La sécurité, ce puit sans fonds

Érigée au cœur de la jungle urbaine, l’UQAM dépense des millions afin d’assurer sa sécurité. Malgré tout, le Service de la prévention et de la sécurité gratte ses fonds de tiroirs pour mettre en place de nouvelles mesures d’urgence. 
 
Illustration: Florence Tison
 
 
En décembre 2008, une alerte à la bombe est déclenchée dans le pavillon de l’Éducation de l’UQAM. Les agents de sécurité se déploient, mais pris par surprise, ils ne savent pas vraiment comment réagir. L’incident s’avère finalement être une fausse alerte et est rapidement classé. De la fumée sans feu, qui a tout de même poussé le Service de la prévention et de la sécurité (SPS) à revoir ses techniques d’intervention. L’argent manque toutefois à l’UQAM afin d’améliorer ses mesures de sécurité alors qu’elle octroie déjà cinq millions de dollars par année à une firme externe.
 
«Nos demandes de budget auprès du ministère de l’Éducation n’ont pas fonctionné et l’UQAM réévalue actuellement ses entrées et sorties d’argent pour savoir quel montant elle pourra nous donner, explique le directeur du Service, Alain Gingras. C’est difficile de faire quoi que ce soit sans argent.» Sans ces fonds supplémentaires, le département a dû revoir sa liste de promesses et privilégier certains éléments. La mise en place de nouvelles caméras de surveillance et d’un réseau de messages textes sur le campus uqamien sont les principaux changements qu’a réussi à établir le SPS depuis deux ans.
Augmentation pour l’externe
Si le SPS met de l’avant le manque de fonds nécessaires au développement de plusieurs projets internes, l’UQAM a tout de même augmenté le budget alloué à la sécurité au cours des dernières années. À la suite d’un appel d’offres en mai 2008, le contrat de sécurité a été renouvelé avec la firme Kolossal Inc. La firme externe coûtera 36 152 000 $, taxes incluses, pour une période de sept ans, soit environ 5,2 millions par année. Cela représente une augmentation de 500 000 $ à 600 000 $ par année par rapport au contrat précédent, d’après le procès-verbal du 29 avril 2008 de la réunion du Conseil d’administration de l’Université. «Il y avait deux ou trois firmes en lice, se souvient le directeur du SPS. Nous avons octroyé le contrat au plus bas soumissionnaire.» Il ajoute que la profession d’agent de sécurité est encadrée par un décret gouvernemental très strict, ce qui explique entre autres les différentes primes d’ancienneté et de quarts de nuit ajoutées au contrat. Le salaire de base d’un agent varie entre 14,35 $ et 14,60 $ selon ledit décret.
 
«Kolossal Inc. était déjà en place, fait remarquer Alain Gingras. Nous n’avons pas à réimplanter un service, ni à faire de formations au niveau des cadres puisque ce sont les mêmes. Ce sont des coûts importants que nous épargnons.» Bien qu’elle soit substantielle, cette augmentation ne concerne que l’embauche de la firme externe. Le Service de la prévention et de la sécurité qui s’occupe de créer les procédures d’urgence ne touche pas un sou de ce montant.
Formations et communication
Des mesures ont aussi été prises pour éviter un cafouillage en cas de tireur fou, comme on l’a craint en décembre 2008, ou d’autres alertes à la bombe. Ainsi, les policiers des postes de quartier voisin à l’Université ont bénéficié d’une formation de reconnaissance, étalée sur cinq nuits, pour un meilleur repérage dans les pavillons. «Ces formations sont très importantes quand l’on pense à la grandeur de l’UQAM, explique le directeur du Centre d’études sur la communication de risque et de crise de l’UQAM, Pierre Bérubé, qui a assisté à une des nuits dans le cadre de ses recherches. Un des problèmes lors de la tuerie au Collège Dawson en 2006 résidait dans la méconnaissance du terrain par les policiers. En situation d’urgence, ces ateliers peuvent faire toute la différence.» Celle auprès des professeurs a toutefois été écourtée. «Nous avions commencé une série de séances auprès du personnel enseignant, mais avec les 40 départements, ça représente beaucoup de temps, beaucoup d’argent, précise Alain Gingras. Nous sommes toutefois en train de développer une capsule vidéo qui sera éventuellement disponible sur le Web. Le message va passer par le cyber-apprentissage.» Tout comme ces formations, beaucoup de mesures ont été modifiées, abrégées ou repoussées faute d’argent à investir. «Les caméras que l’on voulait installer auraient coûté deux millions, illustre le directeur du Service. Au bout du compte, nous avons choisi des endroits stratégiques, comme dans le pavillon de l’Éducation où avait eu lieu le faux attentat, et nous les avons placées là.»
 
Plusieurs projets ont tout simplement été mis au rencard le temps que le Service de prévention et de la sécurité trouve les fonds nécessaires. «Il était question de diffuser massivement les messages d’urgence par le biais des ordinateurs, des interphones et des écrans géants répartis dans l’Université, mais ce n’est pas encore fait, note Alain Gingras. L’argent n’est pas là.» Ces projets sont toutefois déjà prêts pour être implantés dès que l’argent entrera. «L’UQAM est  obligée de revoir ses budgets afin de savoir comment, en épargnant à certains endroits, elle peut doter le service de la prévention d’outils un peu plus perfectionnés avec des budgets supplémentaires.» Déjà, l’Université a remis 1,3 million au service pour qu’il développe ses moyens de communication et de surveillance. Un autre 300 000 $ est toujours en attente.
Reine du centre-ville
Il n’en reste pas moins qu’avec ces 5,2 millions annuels, l’UQAM est en tête de palmarès pour ce qui est des budgets universitaires alloués à la sécurité. Selon des chiffres obtenus par La Presse, l’Université du Quartier Latin occupait déjà la première place en 2009, loin devant sa voisine du centre-ville, Concordia. La première avait alors un budget d’environ 3,4 millions comparativement  à 1,3 million pour la seconde. Le directeur du SPS de l’UQAM note cependant qu’en raison du décret encadrant le travail des agents de sécurité, tous les établissements ont été forcés de réviser leur budget à la hausse.
 
«Chaque université a son histoire par rapport à la sécurité, explique Pierre Bérubé. Elles ont toutes à vivre avec un contexte différent. Par exemple, si on pense aux écoles qui ont vécu des évènements tragiques comme Polytechnique, Virginia Tech ou encore Dawson, elles ont toutes révisé leurs mesures d’urgence depuis.» Il ajoute que les établissements scolaires n’ont pas tous les mêmes moyens, les mesures de sécurité développées sont donc forcément différentes. «La situation de l’UQAM s’explique aisément, insiste Alain Gingras. Nous avons affaire à un contexte de centre-ville. Les autres universités montréalaises, hormis Concordia, n’ont pas à composer avec cette réalité.»

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