Les étudiants connaissent tous la reine d’Angleterre, alors qu’elle n’a aucun pouvoir sur eux. En revanche, presque aucun ne connaît le Conseil d’administration (CA) de son université, l’«instance suprême» d’après les politiques du Réseau des universités du Québec, alors que le CA les détient presque tous.
À qui la faute? Aux étudiants, bien sûr, moutons de Panurge qui ne s’intéressent ni aux activités ni aux décisions de leurs dirigeants. Mais pas seulement. Reclus dans leur tour d’ivoire, les administrateurs des universités québécoises dirigent du haut, sans regarder ver le bas. Monarques éclairés qu’on souhaiterait, certains devraient troquer leur mortier d’anciens universitaires contre le bonnet d’âne en matière de transparence.
Outre les représentants des différents organes de l’université – dont les représentants étudiants –, les procès-verbaux (PV) des réunions du CA sont un des rares liens entre ses administrateurs et les membres de la communauté universitaire. Tout y est consigné: présences et absences, sujets débattus, interventions de chacun des membres et résolutions finales. Sans eux, les monarques éclairés deviennent monarques absolus, sans compte à rendre à leurs ouailles.
Plusieurs journalistes de Montréal Campus épluchent en ce moment même la haute pile des PV des dernières années de six des universités montréalaises. Néanmoins, courir après ces documents pourrait remplacer un des douze travaux d’Hercule: multiples messages de boîtes vocales en boîtes vocales, demandes d’accès à l’information suivis de refus catégoriques et ainsi de suite… Si bien que quelques-uns manquent encore à l’appel. Mais quelles excuses moralement acceptables peuvent avoir des dirigeants d’établissements financés à plus de 80% par les différents paliers de gouvernements et les étudiants? (54% pour le gouvernement provincial, 14% fédéral et 12,7% étudiant pour l’année 2008-2009 selon Statistique Canada)
Pour une fois – et il fait chaud au cœur de le mentionner ici –, l’UQAM est sur le du haut du podium de la transparence. Les précieux documents étaient tous librement accessibles à partir de son site Web, à partir du réseau du campus. Toutefois, elle ne bat pas l’Université de Sherbrooke, dont les PV peuvent être téléchargés à partir de n’importe quel ordinateur, dans n’importe quel coin de la province.
En revanche, le prix Citron revient sans contredit à l’Université de Montréal. La direction a tout simplement répondu qu’elle n’était pas tenue par la Loi d’accès à l’information de donner ses procès verbaux. Si Montréal Campus y tient mordicus, il n’a qu’à défendre son point devant la Commission d’accès à l’information, a-t-elle ajouté. Ou à attendre 15 ans, soit la
période à laquelle l’université les rend accessibles.
Le Secrétariat des instances de l’Université de Montréal a poussé le paradoxe à son comble quand votre journal lui a demandé les coordonnées des représentants étudiants sur son CA. La réponse a été la même: l’Université n’est pas tenue de donner les coordonnées de ces administrateurs… Autrement dit, même les représentants étudiants ne sont pas accessibles à ceux qu’ils représentent!
De sa devise «Elle rayonne par la foi et la science», on retiendra surtout la «foi», puisque ses 40 000 étudiants se laissent diriger à l’aveugle. C’est également le cas de l’Université McGill et de l’Université Laval, qui refusent toutes deux de donner un accès libre à leurs procès-verbaux. Dans tous les cas, espérons que notre dossier à venir sur ces instances à la barre des universités vous fera ouvrir les yeux. Car, inévitablement, la seule question à se poser en devient encore plus intrigante: qu’auraient-elles à cacher?
Naël Shiab
Rédacteur en chef
redacteur.campus@uqam.ca
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