Le fabuleux a le Chants Libres

Opéra féerie à Montréal

Le compositeur Gilles Tremblay, le poète Pierre Morency et l’homme de théâtre Robert Bellefeuille s’unissent pour mettre au monde une œuvre originale: l’opéra féerie.

Après les expériences Électr’opéra, Techn’opéra et Opér’installation, voilà que la maison d’opéra Chants Libres plonge dans l’univers fantastique du conte avec un opéra féerie. L’eau qui danse, la pomme qui chante et l’oiseau qui dit la vérité, du compositeur canadien Gilles Tremblay, est la 13e création de la compagnie d’opéra montréalaise.

La thématique du conte s’est imposée d’elle-même avec le projet et les textes du livret. Pour la directrice artistique de Chants Libres, Pauline Vaillancourt, «à partir du moment où le compositeur Gilles Tremblay a accepté notre commande d’écrire un opéra et qu’il a témoigné le désir d’en faire un opéra ludique, la féerie devenait naturelle». Contrairement aux habitudes de la compagnie, cet opéra n’utilisera pas de la musique sur bande, ni du traitement musical en temps réel. «Il s’agit presque d’un opéra classique pour nous», affirme Pauline Vaillancourt. La motivation est ailleurs pour l’artiste: «c’est tout un défi de créer une féerie au 21e siècle, on n’explore pas assez l’imagination du public.»

L’eau qui danse, la pomme qui chante et l’oiseau qui dit la vérité s’inspire d’un conte de l’écrivaine française Marie-Catherine D’Aulnoy. Pourquoi une féerie? «Parce ce que tout devient possible», explique le metteur en scène Robert Bellefeuille. L’amour et l’inspiration profonde de la nature que cultivent Gilles Tremblay et le poète et librettiste Pierre Morency ont fait le reste.

Une histoire musicale

L’histoire de cette nouvelle création est celle de l’Amour et des épreuves à franchir afin de s’en prouver digne. Belle-étoile, Petit-Soleil, Chérot et Beaujour sont abandonnés aux flots par leur grand-mère, la reine Poulane. Ceux-ci grandissent et finissent par vouloir découvrir leur origine. Accompagnés par des créatures mystiques, ils réussiront les épreuves que leur grand-mère sème sur leur chemin. Ils découvriront donc l’eau qui danse, la pomme qui chante et l’oiseau qui dit la vérité. À la fin, «la vérité triomphe de la fourberie» pour y faire resplendir l’amour. «C’est une allégorie à la vie», résume Robert Bellefeuille.

Pour le metteur en scène, c’est un «premier vertige» dans le monde de l’opéra. Cet habitué des créations théâtrales, reconnu pour son travail avec le Théâtre de la vieille 17, s’est senti interpellé par l’ampleur du projet. «En musique contemporaine, chaque opéra a ses codes, son langage. Cette fois-ci, la musique est imposante, elle incarne même un rôle avec le personnage du tambour-parleur.» Cette musique devient une contrainte, car les percussions seront carrément sur scène lors des représentations.
Dans sa mise en scène, Robert Bellefeuille a «recherché l’équilibre entre la pureté et la vibrance de la musique, entre harmonie et dissonance». Il décrit d’ailleurs la musique de Gilles Tremblay comme une «musique de l’ailleurs» à laquelle il a voulu insuffler une certaine lenteur.

L’orchestre du Nouvel ensemble moderne (NEM), autre pilier de la création musicale québécoise, assure le discours musical sous la baguette de Lorraine Vaillancourt. La flûtiste du NEM, Jocelyne Roy, trouve que «c’est une musique dynamique et imagée, comme Pierre et le loup, mais version contemporaine». Pour l’occasion, le NEM a grossi ses rangs de stagiaires de l’Université de Montréal. Pour la violoniste stagiaire, Uliana Drugova, la musique de Tremblay donne une atmosphère contemplative avec des tapis de cordes, des accords arpégés, des glissandos et de nombreux trilles. «C’est très léger et aérien avec des surprises aux percussions.»

C’est le temps d’opérer

La fébrilité est au rendez-vous et toute l’équipe a hâte de monter sur les planches les 19, 20 et 21 novembre au Monument-National. Les chanteurs sont au travail depuis plus d’un an et, selon Taras Kulish, qui joue le rôle du roi, «la belle complicité ajoute beaucoup sur les planches». La mise en scène a quant à elle commencé il y a plus d’un mois. Marianne Lambert, qui joue Belle-Étoile, affirme que «c’est rare d’avoir deux mois et demi pour monter un opéra, c’est beaucoup». Ce qui donne du temps pour que tout le monde s’adapte. Le mot d’ordre étant création, «les éclairages, la mise en scène, les maquillages et les costumes sont en constante évolution», poursuit-elle.
C’est tout un défi de créer un opéra. Le temps, l’argent et l’intérêt ne sont pas toujours au rendez-vous. La dernière création originale de l’Opéra de Montréal remonte à 1990 avec Nelligan. Dernièrement, les institutions d’enseignement ont mis l’épaule à la roue. Le Conservatoire de musique de Montréal, l’Université de Montréal et l’université McGill ont successivement créé des opéras en 2004, 2005 et 2006. «Disons que ce n’était plus à la mode d’écrire des opéras, mais c’est une idée magnifique, revendique Pauline Vaillancourt. Le domaine de la création musicale est très en retard sur les autres disciplines comme le théâtre, la danse ou le cinéma, mais malgré tous les efforts, c’est l’engagement des politiciens qui manque le plus.» Selon elle, «la création demande du temps et une oreille disponible à la nouveauté, mais il y a très peu d’occasions de chanter à Montréal alors qu’il y a beaucoup de chanteurs intéressés. Il n’y a rien de plus stimulant que le challenge de créer un personnage.»

Pauline Vaillancourt est malgré tout optimiste. «En Belgique et en Angleterre, des maisons d’opéra ont compris l’importance de la création.» Au Québec, plusieurs projets s’en viennent, mais pour l’instant, elle prépare la 20e saison de Chants Libres avec un best off des grands airs créés par l’organisme à caractère unique.

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