Recueils faits maison

Droit d’auteur brimés à l’UQAM

La violation des droits d’auteur n’est pas exclusive aux médias électroniques. Les pirates du papier existent depuis toujours et leur drapeau à tête de mort flotte présentement au-dessus de l’UQAM.

Le laser vert des photocopieuses menace les recueils de textes et les livres destinés à l’enseignement. Des étudiants, et même des professeurs, en usent pour des photocopies à rabais, passant ainsi à la trappe les droits d’auteurs.

Paul* est un enseignant de la faculté de communication. Comme tous les professeurs et chargés de cours de l’Université, il est tenu de remplir des formulaires de déclaration de droits d’auteur pour les textes de ses recueils et ceux distribués en classe. «Je fais faire mon recueil à l’extérieur, c’est plus pratique, explique-t-il. Sinon, je dois remplir un formulaire par texte pour la COOP UQAM. Si je choisis de faire mon recueil via la COOP UQAM, on me fera payer des droits d’auteur très élevés. Je suis scandalisé par la différence de prix.» Ainsi, un de ses recueils coûte 36,68 dollars à la coopérative pour un membre, alors que ses étudiants se le procurent à 18$, au comptoir d’un centre de copie non loin du campus universitaire. «C’est très mal vu et je n’ai pas le droit de faire ça, avoue Paul. Beaucoup de professeurs vendent des livres et personne ne veut qu’on le copie. Mais c’est trop cher pour les étudiants.»

Antoine* est quant à lui étudiant. Il clame avec assurance que la copie noire est courante en maitrise. C’est notamment le cas pour un de ses cours obligatoires, en finance, où un livre facturé 199,45$ à la COOP UQAM est requis. «On a organisé un projet de photocopies en groupe, explique-t-il. On faisait payer 40$ la photocopie complète. D’autres étudiants l’ont numérisé en intégralité par la suite et facturaient aussi ceux qui le demandaient.»

Coûteuse bibliographie

Pour Antoine, les abus sont monnaie courante dans les listes de livres obligatoires. Des professeurs imposent l’achat d’ouvrages inutiles, estime l’étudiant. «Je n’ai pas ouvert le livre de la session et j’ai réussi mon cours, admet-t-il. C’étaient clairement 200$ gaspillés. J’ai un malaise par rapport aux droits d’auteurs, qui sont très importants, mais ça devrait être de la liberté des étudiants d’acheter ou non les livres.»

De nombreux témoignages montrent du doigt le centre de copie Copidata, tout proche de l’Université. En effet, le tarif de trois sous par page au-dessus de 1000 copies est alléchant. Le gérant de l’établissement, confronté aux questions de Montréal Campus, est tout d’abord resté très flou. «Avant, on pouvait le faire, se défend-t-il, visiblement dans l’eau chaude. Mais maintenant, ça non, on ne peut plus.» Pourtant, quelques jours auparavant, un commis avait indiqué à Montréal Campus que des recueils seront en vente à la session d’hiver. Au fil de la discussion, le gérant a toutefois indiqué que plusieurs autres centre de copies autour de l’UQAM faisaient affaires avec des enseignants. «Tout le monde vend des recueils. Les professeurs vont partout. J’en ai même de Concordia!»

Pour gérer les droits d’auteur sur le campus, l’Université fait affaire avec Copibec, la Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction [voir article Cassez votre cochon!]. «Un centre de copie vous dira qu’il n’est pas responsable de ce qui est photocopié par ses clients, mais souvent ce n’est pas juste de la photocopie en libre-service mais bien un service qui est offert», commente Frédérique Couette, conseillère juridique de l’entreprise sans but lucratif. Bien que Copibec soit en contact avec la GRC, Frédérique Couette concède qu’il est impossible d’avoir un œil derrière chaque comptoir. «Nous comptons beaucoup sur la bonne foi des gens.» Toutefois, faire fi des droits d’auteur peut coûter cher si on se fait attraper, entre 500$ et 20 000$, à la discrétion du juge.

Pour André Carpentier, professeur au département d’études littéraires de l’UQAM depuis 1986, la copie illégale est un double vol. «C’est ne pas reconnaître la paternité d’un auteur sur son œuvre, mais c’est aussi voler sa pensée, explique l’auteur lui-même. C’est particulièrement malsain comme phénomène, ça laisse croire aux étudiants que le droit d’auteur est négociable.» Si les droits d’auteur rapportent un revenu dérisoire (sur 11 livres publiés André Carpentier reçoit 200$ par an), ce n’est pas seulement une question d’argent. «Je serais en colère d’avoir été copié illégalement. Pas à cause du 30$ qu’il me manquerait, mais parce que ce serait un profond manque de respect.» Le professeur concède toutefois que les formulaires pour déclarer les droits d’auteurs sont longs à remplir. Il charge d’ailleurs un assistant de la tâche.

La plateforme Moodle, où les professeurs peuvent mettre en ligne des documents à la disposition de leurs étudiants, bien que très pratique, aurait aussi un effet pervers selon la directrice de la COOP UQAM, Andrée Moro. Rien n’oblige en effet les professeurs à déclarer les textes déposés au fur et à mesure de la session, dans l’espace réservé à leur cours.

«Quand on ne fait qu’une seule copie, on n’a pas l’impression de porter préjudice à l’auteur, illustre Frédérique Couette. Mais quand c’est à l’échelle de milliers de personne et que tous se disent « ce n’est pas grave », alors les conséquences sont désastreuses. Comme étudiant, si votre professeur utilisait votre travail sans vous le demander, comment réagiriez-vous?»

Coopérative?

Fondée en 1981, la COOP UQAM a pour mission de s’impliquer économiquement et socialement dans le milieu universitaire. D’après son rapport annuel 2008-2009, un don de19 500 dollars a été fait à la Fondation de l’UQAM, pour des bourses étudiantes. «Un nouveau sommet» selon le document. Dons et commandites ont également été octroyés, mais impossible de distinguer les soutiens financiers des simples échanges de services ou de matériel. Toutefois, le rapport permet de les estimer aux environs de 60 000$. La coopérative indique également, sur son site Web, placer pour 20 000$ de publicité par année dans les différents médias étudiants. Comparé à son chiffre d’affaire de plus de 14 millions de dollars, le total de ces sommes représente moins de 1%.

*Paul et Antoine sont deux noms fictifs

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