Morceaux à recoller

Préservation du patrimoine de l’UQAM

Corniches dangereuses, maçonneries et fondations à refaire, les pavillons de l’UQAM présentent de nombreux signes de dégradation. Longtemps, l’Université a négligé ses anciens bâtiments au profit d’une politique immobilière expansionniste. Aujourd’hui, une partie du campus tombe en ruine.

 
 

 
 
Depuis l’automne 2006, un échafaud encombre le trottoir devant le pavillon V, situé au 209 rue Sainte-Catherine Est. Inutile de chercher des ouvriers au travail, la structure n’est là que pour éviter aux passants de recevoir des morceaux du bâtiment sur la tête.  La façade du pavillon, autrefois appelé édifice Labelle, présente de sérieux problèmes de détérioration. «La maçonnerie est vieillissante, faïencée et fissurée. Nous voulons protéger les piétons avec l’échafaud», explique la responsable du Service de l’entretien des composantes architecturales (SECAR), Odette Béliveau. Jusqu’à présent, l’UQAM a dû verser plus de 30 000 dollars dans les coffres de la Ville, car l’échafaud empiète sur l’espace public.
 L’édifice Labelle, construit en 1910, n’est pas le seul immeuble que l’UQAM doit restaurer. Plusieurs bâtiments demandent d’importantes rénovations, dont le pavillon Saint-Denis, situé au coin de la rue du même nom et de Sainte-Catherine Est, et le pavillon de Danse, rue Cherrier. Le SECAR projette de les restaurer, mais attend toujours le budget pour le faire.

Seul le pavillon V aura droit à une cure de jeunesse. Après plusieurs années de négligence, l’administration de l’UQAM  a accordé une enveloppe d’un million$ au SECAR pour revamper l’édifice. «C’est une bouffée d’air frais pour nous», avoue Odette Béliveau. Les travaux pourraient nécessiter la réparation des fondations qui ont été grugées par le calcium présent sur les trottoirs en hiver. Une telle opération mènerait à la destruction d’une partie des éléments patrimoniaux. «Jusqu’où pourrons-nous aller pour sauvegarder les ornements architecturaux, je l’ignore. Si la fondation doit être refaite, il sera extrêmement difficile de conserver le marbre présent dans l’immeuble.»

 
 
La prévention est d’or
Pour Dinu Bumbaru, directeur des politiques chez Héritage Montréal, un organisme de défense des éléments patrimoniaux montréalais, l’intervention sur l’édifice Labelle survient bien tardivement. «L’UQAM a consacré beaucoup d’efforts pour bâtir un patrimoine de l’avenir. Je pense à des pavillons à l’architecture audacieuse comme le Complexe des sciences. Mais elle n’aurait pas dû négliger ce qu’elle possédait déjà.» Cette insouciance pourrait coûter cher, selon lui. «Faire réparer une fissure coûte 50$ quand le problème est réglé immédiatement. En attendant un, deux ou cinq ans, la facture explose.» La chercheuse de l’Institut du patrimoine Lucie K. Morisset abonde dans ce sens. «L’entretien constant d’un bâtiment reste la clef, car la restauration d’un édifice historique peut devenir assez compliquée avec le temps. Les matériaux d’origine sont parfois rares et coûtent souvent plus cher.»
Si l’UQAM n’a pas entretenu régulièrement son patrimoine bâti, c’est surtout à cause de ses aventures immobilières périlleuses. Odette Béliveau rappelle que l’Université souhaitait restaurer ses immeubles les plus délabrés au début des années 2000. «Mais la rénovation de l’édifice Labelle a été mise en attente avec les projets immobiliers des dernières années.» L’entreprise s’est avérée un échec. Le déficit engendré notamment par la construction de l’îlot Voyageur et du Complexe des sciences a forcé l’UQAM à revoir ses plans.
Dinu Bumbaru croit par ailleurs que l’UQAM ne devrait pas attendre qu’un pavillon menace de tomber en ruine avant de le rénover. Selon lui, les universités montréalaises devraient mettre leurs champs d’expertise respectifs en commun. «L’Université de Montréal, par exemple, possède une longue expérience en restauration du patrimoine bâti et pourrait sans doute en faire bénéficier l’UQAM.» Il suggère fortement que les nombreux experts uqamiens en histoire de l’art soient mis à contribution pour sensibiliser la population et les étudiants au patrimoine architectural qui les entoure. Lucie K. Morisset pense plutôt que l’état des bâtiments n’a rien d’effroyable et que, compte tenu de la situation financière, l’Université a d’autres priorités. Elle avance qu’ailleurs, d’autres institutions connaissent une situation plus préoccupante que la nôtre. «Les universités en France ont de sérieux problèmes avec leurs édifices. Quelques années plus tôt, alors que j’enseignais là-bas, la moitié du plafond de ma classe est tombée en plein cours!»

 

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