Les frontières du savoir

Le Québec détient encore cette année les droits de scolarité et l’endettement étudiant les plus bas au Canada. Mais qu’en est-il ailleurs au pays? Regard sur trois cas qui sortent du lot: l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.
Courtoisie: Fédération canadienne des étudiants et étudiantes section Maritimes

 
Le 5 novembre 2009, près de 10 000 étudiants ontariens manifestaient pour des études postsecondaires plus abordables et accessibles. Le 2 février dernier, c’était à quelque 500 étudiants de la Nouvelle-Écosse de sortir les pancartes dans les rues d’Halifax contre l’augmentation prochaine de leurs frais de scolarité. Bien peu en comparaison des 185 000 étudiants québécois en grève générale illimitée en 2005. Pourtant, les coûts d’inscription universitaire de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario sont parmi les plus élevés au pays: deux fois plus que ceux des universités québécoises. «Nous croyons que l’université est un droit et que les Néo-Écossais ne devraient pas payer plus cher que les étudiants québécois», soutient la présidente de l’Association générale des étudiants de l’Université de Sainte-Anne (AGEUSA) en Nouvelle-Écosse, Gabrielle Samson. Si la réalité financière des étudiants québécois est très différente de celle des étudiants du reste du Canada, l’accessibilité aux études postsecondaires demeure un enjeu qui ratisse large au pays.
 
82 % des Ontariens croient que le coût élevé des études universitaires dissuade ceux qui pourraient les fréquenter, révèle un sondage de la firme Harris/Décima commandé par la branche ontarienne de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCEE). Pour l’année 2010-2011, un étudiant canadien de premier cycle universitaire a payé en moyenne 5 138 $ en frais de scolarité. Ces derniers ont augmenté de 4 % au Canada depuis l’année précédente. Ils avaient déjà augmenté de 3,6  % l’année d’avant.
  
Pourtant, lorsqu’on jette un œil au nombre d’inscriptions universitaires à travers le pays, il n’a cessé d’augmenter année après année. Selon Statistique Canada, le nombre total de diplômés universitaires a progressé de 43 % entre 1992 et 2007. Même son de cloche au Québec. À la vue de ces chiffres, le professeur d’économie à l’Université de Montréal Claude Montmarquette est catégorique: l’accessibilité aux études postsecondaires n’est pas entachée, malgré une hausse des droits de scolarité. Étudier demeure très rentable pour les étudiants selon lui, car ils seront davantage payés une fois le diplôme en main. L’économiste ajoute que, puisque les universités se trouvent avec plus de moyens, elles offrent aussi une meilleure éducation à leurs étudiants, ce qui en attirerait d’autres.
 
Les droits de scolarité augmentent. Le nombre de diplômés aussi. Mais l’endettement étudiant, lui, s’accroît encore plus rapidement. D’après un rapport du Conseil canadien sur l’apprentissage (CCA), un organisme indépendant à but non lucratif, la dette moyenne des diplômés universitaires canadiens a doublé depuis 1990, atteignant 26 680 $. Selon la Commission de l’enseignement supérieur des Maritimes, où la situation est la plus dramatique, la dette étudiante a grimpé d’un tiers entre 1999 et 2004. De l’aveu de Gabrielle Samson, la présidente de l’AGEUSA, il n’est pas rare qu’un diplômé néo-écossais entre sur le marché du travail avec une dette supérieure à 35 000 $. À ce titre, le Québec sort du lot. Selon le ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport (MELS), la dette moyenne d’un diplômé de premier cycle québécois était d’environ 13 000 $ en 2007-2008.
L’Ontario sur le haut du podium
Les étudiants ontariens paient cette année les plus hauts frais de scolarité au pays, pour une deuxième année consécutive. Ils encaissent également la plus importante majoration depuis l’année passée, soit 5,4 %. Le ministère de l’Éducation de l’Ontario explique qu’à partir de 2006, après deux ans de gel, les hausses ont suivi un calendrier préétabli. Le gouvernement de la province a imposé une augmentation maximum. Ce fut ensuite aux universités de choisir leur niveau de hausse. Pour la prochaine année universitaire, la ministre de l’Éducation, Leona Dombrowsky, a autorisé une augmentation maximale de 5 %.
 
En réponse à ces hausses, les étudiants ontariens accusent le gouvernement de piger dans leurs poches plutôt que dans celles des contribuables pour financer les études postsecondaires. «Il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités», soutient la représentante de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants en Ontario, Sandy Hudson. La FCEE-Ontario demande au gouvernement de «réduire immédiatement les frais de scolarité à leur niveau de 2004, d’instaurer un plan qui protégera la population étudiante contre les hausses des frais et qui réduira progressivement les frais de scolarité de 5 % annuellement». 
 
