Chicane à distance

Lutte de pouvoir à la tête de l’AETELUQ

L’Association étudiante de la Télé-université est dans la tourmente: deux équipes distinctes affirment en être l’exécutif légitime. La bataille sera bientôt portée devant les tribunaux.

Photo Jean-François Hamelin

Les 14 000 membres de l’Association étudiante de la Télé-université (AETELUQ) ne savent plus trop qui les représente. Lors d’une double assemblée tenue le 12 septembre dernier, leur exécutif a été destitué avant d’être remplacé en bloc. Depuis, les exécutants démis s’accrochent au pouvoir, estimant que les procédures d’assemblées ont été bafouées. Les nouveaux élus rejettent quant à eux ces allégations.

«C’est un putsch! dénonce Geneviève Breault, coordonnatrice de l’exécutif limogé. L’assemblée a été prise d’assaut par un groupe de personnes déterminées à prendre le contrôle de l’association.» Des 63 membres présents à l’assemblée, 36 auraient été impliqués de près ou de loin au sein de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), selon une liste compilée par l’exécutif destitué et dont Montréal Campus a obtenu copie.

De quoi soulever les soupçons? «Oui, admet le président du nouvel exécutif, Philippe Brisson, mais ces allégations s’avèrent complètement farfelues. Les membres présents à l’assemblée l’étaient parce que je les avais invités à y être, et non parce qu’ils font partie d’un quelconque complot orchestré par la FEUQ. Je les ai conviés parce qu’il était grand temps d’apporter du changement au sein de l’AETELUQ.»

Philippe Brisson a quitté la vice-présidence aux affaires institutionnelles de la FEUQ en novembre 2008 et il œuvre présentement au Partenariat jeunesse pour le développement durable, dont la FEUQ est un partenaire important. Il ne voit rien d’étrange à ce qu’autant de personnes ayant gravitées autour de la Fédération se soient soudainement inscrites à la Télé-université (TELUQ). «C’est courant pour les gens impliqués dans le mouvement étudiant, qui sont souvent inscrits à un seul cours par session, de suivre ce cours avec la TELUQ.» Montréal Campus a cependant appris qu’au moins une des personnes proches de la FEUQ et présentes à l’assemblée s’était inscrite à la TELUQ expressément pour assister aux séances du 12 septembre.

Après son élection, le nouvel exécutif a proposé une série de mandats prioritaires devant ses membres, dont un référendum postal sur une éventuelle affiliation à un regroupement national. La FEUQ nie avoir orchestré quoi que ce soit et se refuse à tout commentaire.

Procédures expéditives

L’assemblée extraordinaire du 12 septembre avait pour objectif de destituer un membre de l’exécutif, Emmanuel Batururimi, pour des allégations de fraudes. Le tout devait être suivi d’une assemblée générale ordinaire. À leur grande stupéfaction, tous les membres de l’exécutif ont été démis de leur fonction, après la proposition de Jean-Patrick Brady (président de la FEUQ au moment où Philippe Brisson y était vice-président), une motion appuyée massivement par l’assemblée ralliée à sa cause. Lors de l’assemblée générale régulière qui a suivi, des élections ont été ajoutées à l’ordre du jour et les membres présents ont porté un nouvel exécutif au pouvoir.

Selon les exécutants destitués, des vices de procédures se sont succédés tout au long des deux assemblées. «Il y a eu entorse au code Morin, à la charte de l’association ainsi qu’aux dispositions prévues par la Loi sur les compagnies du Québec, déplorent Geneviève Breault et ses collègues détrônés. Il y a eu tour à tour modification de l’ordre du jour, destitutions en bloc, élections et modification des règlements généraux de l’association, alors que ces points n’étaient pas annoncés dans les avis de convocation envoyé aux membres.» Par ailleurs, la coordonatrice déchue critique le travail du président d’assemblée, Martin Maltais, dont la présidence a été proposée en début d’assemblée par Marc-Antoine Cloutier, un des nouveaux élus. Selon Geneviève Breault, le président aurait bâillonné à maintes reprises les membres de l’assemblée qui apportaient des points d’ordre.

Philippe Brisson et son exécutif assurent qu’aucune règle de procédures n’a été enfreinte. Il accuse la coordonatrice destituée et ses collègues de tenter de détourner l’attention des raisons pour lesquelles ils ont été démis. Lors de l’assemblée extraordinaire, des motifs d’atteinte à la réputation de l’association, de mauvaise gestion financière et d’entrave aux droits démocratiques des membres furent invoqués pour justifier la destitution en bloc de l’exécutif en place. Philippe Brisson dit ne pas s’étonner de la persistance de l’exécutif démis: «Quand tu es assis sur 300 000 dollars et que tu te paie 300$ de l’heure, c’est clair que tu résistes!»

Des accusations qui font sortir de ses gonds Geneviève Breault. «Ils sont allés récolter des ragots ici et là, ils ont bien emballé le tout et ont présenté ça devant l’assemblée, sans qu’on ait pu se défendre. Ils n’ont aucune connaissance des dossiers sur lesquels travaille l’AETELUQ.»

L’exécutif destitué intente actuellement des procédures légales. Geneviève Breault et ses collègues ont reçu des appuis moraux et financiers de six associations étudiantes de l’UQAM, et de syndicats, notamment celui des tuteurs et tutrices de la TELUQ. «De toute évidence, il y a eu des procédures douteuses lors des assemblées et les choses doivent être mises au clair, affirme sa présidente, Sylvie Pelletier. Il faut à tout le moins donner à l’exécutif destitué les moyens d’être entendus.»

Aucun des deux exécutifs ne peut communiquer avec les membres, car la TELUQ a suspendu le service de transfert de courriel normalement utilisé pour rejoindre les étudiants de l’AETELUQ. L’institution analyse la situation, mais ne peut s’ingérer dans les affaires de l’association, qui est une corporation indépendante de la Télé-université, explique le directeur des affaires juridiques de l’institution, Pierre Le Gallais.

Bien campés dans leurs positions, les deux exécutifs s’engagent dans une lutte judiciaire à suivre. Dispersés aux quatre coins de la province, les membres de l’AETELUQ n’auront vraisemblablement d’autre choix que de suivre cette saga à distance, tout comme leurs cours.

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