Des fonds qui fondent à vue d’œil

La recherche sur le climat menacée à l’UQAM

La recherche sur le climat est désormais en voie d’extinction à l’UQAM. La raison? L’épuisement de sa principale source de revenus: le financement du gouvernement fédéral.

Illustration: www.simonbanville.com

La survie du Centre pour l’étude et la simulation du climat à l’échelle régionale (ESCER) de l’UQAM est menacée. La Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère (FCSCA), qui est sa principale source de financement, ne reçoit plus de fonds de la part du gouvernement depuis six ans. Sans argent supplémentaire, elle devra probablement fermer ses portes.

Cette possible fermeture de la FCSCA fait craindre le pire au directeur du Centre ESCER de l’UQAM, René Laprise: «Ce sera désastreux. Cette Fondation assure l’ensemble du financement de la recherche en météo et physique du climat au Canada. La mort annoncée de la FCSCA pourrait obliger le Centre ESCER à fermer ses portes à son tour.»

«Ce serait une lourde perte, non seulement pour l’UQAM, mais aussi pour la communauté internationale, déplore Martin Leduc, un doctorant du Centre ESCER. Nous avons développé une expertise en modélisation du climat régional et notre groupe est un leader mondial dans ce domaine.» Le Centre ESCER est le premier au Canada à avoir créé un simulateur de climat qui s’applique à une région en particulier plutôt qu’à tout le globe, ce qui est beaucoup plus précis, explique René Laprise.

Le groupe de recherche  rassemble près de quatre-vingts professeurs, étudiants et agents de recherche. Son directeur, René Laprise, fait partie des principaux auteurs du 4e Rapport d’évaluation du Groupe d’experts international sur l’évolution du climat (GIEC), ce qui lui a valu d’être co-lauréat du prix Nobel de la paix en 2007.

La pointe de l’iceberg

Selon M. Laprise, sans la Fondation, les programmes liés à la météo et à la physique du climat disparaîtront à l’UQAM, qui est «la seule université canadienne à offrir une formation en français dans ces disciplines.» Comme les groupes de recherche universitaire distribuent environ 90% de leurs subventions aux étudiants et aux stagiaires postdoctoraux, les inscriptions en sciences de l’atmosphère diminueront au même rythme que le soutien financier, pense-t-il.

«Je ne me vois pas aller jouer de la guitare dans le métro pour payer mes études, s’inquiète Martin Leduc. S’il n’y a plus de financement de la part de la Fondation, je devrais sûrement m’endetter.»

Certains doctorants en sciences de l’atmosphère songent déjà à quitter le pays pour poursuivre leur carrière dans la recherche. «Il va falloir que je change soit de domaine, soit de pays», pense Martin Leduc.

Un vent de protestation commence d’ailleurs à souffler du côté des étudiants. «Nous allons sûrement écrire une lettre ouverte, raconte la doctorante Danahé Paquin-Ricard, elle aussi du Centre ESCER. Nous envisageons une alliance avec d’autres étudiants canadiens menacés par la fermeture possible de la FCSCA.»

Selon la directrice exécutive de la Fondation, Dawn Conway, le pire dans cette situation est le climat d’incertitude: «Les professeurs ne savent pas d’où vont venir les fonds, les recherches sont difficiles à planifier et certains chercheurs qualifiés préfèrent s’expatrier.» Danahé Paquin-Ricard abonde dans ce sens: «Le manque de continuité dans le financement amène la précarité. Avec la fermeture de la FCSCA, plusieurs équipes de recherche se démantèleront. Si le financement reprend trois ans plus tard, il faudra reformer des équipes, ce qui est très long.»

Survie en sursis

Bien que le ministère de l’Environnement du Canada ait prolongé le mandat de la FCSCA jusqu’au 31 mars 2012, la Fondation n’a pas reçu de nouveau financement depuis l’année fiscale 2003-2004. Les 110 millions de dollars de son budget global ont déjà été distribués. «Il nous reste très peu de fonds à investir et ils sont déjà engagés dans divers projets, indique la directrice exécutive de l’organisme de bienfaisance, Dawn Conway. La Fondation ne peut plus subventionner de nouvelles recherches.»

Le ministère de l’Environnement dément les allégations annonçant la fin de la FCSCA. «L’entente avec la Fondation est présentement revue par notre ministère, affirme l’attaché de presse du cabinet du ministre Jim Prentice, Frédéric Baril. Nous devrions prendre une décision sous peu.» Il ajoute que l’organisme de bienfaisance n’a réclamé aucun financement additionnel dans sa demande d’extension de mandat.

L’agente de communications de la Fondation, Kelly Crowe, soutient néanmoins que la FCSCA a présenté sa demande de financement au Conseil des finances de la Chambre des communes. «Nous avons demandé 250 millions de dollars supplémentaires, indique-t-elle. Si la Fondation ne reçoit plus d’argent, elle devra fermer ses portes.»

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