Épuisement (pré)professionnel

La situation des stagiaires en enseignement se détériore

Pour tous les étudiants du programme d’enseignement, quatre stages en milieu scolaire sont obligatoires…et très rarement rémunérés. Alors que les factures et les difficultés s’accumulent, les solutions tardent à arriver.
Courtoisie: FEUQ
Étudiante au programme en enseignement secondaire de l’UQAM, Élisabeth Côté a complété son stage IV obligatoire à l’automne dernier, une expérience éprouvante. «J’ai dû arrêter de travailler les fins de semaines comme je le faisais depuis le début de mes études, faute de temps. J’ai emprunté de l’argent à mes parents pour payer mes cours et je payais mes dépenses de consommation avec mes prêts et bourses.» Comme elle, de nombreux étudiants doivent investir plus de 60 heures par semaine dans leur stage, ce qui les pousse à abandonner leur emploi rémunéré. Ils se privent, en moyenne, de 3 000 dollars de revenus. «Le stage IV est obligatoire et non rémunéré. Il consiste à effectuer toutes les tâches d’un enseignant pendant huit à douze semaines, explique le président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Jean Grégoire. Il faut préparer et donner les cours cinq jours sur sept, rencontrer les parents, le directeur, les comités, corriger les examens, etc.»

Alors que la qualité de l’apprentissage du stagiaire est affectée par l’ampleur de la tâche, l’enseignement prodigué aux élèves est aussi compromis. «Les stagiaires ont moins de temps pour préparer leurs cours et arrivent à l’école épuisés, déplore Simon Forget, président à l’Association des étudiantes et des étudiants de la faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM (ADEESE). Ce sont les élèves en classe qui en souffrent.»

Les lourdes corvées engendrent l’abandon d’emploi ou la réduction des heures de travail pour 82% des stagiaires, selon les statistiques les plus récentes recueillies par Saine Marketing en 2006.  Les deux occupations étant pratiquement impossibles à concilier, d’autres sont tout simplement contraints d’abandonner le cours pour conserver leur unique source de revenu. «Le futur professeur doit non seulement rendre des comptes à l’établissement qui l’accueille, mais aussi à son superviseur de stage, soutient l’homme à la tête de l’ADEESE. La charge de travail dépasse vite les 40 heures par semaine.»
Solution à l’horizon?

L’ADEESE réclame un dédommagement afin de permettre aux étudiants en éducation de garder la tête hors de l’eau lors de stages particulièrement exigeants. Une mesure qui coûterait, selon ses calculs, 0,1% du budget du ministère de l’Éducation, des Loisirs et des Sports (MELS).

«Ce qu’on demande, insiste Simon Forget, c’est une compensation financière équivalente au salaire minimum multiplié par le nombre d’heures de stage. Cette somme doit s’accompagner d’une indemnisation des frais liés au stage comme le transport, ainsi que l’achat de matériel pédagogique et d’un uniforme de travail.»

La situation insoutenable à laquelle sont soumis plusieurs étudiants ne date pas d’hier. En 1977, la question était déjà à l’étude devant un groupe de travail ministériel.  Le dossier du stage IV en enseignement accapare depuis plus de sept ans une grande partie des efforts de l’ADEESE. Il est dorénavant le point central de toutes leurs campagnes.

L’ADEESE ne marche pas seule dans son combat contre les stages non rémunérés. Depuis maintenant plus de trois ans, la FEUQ lutte elle aussi pour que les étudiants en enseignement obtiennent une compensation. «Plusieurs modèles de soutien financier existent, soutient Jean Grégoire, président de la fédération. Ça pourrait être un chèque, une bourse d’étude ou  un crédit d’impôt lors de l’entrée sur le marché du travail.»

Les étudiants qui complètent un stage, même non rémunéré, reconnaissent un avantage à leur expérience. «Le stage permet à tout le moins de créer des liens qui facilitent l’entrée sur le marché du travail.»

L’automne dernier, le MELS a fermé la porte à tout dédommagement financier après la lecture du bilan de la table de réflexion sur la condition des étudiants stagiaires. «La ministre Michelle Courchesne a lu le rapport et a repoussé le projet, précise Simon Forget, président de l’ADEESE. Elle nous a laissé entendre qu’elle ne souhaitait pas régler le problème, mais c’est officieux. On veut une vraie réponse.» Montréal Campus a essayé de rejoindre le MELS pour discuter du dossier, sans obtenir de réponses.

Réunis le 18 février à Québec, plusieurs membres de la FEUQ, de l’ADESSE et d’autres associations étudiantes ont manifesté devant l’Assemblée National. «On veut rappeler à la ministre de l’Éducation qu’on existe et réitérer notre demande de compensation financière pour le stage IV», explique Simon Forget. La FEUQ continuera quant à elle à diriger des actions «tant et aussi longtemps que la ministre n’aura pas pris d’engagements clairs».

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