Pis?

1943 %. C’est l’augmentation en deux ans des frais de scolarité imposés aux étudiants du MBA de l’Université McGill. Aux oubliettes les 1 673 $ par année, le prestigieux programme coûtera l’an prochain la rondelette somme de 32 500 $ aux quelques dizaines d’étudiants. La nouvelle avait fait les manchettes il y a quelques mois lorsque McGill avait fait passer le coût annuel à 29 500 $, faisant pousser les hauts cris aux associations étudiantes. La ministre de l’Éducation de l’époque, Michelle Courchesne, avait promis de couper les vivres au programme de la vénérable université, mais un an plus tard, rien ne semble avoir été fait.
 
 
Mais un MBA à 32 500$, est-ce vraiment scandaleux? Non. Pas le moindrement. Les étudiants inscrits au MBA de McGill n’ont pas du tout le même profil – ni le même portefeuille – que l’uqamien moyen. Personne ne sort du cégep pour étudier dans un tel programme. La moyenne d’âge des 70 étudiants est de 28 ans et ils ont en moyenne cinq années d’expérience professionnelle. Aussi, la majorité des 65 étudiants qui suivent le programme cette année obtiendront assurément une importante augmentation salariale une fois leur MBA obtenu. Ils doubleront leur salaire en trois ans, pour un revenu moyen de 104 000 $ par année. C’est ce qu’on appelle un bon investissement. Et même à ce prix, le MBA de McGill reste une aubaine si on le compare au programme de l’Université de l’Ontario, qui exige des droits allant de 74 936 $ à 94 286 $.
 
D’après McGill, le coût réel de la formation s’élevait à 22 000 $ en 2010, tandis que l’Université n’avait droit qu’à 12 000 $ par étudiant de la part du Ministère. Afin de financer le MBA, les subventions consenties aux programmes moins coûteux étaient utilisées pour payer la différence. Une situation insoutenable pour une formation de haut niveau, recherchée par les étudiants de partout dans le monde et dont le Québec peut être fier. 
 
Tandis que le lobby étudiant déchirait sa chemise, accusant McGill et le gouvernement libéral de privatiser l’éducation, l’argent consenti par Québec aux étudiants en arts servait à payer une formation Cadillac. Illogique, n’est-ce pas? Les associations étudiantes ont repris du flambeau il y a quelques jours quand Le Devoir a dévoilé que les bourses allouées à la dizaine de Québécois inscrits au MBA par l’Aide financière aux études allaient se transformer en prêts, accroissant – oh horreur! –, l’endettement de ces étudiants. Est-ce vraiment le sort de ces derniers qui émeut le lobby étudiant? Laissez-moi en douter. C’est plutôt l’éternelle insatisfaction des associations étudiantes en ce qui a trait aux systèmes de prêts et bourses, pourtant le plus généreux au pays. Malgré les 534 millions de dollars en prêts et bourses alloués en 2009-2010, les associations étudiantes en veulent toujours plus, comme si l’État était un guichet automatique. 
 
Québec ne peut résorber seul l’important sous-financement dont souffrent les universités québécoises – 620 millions selon la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec –, de surcroît en cette ère de déficit budgétaire structurel. Les étudiants doivent faire leur part et en premier lieu, ceux qui suivent des formations de très haut niveau. Il est entre autres aberrant de faire payer 5 000 $ aux étudiants du MBA pour cadres de l’UQAM, alors que ceux-ci ont en moyenne 36 ans et un salaire annuel de plus de 100 000 $. Ces derniers bénéficient grandement de leur formation et pourraient débourser davantage pour profiter de ce programme, à l’instar de leurs collègues des HEC et de McGill qui suivent un programme équivalent de 15 mois au coût de 65 000 $.
 
La même logique pourrait s’appliquer, dans une certaine mesure, à tous les programmes universitaires. Pour éviter une hausse conséquente des frais de scolarité dans les prochaines années, dont la facture risque de passer de 2 168 $ par année en 2012 à quelque 5 000 $ dans un horizon de 3 à 5 ans, Québec devrait étudier la possibilité de moduler les frais de scolarité selon le coût du programme. Les formations moins coûteuses, comme la philosophie, les arts et les sciences humaines, resteraient ainsi peu dispendieuses. Tandis que les étudiants en médecine, pédiatrie et autres programmes très onéreux paieraient une part plus juste du coût réel de leur formation. 
 
Le lobby étudiant ne peut plus se mettre la tête dans le sable. S’il n’offre pas de véritables solutions à la hausse des frais de scolarité sur le point d’être annoncée, il se condamne à être écarté du débat. Et quoi qu’on en dise, ni le statu quo ni la grève ne sont une solution. 
 
Louis-Samuel Perron
uqam.campus@uqam.ca

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