Les Néos? Des comédiens qui ne jouent pas. Un théâtre sans scénographie. Une formule risquée… qui plaît. Montréal Campus a rencontré ce jeune collectif théâtral durant une de leurs répétitions.
Le local de répétition du théâtre MainLine, situé rue Saint-Laurent, n’a rien d’accueillant. Un divan défraîchi rangé le long d’un mur abîmé par le temps et une pile de tables de plastique gris font office de décor. Au fond de la pièce, la prise d’un vieux ventilateur poussiéreux traîne sur le plancher peint en beige et brun. C’est dans ce local que les Néos se sont donné rendez-vous pour l’une de leurs dernières répétitions avant que leurs Pièces pour emporter soient présentées sur les planches du MainLine le 28 novembre dernier. Inspirés du théâtre néo-futuriste, les Néos comptent bien apporter une couleur nouvelle à la scène culturelle montréalaise.
Le néo-futurisme est né d’un groupe de créateurs de Chicago, vers la fin des années 1980. À la fois auteurs, metteurs en scène et acteurs de leurs propres pièces, les Neo-futurists s’amusent encore aujourd’hui à défier les conventions du théâtre classique. Les onze membres permanents des Néos s’inspirent de ce courant artistique. Comme on peut le constater sur leur blogue, les règles sont simples, mais sans compromis: «Vous êtes qui vous êtes. Votre nom est votre nom. Vous faites vraiment ce que vous faites.» Par souci d’authenticité, il n’est pas question de jouer un personnage, ni de faire semblant d’être ailleurs que sur scène. «En installant un quatrième mur, on nie le fait qu’il y a des personnes qui écoutent ce qu’on a à dire», explique le membre et co-directeur artistique des Néos, Antoine Touchette. Ce mur isolant le public de l’acteur, les Néos le démolissent à grands coups de vérité, en s’inspirant de l’assistance et du lieu qu’ils exploitent pour livrer leur performance.
Si les Néos sont pour la plupart comédiens, il n’est absolument pas nécessaire d’avoir une formation de jeu pour exceller dans le genre. «À Chicago, les Neo-futurists viennent du monde de la poésie, de la photographie et du cinéma», explique la comédienne et membre du collectif, Catherine Lavoie.
Buffet théâtral
Dans Pièces pour emporter, les néos offrent aux spectateurs un menu d’une trentaine de pièces, d’une durée allant de 30 secondes à quatre minutes chacune. Ils insistent d’ailleurs sur le mot «pièce», à ne pas confondre avec sketch, scène ou numéro. «Elles ont toutes un début, un milieu et une fin, affirme Antoine Touchette. Chacune d’elles pourrait se tenir toute seule et avoir un sens.»
À la manière de serveurs de restaurant, les Néos choisissent une à la fois les rangées de la salle pour «prendre les commandes» des spectateurs. Premier à crier, premier servi. En une heure, ils tentent de jouer un maximum de pièces selon les souhaits de l’assistance. Au bout de soixante minutes, le public reste souvent sur sa faim. Cela ne déplaît pas forcément aux créateurs, qui aiment se faire désirer. «On aime quand le spectacle se termine et qu’il y a des pièces qui n’ont pas encore été jouées», lance le membre et co-directeur artistique du collectif, Mathieu Leroux.
Une semaine avant le spectacle, il restait encore aux Néos quelques «hors d’œuvre» à choisir avant de boucler leur menu. Après un réchauffement physique ponctué d’éclats de rire, les comédiens qui avaient préparé de nouvelles pièces les ont fignolées avant de les présenter au reste du groupe. Ils se sont ensuite assis ensemble pour débattre de celles qui allaient faire partie du spectacle et échanger leurs impressions, suggestions et commentaires sur le travail des autres. «Cette pièce-là ne m’a rien fait», disait l’un. «C’est définitivement oui pour moi», disait l’autre. «Oui, mais est-ce que c’est vraiment Néo?» Ce processus est essentiel, car avant d’être inscrite au menu, chacune des pièces doit être approuvée par la totalité des membres du groupe.
Des émotions pour tous les goûts
Que les pièces soient drôles ou dramatiques, l’important pour les Néos, c’est qu’elles soient touchantes de vérité. Comme celle dans laquelle la comédienne Sophie Lepage nous raconte son «plus bel échec amoureux», qui lui a fait «perdre quatre ans de sa vie»… ou celle dans laquelle Gabrielle Néron nous parle avec simplicité d’une demande spéciale à son nom qu’elle avait entendue à la radio et qui a illuminé sa journée. Comme les performeurs s’inspirent de leur vécu pour créer, c’est l’implication physique des comédiens qui distinguent leur pièce de la confidence. Et si le spectacle séduit le public, les performeurs prennent aussi leur pied sur scène. «J’ai toujours considéré devoir me déconstruire pour faire du théâtre, confiait le Néo Sylvestre Caron. Maintenant, j’apprends à me réconcilier avec mon outil de base et à partir de moi-même pour créer.»
Bien qu’ils soient les seuls au Québec à explorer le courant néo-futuriste, les Néos ne se prennent pas au sérieux. En pleine répétition, ils ont pris la peine de s’arrêter quelques minutes pour discuter un brin de ce nouveau courant artistique. Selon Catherine Lavoie, le néo-futurisme répond aux exigences modernes du public. «On est tanné des mécanismes. Le public est avide de choses vraies. Le néo-futurisme pousse une limite théâtrale.»
Jusqu’à maintenant, les circonstances lui donnent raison. Les Néos ont présenté leurs premières Pièces pour emporter au Musée Juste pour rire dans le cadre de l’édition 2008 du Festival Fringe à Montréal. Ils ont aussi participé au Festival de théâtre de rue de Lachine, avant de se produire au théâtre MainLine en septembre. Les Néos reviendront sur scène le 19 décembre au MainLine, avec un choix d’une trentaine de nouvelles pièces. Gageons que le public repartira avec l’impression de ne pas en avoir assez.
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