Rats de laboratoire

À la mi-septembre, la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Michelle Courchesne, a annoncé la déréglementation des frais de scolarité des étudiants internationaux inscrits dans six disciplines du premier cycle. Dorénavant, les universités québécoises écriront elles-mêmes la facture des étrangers qui étudient en droit, en administration, en mathématique, en informatique, en génie et en sciences pures.Ce déplafonnement – c’est l’appellation du ministère de l’Éducation – est optionnel. Jusqu’à présent, seule McGill a fait savoir qu’elle augmenterait ses tarifs internationaux dès l’an prochain. La plupart des universités, dont l’UQAM, affirment vouloir analyser la déréglementation avant de l’appliquer ou non.

Les étudiants étrangers ne doivent toutefois pas se faire d’illusions. Dans le contexte de sous-financement chronique actuel, aucune université ne se permettra de fermer la porte aux revenus supplémentaires de la déréglementation. Certaines attendront peut-être plus que d’autres, mais toutes finiront par exploiter le nouveau filon que leur offre Québec.

Cette mine d’or est d’autant plus alléchante que le gouvernement n’y posera pas ses pattes. Traditionnellement, Québec récupérait les frais supplémentaires payés par les étrangers, puis les redistribuait à l’ensemble des universités. Or, à partir de 2014, les sommes provenant des secteurs déréglementés resteront dans les coffres des établissements d’enseignement qui les auront perçues. Attirées par le potentiel financier des étudiants internationaux, les universités vont redoubler d’efforts pour recruter à l’extérieur du pays.

À terme, le gouvernement estime que le déplafonnement pourrait engendrer annuellement plus de 30 millions de dollars supplémentaires dans la caisse des universités. Pour atteindre cet objectif, les étudiants internationaux devraient payer des droits de scolarité de 20 000$ par an, comparativement à 14 000$ en ce moment.

La nouvelle politique du gouvernement n’a toutefois pas comme objectif unique d’apporter de l’argent frais dans le système universitaire. Selon un document du ministère de l’Éducation, «la déréglementation pour les six familles disciplinaires [permettra] d’évaluer les impacts d’une déréglementation dans le réseau universitaire québécois et d’évaluer l’opportunité d’élargir la déréglementation à d’autres familles disciplinaires et à d’autres cycles.»

Au cours des prochaines années, les étudiants internationaux seront donc les rats de laboratoires d’une expérience grandeur nature. Le gouvernement testera sur eux ce qu’il n’aurait jamais osé essayer aussi ouvertement sur les Québécois: le dégel des frais de scolarité.


Un scientifique fou

Québec a bien choisi ses cobayes pour mener son expérience. Les étudiants internationaux sont peu mobilisés et leur sort semble indifférer les associations nationales. La Fédération étudiante universitaire québécoise a critiqué la déréglementation, sans plus, tandis que l’Association pour une solidarité syndicale étudiante a fait preuve d’un silence qui était tout, sauf solidaire.

Même si les conditions d’expérimentation sont propices – pas de grève à l’horizon – l’aventure n’est pas sans risques. Le Comité consultatif sur l’accessibilité financière aux études, une instance du ministère de l’Éducation, a d’ailleurs recommandé le report du dégel à une date ultérieure. Selon lui, les 30 jours alloués pour étudier la nouvelle politique n’étaient pas suffisants pour évaluer ses conséquences sur le système universitaire.

Mais le gouvernement, tel un savant fou, a balayé toutes ces précautions du revers de la main. Les étudiants n’ont plus qu’à espérer que cette expérience ne tournera pas au cauchemar.

uqam.campus@uqam.ca

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