Vers l’infini et plus loin encore!

Pour quelle cause Guy Laliberté est-il allé dans l’espace? À peine est-il revenu que je ne m’en souviens déjà plus. Ce dont je me rappelle, c’est qu’il a pu le faire contre un chèque de 35 millions de dollars, petite douceur pour ses 50 ans, et surtout que tous les médias l’on adulé.

Ma mémoire collective se souvient aussi de l’intense popularité que le voyage sur la Lune a connue il y a 40 ans. Seulement, après la tempête médiatique, les autres missions spatiales sont passées presque inaperçues aux yeux du public. C’est l’une des raisons – avec la crise du pétrole – qui auraient poussé la NASA à abandonner son programme habité d’exploration de la Lune au début des années 1970. L’intérêt du public ne venait plus justifier que des coûts aussi exorbitants soient défrayés pour des activités qui n’offraient presque rien en matière de progrès scientifique.

La visibilité médiatique du voyage dans l’espace de Guy Laliberté, ainsi que celle de l’astronaute-vedette Julie Payette, sont donc très bonnes pour l’image de la Station spatiale internationale. D’autant plus que le billet pour la folie touristique de Laliberté aidera la Russie – qui est la seule à offrir le service – à financer son programme d’exploration spatiale habitée. Les 35 millions de dollars auraient compensé environ la moitié des coûts du lancement de la fusée Soyouz.

À ce jour, environ 100 milliards ont été investis dans la Station spatiale internationale, puisés à même les impôts des contribuables du Canada, des États-Unis, de l’Europe, de la Russie et du Japon. Le coût du lancement de la navette spatiale pour ravitailler la station frôle le demi-milliard. Elle décolle en moyenne trois fois par année. Le programme des missions habitées de la NASA gruge pour sa part à peu près la moitié de son budget global, alors qu’en principe, ce volet n’est qu’une petite fraction de l’ensemble de ses activités.

Même le professeur d’astronomie à l’Université de Montréal Robert Lamontagne croit que les citoyens qui payent malgré eux les dépenses de l’Agence spatiale canadienne sont en droit de remettre en question de telles activités aux coûts faramineux: «Je vous avouerais que je ne sais pas exactement ce qu’ils font dans la Station spatiale internationale. Je n’ai pas vu beaucoup de résultats dans la littérature scientifique qui soient absolument extraordinaires. Le retour sur investissement n’est pas très convaincant.»

L’astronome ajoute d’ailleurs ne pas être certain que les voyages touristiques à la Station spatiale soient un si bon coup à moyen terme. «Ce qu’ils démontrent aux citoyens, c’est que les astronautes envoyés là-haut ne doivent pas faire autant de recherche, puisqu’ils peuvent se permettre d’accueillir des touristes qui ne contribuent en rien à la rentabilité scientifique. Ça prendrait des missions plus intéressantes que d’envoyer un gars avec un nez rouge dans l’espace pour faire un show.»

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Ah oui! Guy Laliberté est allé dans l’espace pour parler de l’importance de l’eau. Autrement dit, il s’est loué une place en première classe dans une navette qui, au décollage, a rejeté des tonnes de déchets nocifs dans l’air, question de percer l’atmosphère, pour ensuite donner un show du haut des cieux et ainsi être entendu par l’humanité entière. Noble cause environnementale. Il en reviendrait (presque) au même d’acheter le bois déjà coupé d’une forêt boréale entière et d’en faire des pancartes dispersées sur chaque continent, dans le but de sensibiliser la planète à la cause du réchauffement climatique. Un peu paradoxal, non?

Le milliardaire n’est pas très bien placé pour parler de consommation parcimonieuse, lui qui aurait un train de vie de roi et qui donnerait des party prodigieux (selon Ian Halperin qui a publié la biographie non autorisée de Guy Laliberté, La vie fabuleuse du créateur du Cirque du Soleil). Il a même présenté le spectacle «O» à Las Vegas, une ville construite au beau milieu du désert qui offre tout ce qui fait rêver… même de l’eau.

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