de récupérer ses locaux», établit Monique Goyette. Selon le rapport du Vérificateur général du Québec paru en 2008, l’UQAM estime les dépenses annuelles de fonctionnement liées aux superficies prises par la TELUQ à presque 700 000 $.
 
Dans un effet domino, le Département de psychologie quitterait le pavillon J.-A.-DeSève (DS) pour prendre la place de la TELUQ au pavillon SU, tandis que le Centre de services psychologiques se déplacerait dans le pavillon voisin au Sherbrooke (SH). L’UQAM compte aussi récupérer les milliers de mètres carrés d’espaces locatifs du Complexe des sciences, censés être une source de financement à long terme pour l’UQAM. En 2008, seul le tiers des locaux commerciaux était occupé par des entreprises de hautes technologies. 
 
Au 1250 Sanguinet, les Services à la vie étudiante remplaceront le CLSC. L’École des sciences de la gestion (ESG), établie au pavillon R, traversera la rue Sainte-Catherine pour monopoliser le pavillon DS. Actuellement en rénovation, le pavillon Sainte-Catherine (V) accueillera l’École de langues tandis que la Faculté de science politique et de droit, ainsi que le Département de littérature occuperont l’ancien domicile de l’ESG, au pavillon R. Les espaces ainsi libérés seront partagés par trois facultés: celle d’arts, de communication et de sciences humaines. «Cette réorganisation permettra à chacune des facultés, à l’exception des arts, divisés sur dix pavillons, d’avoir un emplacement propre à elle, facilitant leur vie commune, leur sentiment d’appartenance et leur visibilité, et ce, tout en leur permettant de répondre à la croissance anticipée», affirme Monique Goyette. D’après cette dernière, les associations étudiantes facultaires devront aussi déménager pour suivre leur faculté. Le sort des cafés étudiants reste pour l’instant incertain. La vice-rectrice indique qu’une somme de 700 000 dollars sera aussi dépensée pour renforcer l’image de l’UQAM sur ses deux campus.
 
Entre les déménagements et les constructions, la facture du nouveau Plan directeur immobilier s’élèvera à plus de 35 millions. La vice-rectrice Monique Goyette assure avoir les moyens de le mener à terme. Sans dépasser la limite d’endettement de 16,7 millions par année fixée par le gouvernement, l’Université augmentera son déficit global au cours des prochaines années pour financer ses projets. Rappelons que les dernières aides du gouvernement pour soulager la dette de l’Université sont conditionnelles à l’atteinte d’un déficit zéro d’ici 2015-2016.
 
Si le PDI semble répondre aux besoins de l’UQAM, certains départements et facultés manifestent déjà des réticences face au projet. «Avec la construction du nouveau Centre hospitalier de l’Université de Montréal [CHUM], le Département de psychologie n’est pas avantagé par un déplacement vers le Quartier des spectacles», dénonce le directeur, Louis Brunet. Le nouveau réaménagement ne comblerait pas le déficit d’espace de certains départements non plus. Selon la doyenne de la Faculté des arts, Louise Poissant, les menuiseries et fonderies du pavillon J ne peuvent pas être déplacées. 
 
Plusieurs sources bien au fait du dossier croient que le PDI déclenchera inévitablement des guerres intestines. Mais si la vice-rectrice aux affaires administratives et financières, Monique Goyette, souhaite satisfaire le plus de monde possible, elle n’a pas de temps à perdre. «L’UQAM doit agir rapidement avec le Plan directeur immobilier. Il faut que tout le monde se mette d’accord pour l’an prochain.»
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Les fiascos du passé
Le coût des derniers projets immobiliers de l’UQAM ont tous explosé. D’abord estimé à 333 millions en 2005, l’Îlot Voyageur en a finalement coûté 529 millions en 2008. Quant au Complexe des sciences, les coûts ont augmenté de 51 millions entre la première présentation du projet au Conseil d’administration de l’UQAM en octobre 2005 et le coût cumulé du projet en novembre 2007, selon le rapport du Vérificateur général du Québec.
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Espaces locatifs à récupérer
Locaux occupé par la TELUQ, au 100 Sherbrooke, pavillon SU: 5 600m2
Locaux du 1250 Sanguinet, occupés par le CLSC: 2 400m2
Pavillon Saint-Denis (AB): 1 200m2
Pavillon Maisonneuve (B): 250m2
Pavillon Président-Kennedy (PK): 1 350m2
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Répartition des déficits et de surplus de locaux par faculté
Faculté de communication: -44%
Faculté des sciences politiques et de droit: -25%
École des sciences de la gestion: -11%
Faculté des sciences humaines: -6%
Faculté des arts: +5%
Faculté des sciences de l’éducation: +7%
Facutlé des sciences: +24%

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