L’art du pliage de papier démystifié
Sortez vos vieilles feuilles du bac de recyclage: l’origami est de retour. Loin de l’enfantin bricolage de votre enfance, le passe-temps japonais a été élevé au rang d’art par certains prodiges montréalais du pliage de papier. D’autres utilisent même les techniques d’origami pour contribuer à l’avancement de la science.
Un papillon: sept plis. Un dragon: 75 plis. Une pendule à coucou: 417 plis. Le plaisir de transformer un morceau de papier en œuvre d’art: ça n’a pas de prix. Du moins pour tous ces maniaques de l’origami qui se rassemblent le dernier dimanche de chaque mois, dans le quartier Saint-Michel, pour comparer leurs plus belles réussites. Et gare à ceux qui osent utiliser colle ou ciseau pour arriver à leurs fins!
Alexis Degrugillier, membre confirmé du club d’Origami-Montréal, le seul groupe d’origami au Québec, présente ses plus récentes créations à la quinzaine de passionnés du pliage de papier. Une sauterelle plus vraie que nature côtoie un inoffensif lézard, une jolie fleur et une menaçante mante religieuse.
Impressionnantes pour le néophyte du Montréal Campus, ces créations sont simples pour cet amoureux de pliage du papier. «Certains modèles qui paraissent très durs à faire ne le sont pas tant que ça, assure le jeune Français. J’ai déjà passé 24 heures sur un origami. C’était une pendule avec un coucou sorti, un balancier et des feuilles de vigne.»
L’origamiste pratique l’art du pliage de papier depuis sa tendre enfance. «Ma mère avait un magazine de Noël avec un diagramme de la grue japonaise. Je l’ai essayé et je l’ai réussi. Ça fait 25 ans que j’en fais maintenant.» Le jeune homme de 33 ans à l’allure juvénile adore la polyvalence du papier. «J’aime son apparente facilité, souligne-t-il. On peut plier beaucoup de choses avec du papier. Il n’y a pas de limite à ce qu’on peut faire, il n’y a que notre imagination.»
De la religion à la science
L’origami, qui signifie «pliage de papier» en japonais, fait partie intégrante de la culture nippone depuis plusieurs siècles. L’origine de cet art est controversée. Mais d’après Hideko Sinto, qui détient une maîtrise en histoire de l’art japonais, ce sont les Chinois, inventeurs du papier, qui ont transmis cet art aux Japonais. Les moines bouddhistes chinois, venus prêcher la bonne parole au pays du soleil levant vers le VIe siècle, utilisaient des accessoires en papier plié pour leurs rites religieux.
Longtemps l’apanage des religieux, l’origami est devenu au fil du temps un loisir pratiqué par bien des Japonais. «Lorsque j’allais à l’Université, au Japon, tout le monde faisait des origamis à la cafétéria, raconte Hideko Sinto, qui s’est établie dans la Belle Province il y a 28 ans. Les étudiants faisaient des grues, qui est un symbole de paix au Japon, pour les envoyer à Hiroshima. Dans notre culture, on croit que 1000 grues en origami correspondent à un vœu exaucé.»
La petite femme férue d’histoire enseigne l’art de l’origami aux enfants de toute la province. Comme tant d’origamistes, elle s’extasie devant les possibilités tant artistiques que pratiques qu’offrent le papier. «Plusieurs professionnels, comme des ergothérapeutes ou des psychothérapeutes, utilisent l’origami pour soigner les gens», assure-t-elle.
Les techniques d’origami peuvent même servir à l’avancement de la science. Le physicien Robert J. Lang, sommité dans le monde du pliage de papier, a été engagé par une firme d’aéronautique pour développer un moyen de plier de gigantesques lentilles dans une fusée. «Robert Lang est la référence en ce qui a trait aux théories géométriques appliquées aux origamis, explique Alexis Degrugillier. Ses techniques sont aussi employées pour plier les coussins gonflables et pour des outils médicaux.»
Un art sans artifice
Au club d’Origami-Montréal, la passion pour le pliage de papier est manifeste parmi les participants. Les longues conversations sur le type de papier préféré de chacun viennent confirmer cette impression. Selon Alexis Degrugillier, qui était auparavant contraint à pratiquer son passe-temps préféré en solitaire, la présence de ces amateurs d’origami est stimulante. «J’aime confronter ce que je fais avec des gens, affirme-t-il. Ça permet de voir d’autres techniques.»
Le jeune passionné assure que l’origami est un véritable art en soi. «Souvent, les gens ne connaissent pas ça, avance-t-il. Ils s’imaginent que l’origami, ça se limite à plier un oiseau ou une grenouille. Mais c’est tellement plus que ça.» L’origami pratiqué par ces aficionados du pliage de papier est un art au même titre que la sculpture soutient le plieur expérimenté Steve Nguyen. «Les sculpteurs utilisent du bois ou de la pierre pour faire quelque chose de beau, alors que les origamistes utilisent du papier», compare celui qui a écrit un livre sur les origamis.
Le jeune homme de 33 ans, qui a sérieusement commencé à plier au boulot, entre deux appels, se considère comme un puriste. «Je veux que mon origami soit fait sur un seul morceau avec ni ciseau ni colle, indique-t-il, intransigeant. Mais les vrais puristes ne veulent travailler que sur un morceau carré, alors que je suis ouvert à d’autres formes.» D’autres amateurs d’origami sont toutefois plus souples. Certains raffolent de l’origami modulaire, qui permet de concevoir d’impressionnantes créations en assemblant plusieurs modules identiques. Une jeune femme du club d’Origami-Montréal épatait la galerie avec ses magnifiques sphères disposant des couleurs du cercle chromatique. Sa plus imposante, de la taille d’un ballon de basketball, est composée d’au moins 300 modules et a pris plus de 50 heures d’assemblage.
À la portée de tous, l’origami? «Oui, assure Steve Nguyen. Mais c’est comme n’importe quoi, il faut apprendre à marcher avant de courir. J’ai réussi à apprendre les symboles, mais quand j’ai commencé à lire des modèles d’origamis dans les livres, c’était vraiment du japonais.»
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