Faire les frais de son éducation

Sous-financement des études postsecondaires des étudiants autochtones


De nombreux  autochtones abandonnent temporairement les études après leur cinquième secondaire, faute de financement. Plusieurs ne reviendront jamais sur les bancs d’école.

 

Entre 2001 et 2006, près de 10 500 autochtones n’ont pas eu accès à l’éducation postsecondaire, selon le Conseil en éducation des Premières Nations (CEPN). Les chiffres de 2007 ne se montrent guère plus encourageants. Cette fois, 2800 étudiants n’ont pu poursuivre leurs études. Le CEPN considère que le financement gouvernemental pour l’éducation chez les Premières Nations n’est pas suffisant pour répondre aux besoins actuels.
«Comme tous les étudiants des Premières Nations à l’UQAM, je fais partie de la minorité d’autochtones qui auront un diplôme, c’est-à-dire environ 1%, affirme le président du Cercle des Premières Nations de l’UQAM, Maxime-Auguste Wawanoloath. La majorité des jeunes autochtones décrochent bien avant d’avoir terminé leurs études secondaires.»
En matière d’éducation, les Premières Nations constituent une classe à part. Elles gèrent elles-mêmes une enveloppe budgétaire gouvernementale qu’elles redistribuent par la suite aux étudiants. En 2008-2009, le gouvernement fédéral a ainsi consacré 314 millions de dollars à l’éducation postsecondaire des Amérindiens. Pour Gilbert Whiteduck, chef de la réserve indienne Kitigan Zibi, située en Outaouais, les subventions distribuées aux communautés autochtones par l’entremise du Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire (PAENP) sont largement insuffisantes. Une opinion partagée par le directeur adjoint au CEPN, Raymond Sioui. «L’aide aux institutions postsecondaires est complètement inadéquate. Le montant versé aux étudiants les garde dans une situation précaire.»
Selon Raymond Sioui, c’est la vétusté du programme du gouvernement fédéral qui est à pointer du doigt. «C’est une formule qui n’a pas été révisée depuis sa mise en place à la fin des années soixante. Elle a été augmentée à quelques reprises en fonction de la démographie et du coût de la vie jusqu’en 1996, mais à partir de cette date, le gouvernement a cessé de suivre l’indexation pour la fixer à 2 % par an. Cette hausse n’est toutefois pas nécessairement appliquée à chaque année», se désole le directeur adjoint du CEPN.
Une autre preuve de l’inefficacité de l’aide fédérale, souligne Maxime-Auguste Wawanoloath, est que les ressources dont disposent les étudiants autochtones sont moindres que celles de leurs confrères québécois.

Revoir sans améliorer

En février 2008, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord a déposé un rapport qui proposait entre autres de revoir la formule de financement appliquée par le PAENP.
La réponse écrite du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l’époque, Jim Prentice, a laissé le CEPN perplexe. Selon ce dernier, la missive laissait sous-entendre que le gouvernement pourrait confier la responsabilité de l’éducation autochtone aux provinces. Le financement des étudiants amérindiens du Québec serait alors géré par le programme d’aide financière aux études du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS).
Selon Raymond Sioui, cette modification ne règlerait pas les difficultés d’accès aux études postsecondaires chez les jeunes des Premières Nations. Il s’inquiète de l’impact qu’aurait un tel transfert sur le nombre d’étudiants qui poursuivront leurs études. Un système d’éducation autochtone géré uniquement par les provinces serait mal représenté et mal promu au sein des Premières Nations, croit-il.
Gilbert Whiteduck craint pour sa part que les étudiants amérindiens soient laissés à eux-mêmes dans un tel système. «Présentement, les Premières Nations ne se chargent pas uniquement de la distribution du financement. Elles assurent également un suivi scolaire. Les étudiants doivent démontrer leur succès à la communauté.» Il affirme également que le transfert du programme de financement aux provinces anéantirait ce suivi.
Au ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, on procède pour l’instant à une étude sérieuse du PAENP pour trouver le meilleur moyen d’aider les étudiants autochtones. Le gouvernement fédéral s’est d’ailleurs engagé à investir pour améliorer le taux de diplomation postsecondaire de 50%, ce qui représente 14 800 diplômés de plus d’ici cinq ans.
Ni le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et ni le MELS n’ont pu confirmer la rumeur du transfert de responsabilité à Montréal Campus.

 

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