Y a-t-il un avion pour le pilote?

Gérard Deltell, chef de l’ADQ

En perdition depuis la déroute électorale de 2008, l’ADQ a nommé à sa tête, en décembre 2009, Gérard Deltell, un politicien inexpérimenté au caractère bouillant. Passionné d’aviation, l’ancien reporter de TQS au charisme indéniable se démène pour que l’ancien «parti d’un seul homme» survive au départ de celui-ci.

Dans un champ verdoyant à perte de vue, non loin de Québec, les marguerites s’agitent au rythme du léger souffle d’Éole. Le vrombissement d’un moteur brise le silence de cet Éden. Avec Gérard Deltell aux commandes, un «paramoteur», un aéronef ultraléger équipé d’un simple moteur à hélice et d’une voile de parapente, quitte la terre ferme. À l’instar de son engin d’apparence rudimentaire, le chef de l’Action démocratique du Québec (ADQ) cherche à faire décoller un parti politique en perte de vitesse.

Loin de la quiétude de la banlieue nord de Québec, où Gérard Deltell est devenu député en décembre 2008, Montréal Campus a rencontré le nouveau chef de l’ADQ dans le brouhaha montréalais. En triturant un bâton à café, Gérard Deltell parle de sa passion pour l’aviation. «Tout le monde a ses plaisirs dans la vie. Moi, c’est l’aviation, confie le pilote amateur, qui décolle une quinzaine de fois par année. Depuis que je suis tout jeune, dès que j’ai du temps, je vais à l’aéroport pour voir les avions s’envoler. J’adore le sentiment d’être dans le ciel, de quitter le sol.»

L’enthousiasme exprimé par l’ancien reporter de TQS quand il est question d’aviation s’accroît quand la conversation tend vers la politique, l’autre grande passion de Gérard Deltell. «J’ai toujours aimé la politique, raconte celui qui suivait le Watergate alors qu’il n’avait que huit ans. Ça m’a toujours passionné depuis que je suis enfant.» Journaliste pendant 20 ans, principalement à TQS, mais aussi à TVA et à Radio-Canada, Gérard Deltell estime que les six ans qu’il a passé comme courriériste parlementaire à l’Assemblée nationale lui ont été fort utiles pour sa seconde carrière. «Je connais la joute politique, je l’ai vu durant six ans, explique-t-il, lucide. J’avais le privilège de connaître l’ensemble de l’œuvre politique. Je n’ai pas été déçu, je savais que la vie politique, ce sont des hauts et des bas.»

En politique depuis seulement seize mois, Gérard Deltell donne l’impression d’être un vieux routier du métier. Il demeure toutefois modeste même s’il a été accueilli en sauveur à l’ADQ à la suite du douloureux épisode Gilles Taillon, à l’automne 2009. «Je n’ai jamais aimé les épithètes de sauveur et de messie», indique-t-il.

Faire le saut

Quand il s’est lancé dans la scène politique, en décembre 2008, Gérard Deltell a décidé de plonger, bien conscient des difficultés inhérentes à ce métier. «TQS venait de fermer et je n’étais plus journaliste. Jean Charest a déclenché des élections et je me suis dit: ‘’ok, j’y vais’’. J’ai choisi l’ADQ.» L’homme de droite au regard convaincu ajoute aussitôt: «Non. J’étais adéquiste.»

L’ancien reporter aux cheveux poivre et sel assure que la politique est une question de conviction. «Tu ne fais pas de politique par opportunisme, tranche-t-il, intraitable. Moi, ma conviction, ce sont les idées défendues par l’ADQ.» Et des idées, Gérard Deltell en a. Sauf que les valeurs défendues par ce politicien adepte du «gros bon sens» attirent encore peu les Québécois. «On est rendu à 13% dans les derniers sondages, alors que nous étions à 6% il y a deux mois», nuance le successeur de Mario Dumont. Il fut pourtant un temps où le parti de centre-droite était pressenti pour diriger le Québec. L’ADQ formait alors l’opposition officielle, fort des 31% de voix obtenus aux élections générales québécoises de 2007.

Déterminé à faire changer les choses, Gérard Deltell demeure conscient que les idées qu’il défend vont dans le sens contraire des idées qui ont mené le Québec durant 40 ans. «Notre discours tranche au même titre que Jean Lesage il y a 50 ans», soutient-il, ajoutant d’un ton grave que «le Québec est dû pour une nouvelle révolution tranquille.»

Celui qui a repris les reines d’un parti en pleine déroute, en novembre 2009, a vite repris les mêmes chevaux de bataille adéquistes. Réforme des structures, autonomie de la province, charge contre la bureaucratie et attaque contre le déficit: l’ADQ de Gérard Deltell demeure cohérent avec les principes de ses prédécesseurs. Mais quand il s’exprime sur l’actualité politique, le jeune politicien de 45 ans n’a pas à rougir par rapport au populaire Mario Dumont. Charismatique et habile avec le verbe, Gérard Deltell sait être convaincant. «Il faut une réforme draconienne des dépenses en santé, soutient-t-il, le regard perçant, quand la question de la santé est effleurée. Il y a des centaines de millions de dollars qui se perdent en matière de structure et de bureaucratie. Le dédoublement des structures coûte 600 millions de $ au Québec!»

Des positions bien arrêtées

Le passionné d’histoire contemporaine fulmine quand il est question du nouveau budget Bachand. «Je n’en reviens pas que les Libéraux aient inventé un nouvel impôt pour régler les problèmes en santé, s’insurge Gérard Deltell, en frappant la table du poing. Ça n’a pas de maudit bon sens! Même le PQ n’aurait pas pensé faire un tel impôt.» Révolté par «la lâcheté des Libéraux», Gérard Deltell lance avec verve les solutions qu’il apporterait au système de santé s’il prenait le pouvoir. «On veut établir le financement par épisodes de soins. Présentement, un hôpital reçoit une enveloppe budgétaire annuelle. Inversons la façon de faire pour que l’hôpital facture au gouvernement.» Selon Deltell, sa réforme «nivellerait le système de santé vers le haut», fort d’une «meilleure productivité et d’une meilleure efficacité.»

Le bâton à café brisé en deux à force d’être manipulé, Gérard Deltell répond avec verve et habileté aux différentes questions. Le bouillant politicien devient à peine plus posé quand il est question d’éducation. Père de deux enfants, dont un qui fréquente l’université, Gérard Deltell est un fervent partisan d’un dégel des frais de scolarité. «C’est de l’hypocrisie institutionnalisée, s’indigne-t-il. Le gel est une erreur historique. Il faut augmenter les frais en fonction des programmes tout en s’assurant de préserver l’accès aux études universitaires pour les plus démunis.» Le chef adéquiste, fidèle à ses convictions, assurent qu’une mobilisation étudiante ne changerait rien à ses idées. «Certains disent que si on augmente les frais, les étudiants vont marcher dans la rue. Ouais, Pis?»

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