La fin de la grève ou le début des vacances

Les grèves affectent la formation à l’UQAM

Des semaines de formation manquées, des cours perturbés: les grèves uqamiennes diminuent-elles la qualité de l’enseignement? Montréal Campus fait le point sur les répercussions du dernier conflit de travail.

Rien du tout. C’est la tâche qu’ont eue à assumer les étudiants de certains cours au retour de la grève professorale du printemps dernier. Si la Commission des études (CE) de l’UQAM demandait à tous de contribuer à un «retour harmonieux», pour certains enseignants et leurs étudiants, l’harmonie a été interprétée comme le début des vacances.

Dans un cours de communications, les étudiants ont voté unanimement pour qu’il soit possible d’établir les notes de la session d’hiver  au moyen d’un seul travail déjà corrigé, un simple résumé de quatre pages.

Louise Ménard, professeure au département d’éducation et de pédagogie, a aussi été témoin de tels retours en classe à la va-vite. «J’ai vu des chargés de cours et des professeurs laisser tomber des évaluations sous la pression des étudiants.»

Ces raccourcis contreviennent-ils à «l’obligation de l’Université de prendre tous les moyens pour attester la qualité de sa formation», comme l’a exigée la CE au terme de la grève? Impossible de le savoir, puisqu’aucun de ses membres n’a retourné les appels de Montréal Campus.

Dans une lettre ouverte parue dans Le Devoir durant la grève, Olivier Collin, professeur au département de mathématiques de l’UQAM, se montrait craintif au sujet des répercussions académiques du conflit. «La grève actuelle est catastrophique, car elle indique aux futurs étudiants que nous sommes prêts à mettre en péril l’enseignement auquel ils ont droit», faisait-il valoir.

Louise Ménard soutient qu’un sentiment de culpabilité chez les professeurs peut avoir joué sur la réévaluation des ententes. «Des étudiants nous ont rappelé que ce n’est pas eux qui voulaient la grève. Ce n’est pas faux et certains y ont vu l’opportunité de revoir les évaluations à la baisse.»

Selon la spécialiste en pédagogie universitaire, la majorité des étudiants souhaitaient toutefois récupérer la matière lors du retour en classe. Mais inévitablement, des notions ont été perdues. «Les professeurs n’avaient qu’un court laps de temps pour clore la session. En plus, les étudiants apprennent souvent en fonction de ce qui est évalué. Alors, s’il y a moins d’évaluations…» laisse-t-elle deviner.

Départ d’étudiants

Bien que la grève du Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ) ait épargné quelques nuits blanches d’étude aux uqamiens, tous ne se sont pas montrés satisfaits des assouplissements consentis. Des étudiants qui achevaient leur première année au sein de l’établissement ont changé d’université sous la crainte que la grève du printemps ne présage une succession de conflits similaires. Ariane Santerre, ancienne étudiante en études littéraires, est l’une d’entre eux. «Six semaines de grève, c’était exagéré. Je vais à l’école parce que je veux apprendre. Peut-être que ça peut paraître égoïste pour certains, mais en classe, mes propres besoins sont prioritaires.»

Bien qu’elle jugeait les revendications des professeurs importantes, elle met en doute une «culture de la grève» proprement uqamienne. «La politique, c’est secondaire, mentionne celle qui étudie désormais à l’Université McGill. Le mythe qui circule à l’UQAM selon lequel les étudiants ont du pouvoir n’aide d’aucune façon à régler les conflits.»

Daniel Hébert, directeur des communications de l’UQAM, prétend qu’il est erroné d’associer sans cesse l’établissement avec les conflits de travail. «La dernière grève du SPUQ remonte à 1987. Mais dans la mentalité populaire, l’UQAM est toujours en grève. C’est une fausse perception.»

Une perception qui s’appuie cependant sur des faits révélateurs. Les étudiants les plus touchés par les conflits des dernières années, ceux en sciences humaines, ont voté dix-sept semaines de grève depuis 2008, soit plus d’une session perdue en moins de deux ans.

Peu de plaintes

Alex Bourdon-Charest, le secrétaire à la coordination de l’Association facultaire des étudiants en sciences humaines au moment du conflit entre le SPUQ et l’UQAM, consent que les études des grévistes ont pu en souffrir à court terme. «Inévitablement, il y a une partie de la matière qui est perdue, mais il faut garder en tête que les étudiants pensent davantage à la qualité de l’éducation à long terme.»

Au sujet des ententes de retour en classe, il n’a pas eu vent de dérives dignes de mention. «Évidemment, les professeurs ont été conciliants dans les évaluations. Par contre, la plupart ont rattrapé les cours perdus durant les fins de semaine ou en allongeant les plages horaires, se souvient-il. Notre association s’est davantage opposée au chevauchement des cours d’hiver et d’été. Les étudiants inscrits aux deux trimestres devaient modifier leur gestion du temps et s’en trouvaient pénalisés».

Même son de cloche du côté de l’Association facultaire des étudiants en langues et communications: la réévaluation des ententes n’a pas engendré de désaccords majeurs. «Les petites quantités de plaintes que nous avons reçues concernent des étudiants qui ont manqué de la matière ou des examens donnés par des chargés de cours au moment de la grève, explique Matthieu Max Gessler, responsable aux affaires externes. Si le nombre d’étudiants présents était suffisant pour que le cours soit donné, nous ne pouvions pas les aider.»

Comme quoi, dans l’effervescence estivale, les étudiants se sont fort bien accommodés de la manière dont quelques professeurs ont interprété la notion de «retour harmonieux».

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