Selon des données du MELS, en 2004-2005, les droits de scolarité payés par les étudiants ontariens représentaient 38 % du financement des universités, comparativement à 16 % chez les Québécois. Dans la Belle Province, les subventions gouvernementales sont la source de revenu principale des universités à hauteur de 71 % du financement.
 
 
Illustration: Dominique Morin
 
 
Les Maritimes épargnées
Alors que la plupart des provinces augmentent les coûts liés à l’inscription universitaire, une seule a plutôt opté pour une diminution: la Nouvelle-Écosse. L’objectif de cette baisse, selon son ministère de l’Éducation, est de ramener les frais de scolarité de la province atlantique dans la moyenne nationale. Malgré une baisse de 4,5 % de ses droits de scolarité cette année, la Nouvelle-Écosse se classe tout de même au troisième rang des droits de scolarité les plus dispendieux. C’est d’ailleurs ce que dénonce la présidente de l’AGEUSA, Gabrielle Samson. Compte tenu de l’inflation, fait-elle valoir, cette diminution représente plutôt un gel. «Nos réalités sont très semblables à celles de Terre-Neuve-et-Labrador. Notre économie et notre population se ressemblent. Pourtant, il en coûte moitié moins d’étudier là-bas.» La Nouvelle-Écosse a longtemps été la province où les frais de scolarité étaient les plus élevés au Canada. Depuis 2007, elle ne cesse de les diminuer. Cependant, la fête tire à sa fin: la Nouvelle-Écosse annonçait au début du mois des hausses des coûts d’inscription d’un maximum de 3 % pour les trois prochaines années. 
 
Certaines provinces comme Terre-Neuve-et-Labrador et le Nouveau-Brunswick n’ont pas augmenté leurs frais de scolarité cette année. Le président de l’Alliance étudiante du Nouveau-Brunswick, Sam Gregg-Wallace, souligne que les étudiants néo-brunswickois négocient présentement avec leur gouvernement pour prolonger ce gel qui perdure depuis 2007. L’accord devrait être conclu en mars prochain pour la sortie du budget. «Nous nous sentons collectivement concernés et c’est pour cette raison qu’il y a un effort pour pousser le gouvernement à continuer de geler les frais de scolarité, explique-t-il. Nous espérons que les frais seront gelés pour encore trois ou quatre années». 
Des frais de scolarité les plus bas au pays, un taux d’endettement enviable, le Québec incarne-t-il un modèle pour le reste du Canada? Les représentants des associations étudiantes de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse s’entendent tous pour dire qu’ils ne se comparent pas à la Belle Province. «Nous voyons le Québec comme un exemple, mais nous nous concentrons sur nos propres réalités, affirme le président de l’Alliance étudiante du Nouveau-Brunswick, Sam Gregg-Wallace. Ce qu’on prend le plus en exemple, c’est la mobilisation étudiante faite au Québec.» 
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L’Aide financière aux études
Selon le ministère de l’Éducation du Québec, en 2002-2003, les prêts de l’Aide financière aux études du Québec étaient 43 % moins élevés qu’ailleurs au Canada. Ils se chiffraient en moyenne à 2 665 $, comparativement à 4 695 $ ailleurs au pays. Toutefois, outre le Québec, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, le reste du Canada bénéficie du Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPE), une aide financière fédérale sous forme de prêts et de bourses. Au cours de 2007-2008, plus de la moitié des emprunteurs du PCPE étudiant à temps plein provenaient de l’Ontario (59 %). La Colombie-Britannique se classait au deuxième rang avec 14 %. L’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard exclus, toutes les provinces ont enregistré une baisse du nombre d’emprunteurs. 
 
L’aide offerte dans le cadre du PCPE est complétée par des programmes provinciaux. Selon Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 60 % des besoins d’aide financière évalués sont couverts par le gouvernement fédéral, alors que 40 % provient du gouvernement provincial ou territorial. Puisque le Québec, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ne participent pas au PCPE, ils offrent plutôt leur propre programme d’aide aux étudiants et reçoivent une compensation du gouvernement du Canada pour soutenir leur programme.
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Moyenne des frais de scolarités et nombre d’étudiants par province
Ontario:
Frais de scolarité 2010-2011: 6 307 $, en hausse de 5,4% par rapport à l’an dernier. 
Nombre d’étudiants en 2008-09: 365 775
Québec:
Frais de scolarité 2010-11: 2 415 $, en hausse de 4,7% 
Nombre d’étudiants en 2008-09: 172 425
Nouvelle-Écosse:
Frais de scolarité 2010-11: 5 495 $, en baisse de 4,5%
Nombre d’étudiants en 2008-09: 33 126
Nouveau-Brunswick:
Frais de scolarité 2010-11: 5 516 $, stable
Nombre d’étudiants en 2008-09: 18 666

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