Développement des hydrocarbures en Gaspésie
Les recherches ont porté fruit: il y a bel et bien du pétrole à Gaspé! Pendant que les compagnies pétrolières se frottent les mains, les environnementalistes s’inquiètent.
Le paysage féérique de la péninsule gaspésienne sera bientôt ponctué de puits de pétrole. Confiante de suivre un filon prometteur, la société Pétrolia creuse présentement un nouveau puits sur le site de Haldimand (voir carte). Profond de 1 200 mètres, il coûtera près de trois millions de dollars.
La vice-présidente aux affaires corporatives chez Pétrolia, Isabelle Proulx, est convaincue que le Québec sera le nouveau point tournant en pétrole et en gaz naturel. «On commence à entendre parler dans l’Ouest canadien et même aux États-Unis que le Québec sera le prochain endroit où il y aura des découvertes majeures.»
L’objectif de la compagnie est de fournir au moins 5% de la demande québécoise en pétrole grâce à un développement en Gaspésie et éventuellement sur l’île d’Anticosti. Pour atteindre cet objectif, vingt mille barils par jour devront être pompés du sous-sol de la Belle Province.
Pétrolia, qui détient environ 70 % des permis sur les territoires présentant un potentiel pétrolier au Québec, n’en est toutefois pas encore là. Trois puits ont été creusés depuis 2005 à Gaspé. Si les deux premiers forages n’ont pas été concluant, le puits Haldimand 1, aménagé en 2006, n’a pas déçu les chercheurs d’or noir. Un test de production a même permis de soutirer 34 barils de pétrole quotidiennement pendant 12 jours, une quantité suffisante pour rentabiliser une exploitation.
Environnementalistes inquiets
Les groupes environnementaux ne sont évidemment pas chauds à l’idée de voir des compagnies pétrolières s’installer dans une région reconnue pour la beauté de ses paysages et de sa faune. La directrice du Conseil régional en environnement Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (CREGIM), Caroline Duchesne, croit cependant que les compagnies qui sont présentes sur le territoire gaspésien sont sensibilisés à cet aspect. «La population n’accepterait pas des forages qui prendraient énormément d’espace avec des structures imposantes. On est une région qui vit beaucoup du tourisme et ce qui les amène, ce sont les paysages et la qualité de l’eau.»
Le CREGIM, qui conseille les acteurs du milieu dans les dossiers de développement régional, a toutefois de la difficulté à prendre position sur la question des hydrocarbures. Faute d’information disponible, explique Caroline Duchesne. «Ce développement est encore trop jeune au Québec. Il n’y a pas beaucoup d’expertise dans le domaine.» Elle est néanmoins personnellement d’avis «qu’on ne peut pas être contre les hydrocarbures, parce qu’il faut être cohérent avec nos habitudes de consommation. Si la Gaspésie roulait à vélo, on pourrait dire qu’on ne veut pas de ça chez nous. Cela dit, ça ne veut pas dire qu’on encourage ce genre d’activité sur notre territoire.»
Un milieu marin bouillonnant d’or noir
Plusieurs prospecteurs pétroliers aimeraient bien fouiller les fonds marins du Québec, qui présentent un potentiel d’hydrocarbures encore plus intéressant. Un moratoire sur les permis empêche toutefois toute entreprise d’effectuer de l’exploration pétrolière et gazière sous l’eau depuis 1988.
Mais pour combien de temps encore? En juillet dernier, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, lançait un programme pour préparer l’exploration des hydrocarbures dans les bas fonds marins.
Les berges de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, du Bas-Saint-Laurent et de la Côte-Nord seraient particulièrement touchées par ce développement. Selon la ministre, «ça vaut la peine de mettre en valeur nos ressources en hydrocarbure, mais il n’est pas question qu’on le fasse à n’importe quel prix. On veut s’assurer que cette activité éventuelle ne cause pas de préjudices à d’autres activités importantes dans ces régions, dont certaines vivent principalement du tourisme ou de la pêche par exemple.»
Des consultations publiques seront bientôt organisées pour prendre le pouls de la population. Attention Frag’Îles, un organisme des Îles-de-la-Madeleine, a l’intention de s’y faire entendre. Il invite le Québec en entier à se mobiliser contre cette forme d’exploitation des hydrocarbures en milieu marin, plus risquée que les forages terrestres. La présidente, Danielle Giroux, préfèrerait que le gouvernement mette tout en œuvre pour trouver des solutions de rechange viables et durables aux énergies fossiles. «Vouloir forer dans le golfe du Saint-Laurent, quand on connaît les impacts inhérents et souvent inévitables liés à ce type d’industrie, ça n’a rien d’avant-gardiste. C’est hautement préoccupant, malgré ce que peut contenir le meilleur des programmes d’évaluation environnementale stratégique».
Des sites encore inexploités
Le projet Bourque, situé au nord-ouest de Gaspé, serait susceptible de produire 1 000 barils de pétrole par jour, selon les recherches de Pétrolia.
L’Île d’Anticosti représente également un bon potentiel, mais la conjoncture économique force Pétrolia à retarder les travaux d’exploration dans cette zone et à se concentrer sur ses activités en Gaspésie.
Le site Old Harry se trouve dans le golfe Saint-Laurent à 80 kilomètres au nord-est des Îles-de-la-Madeleine, à mi-chemin avec Terre-Neuve. Ses réserves sous-marines pourraient contenir deux milliards de barils de pétrole, approximativement l’équivalent de la quantité d’or noir importée par le Québec depuis 20 ans.
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