Je reviendrai à Saint-Octave

Illustration Jo-Annie Larue

 

À chaque année, des centaines de jeunes de toute la province participent à des séjours exploratoires en région, histoire de les motiver à y établir leurs pénates. Le programme vise à contrer l’exode des jeunes et à tuer certains mythes qui persistent sur les régions.

Imaginez: deux ou trois fins de semaine, toutes dépenses payées, dans la région québécoise de votre choix, transporté, logé et nourri avec des produits du terroir. Mais ce n’est pas fini: ajoutez-y des sessions de question-réponse avec des gens qui tenteront de vous vendre le coin, et une aide personnalisée pour vous trouver un emploi dans votre domaine. C’est ce qu’offre Place aux Jeunes du Québec, un organisme du gouvernement provincial.

Ces séjours exploratoires, offerts dans près de 70 municipalités régionales de comté (MRC) de la province, ont pour but de favoriser l’implantation et le retour de jeunes en région. Et ça fonctionne: 845 personnes, dont 114 immigrants et 252 entrepreneurs potentiels ont participé à de telles fins de semaine durant l’année 2007-2008. L’agent de migration de chacune des MRC participantes décide de l’orientation des séjours. Chaque agent jouit d’une liberté considérable, tant qu’il respecte l’objectif principal de Place aux jeunes du Québec qui est de favoriser la migration, l’établissement et le maintien des jeunes âgés de 18 à 35 ans en région.


Des tout-inclus inusités

Dans la région de la Mitis, entre Rimouski et Matane, les séjours s’étalent sur trois fins de semaine. La première est consacrée à une tournée en autobus de tous les villages de la MRC. «Ça évite de privilégier un village plutôt qu’un autre, soutient l’agent de migration local Bruno Paradis, mais ça permet aussi de leur montrer l’étendue du territoire, ce qui est plus difficile à comprendre pour quelqu’un de la ville. Vivre à 30 km de la job, c’est beaucoup plus simple en région qu’à Montréal, il n’y a pas de trafic». Bruno Paradis tente d’organiser une rencontre avec le maire ou la mairesse de chaque village.

La première fin de semaine a également un côté très ludique: un tour du parc de la rivière Mitis en raquettes. «Ce n’est pas avec les spectacles ou la diversité économique que je vais attirer des nouveaux arrivants, affirme Bruno Paradis. Je les attire avec le plein air, et la diversité des gens.»

La deuxième fin de semaine comprend une journée de ski au Mont-Comi et une rencontre avec des acteurs socioéconomiques de la région pour parler des programmes offerts, des perspectives d’emploi et des possibilités de création d’entreprise. La dernière fin de semaine est entièrement consacrée à l’emploi: rencontres avec des employeurs potentiels, mise au point d’une stratégie individuelle de recherche d’emploi et rédaction d’une liste d’actions à entreprendre avec l’objectif de s’installer dans six ou douze mois.

Le séjour se déroule de façon différente dans la MRC de Rouyn, dont l’agent de migration est Sébastien Laplante. «La première fin de semaine, on veut faire découvrir ou redécouvrir l’Abitibi, explique-t-il. Il y a un volet historique, une partie touristique, on va dormir tous ensemble dans un chalet avec un conteur. On va aussi rencontrer beaucoup de gens qui font bouger le milieu, des passionnés de la région.» Ces rencontres se poursuivent au cours du deuxième week-end, mais avec un ajout: le brunch des marraines et parrains. «C’est une activité très populaire, précise Sébastien Laplante. Chaque participant est parrainé par quelqu’un issu de son domaine d’études et peut échanger avec lui. »

Des mordus de régions
Ce que les séjours exploratoires de chaque région ont en commun, c’est de regorger de rencontres avec des amoureux de leur région. Le maire de Sainte-Flavie, dans Bas-Saint-Laurent, Jean-François Fortin, est de ceux-là. Lui-même revenu après un exil à Montréal, il a jusqu’ici participé à quatre de ces séjours. «Je leur parle de mon expérience, souligne-t-il, de l’importance de bien connaître la dynamique territoriale qui est en place lorsqu’on s’établit en région.»

Selon lui, les jeunes qui participent à ce genre de programme sont particulièrement dynamiques. Son village comprend d’ailleurs une école de paramoteurs fondée par deux participants aux séjours. «Ceux qui participent se disent: je vais être en action plutôt qu’en réaction passive. Ils ne savent pas nécessairement où s’installer exactement, mais ils savent ce qu’ils veulent.»

Un constat avec lequel Bruno Paradis est d’accord. «La plupart des jeunes qui vont migrer s’impliquent dans leur milieu, dans des organismes communautaires, ils deviennent même parfois conseillers municipaux. C’est plus petit ici, donc beaucoup plus facile. Si on a une bonne réputation, on peut faire changer les choses très rapidement.»

Les séjours sont toutefois loin d’être une séance de propagande pure et simple. «On essaie de ne pas être une carte postale, d’être assez réalistes», précise Sébastien Laplante. «On parle aussi des mauvais côtés, renchérit Bruno Paradis. Être tissé serré, c’est le fun, mais ça peut être difficile de s’intégrer au départ.» Jennifer Bernier, ancienne participante s’étant installée à Mont-Joli suite à son séjour, croit que les fins de semaine sont d’ailleurs d’une grande aide à ce sujet. «Ça aide à se faire des contacts et à connaître des gens. Je me serais tout de même installée à Mont-Joli, mais l’adaptation aurait été moins vite sans les séjours.»

Le taux de réussite de l’opération est considérable. Selon la coordonnatrice aux communications de Places aux jeunes du Québec, Catherine Rioux, environ les deux tiers des participants finissent par s’installer en région après leur tournée d’exploration. Avis à ceux qui trouvent le temps bien gris coin Berri et Ste-Catherine…

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