Mobilisera? Mobilisera pas?

Au lendemain de l’annonce des hausses vertigineuses des frais de scolarité de 325 $ par année pendant cinq ans, à compter de 2012, les associations étudiantes faisaient entendre leur colère. Déjà, on chuchote le mot grève sur les campus. Les regroupements étudiants nationaux réussiront-ils à mobiliser un mouvement étudiant éclaté depuis la dernière grande mobilisation de 2005? Et surtout, à conquérir la sympathie de l’opinion publique? 
 
Plusieurs l’ont déjà remarqué: le contexte entourant ces hausses fulgurantes est en plusieurs points semblable à celui qui prévalait en 1989. À l’époque, le gouvernement libéral de Robert Bourassa avait triplé les frais de 567 $ à 1668 $ par année. Dès 1989, les associations étudiantes avaient tenté de se mobiliser, mais difficilement. Le mouvement étudiant était divisé entre l’Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec et le Regroupement des associations étudiantes universitaires. Cette division était due aux résultats mitigés d’une série de grèves, entre 1984 et 1988, qui revendiquaient des modifications au système d’accréditation des associations étudiantes et au régime de prêts et bourses. 
 
Aujourd’hui, une situation semblable afflige le mouvement étudiant, divisé depuis les résultats mitigés de la grève générale de 2005. Durant les six dernières années, la FEUQ a perdu des plumes au profit d’un troisième joueur, la TACEQ, tandis que l’ASSÉ a consolidé ses bases. Lorsque le gouvernement a instauré un nouveau dégel en 2007, la mobilisation est vite tombée à plat. Bref, sans vouloir prêter d’intentions machiavéliques aux libéraux (hum-hum), ceux-ci n’auraient pas pu attendre meilleur moment pour accélérer les hausses. Reste à voir si cette fois-ci, les étudiants auront suffisamment confiance en leurs associations et regroupements nationaux pour ressortir pancartes et slogans.
 
Depuis le début du débat entourant le financement des universités, les représentants étudiants peinent à se faire entendre. Leurs voix ont facilement été enterrées par celles des recteurs, des lobbies d’entreprises et même du gouvernement. On se rappellera sans nostalgie la triste déclaration de l’ancienne ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, qui disait qu’il y avait un consensus au Québec comme quoi il était nécessaire d’augmenter les frais de scolarité. Bien sûr, ce consensus excluait les étudiants… 
 
Il sera peut-être difficile de remettre sur la table le débat sur les hausses des frais. En entrevue à l’émission Desautels, à la suite du dépôt du budget le 17 mars dernier, le directeur général de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec, Daniel Zizian, disait croire que le débat sur la hausse des frais de scolarité était maintenant clos.
 
Si elles veulent remporter des batailles, les associations étudiantes devront affûter leurs armes, c’est-à-dire leurs arguments. Il ne suffira pas seulement de marteler que la hausse des frais empêchera des milliers d’étudiants d’accéder à l’université. Ce n’est pas tant l’accessibilité qui souffrira de ces hausses que le niveau d’endettement étudiant. Le gouvernement a promis de consacrer 35% du montant issu des nouvelles hausses à l’Aide financière aux études, pour un total, à terme, de 118 millions de dollars. De plus, les parents dont les revenus ne dépassent pas 35 000 $ ne seront plus appelés à contribuer selon le calcul de l’Aide financière (le seuil est de 30 000 $ actuellement). Toutefois, cette dernière mesure entrera en vigueur seulement en 2016-17. Il y a là un cheval de bataille pour les associations étudiantes. Comme l’a dit le président de la FEUQ, Louis-Philippe Savoie, en augmentant à la fois les frais de scolarité et la cagnotte de l’Aide financière aux études, le gouvernement «déshabille Paul pour habiller Pierre».
 
Les associations étudiantes auraient aussi tout avantage à garder à l’œil les dirigeants d’université. L’ensemble de la population a de quoi être indigné par le traitement démesuré dont bénéficient certains recteurs (prime de départ faramineuse à l’ex-rectrice de Concordia, condo aux frais des contribuables à son remplaçant, augmentations salariales de 100 000 $ en un an pour le recteur de l’Université Laval, etc), alors que les étudiants devront fouiller encore plus dans leurs poches pour s’instruire. Les étudiants doivent resserrer les rangs, certes, mais aussi choisir leurs combats. Le temps serait-il venu de faire le deuil du gel des frais, au profit de gains plus pragmatiques à long terme? 
 
 
Guillaume Jacob
societe.campus@uqam.com

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