Des restes pour l’UQAM

Subvention gouvernementale des universités

L’Université du peuple récolte les miettes des subventions du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, selon un rapport déposé au conseil d’administration. La clientèle et les programmes de l’UQAM sont les moins financés par Québec.

Si le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) accepte de réviser sa formule de financement universitaire en tenant compte du sous-financement de l’UQAM, celle-ci pourrait obtenir jusqu’à 28 millions de dollars supplémentaires. C’est ce que révèle le Comité d’experts indépendants, mandaté d’analyser le financement de l’Université par le recteur Claude Corbo dans un rapport remis au Conseil d’administration le 2 septembre dernier.

Le document démontre que l’UQAM est désavantagée lorsque vient le temps de répartir l’enveloppe budgétaire allouée aux universités. Les experts ont formulé 20 recommandations afin de guider la direction dans ses discussions avec le MELS au sujet de la situation financière de l’UQAM. La création d’un groupe formé du MELS et de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) afin d’entreprendre des travaux d’actualisation de la grille de financement universitaire y est abordée. Ils suggèrent également à l’UQAM de réclamer l’argent qui n’a pas été accordé à l’Université en raison d’erreurs d’application de la grille.

Illustration: Jo-Annie Larue

 

Le rapport confirme les critiques formulées par plusieurs intervenants à maintes reprises. «Ces disparités ont désavantagé l’UQAM et elles sont présentes depuis sa fondation, déplore le professeur spécialisé en gestion des universités à la TELUQ, Michel Umbriaco. Le problème, c’est qu’avec le temps, les correctifs n’ont pas été apportés. L’Université a été cristallisée dans une pauvreté relative.»

La précarité de l’UQAM est due en outre à sa localisation et à ses programmes. Le MELS accorde des subventions supplémentaires aux universités régionales et à celles qui possèdent une faculté de médecine, deux caractéristiques qui ne correspondent pas au profil uqamien. «Le système de financement répond à un équilibre logique, explique le conseiller principal à la vice-rectrice aux affaires administratives et financières, Claude Létourneau. Si vous donnez davantage aux uns, les autres vont perdre au change.»

Étudiants peu payants

Selon le rapport, les programmes uqamiens les plus fréquentés sont ceux qui bénéficient des subventions les plus modestes. Environ 57% des inscrits sont au premier cycle en sciences sociales, en lettres ou en administration, soit les trois programmes qui ont le financement le plus modeste per capita. Les étudiants qui suivent ces formations ne comptent que pour 40% de l’effectif des autres établissements.

L’enveloppe budgétaire allouée aux universités est répartie en fonction du nombre d’étudiants équivalents temps plein (EETP), soit une personne qui fait 10 cours (30 crédits) en un an. La valeur d’un EETP varie en fonction de la discipline et du cycle d’études de l’étudiant. Par exemple, le poids financier d’un universitaire à temps plein au premier cycle en lettre est de 1.00 EETP, alors que celui d’un doctorant en géographie est de 10.69. La contribution gouvernementale remise à l’université pour le futur docteur sera donc dix fois plus élevée que celle du futur bachelier.

Avec une forte proportion de ses effectifs inscrite aux programmes les moins financés, la moyenne des EETP par étudiant à l’UQAM est de 1.87, comparativement à celles de l’Université de Montréal, de l’Université Laval, de l’Université de Sherbrooke et de McGill, qui varient entre 2.44 et 2.69. Autrement dit, leur étudiant moyen rapporte entre 30% et 40% plus de contributions gouvernementales que celui de l’UQAM.

Selon Michel Umbriaco, le fait d’accorder des subventions différentes en fonction des programmes favorise un climat de compétition néfaste entre les universités, particulièrement dans le recrutement des étudiants des cycles supérieurs. Il considère que les sommes dépensées en publicité par les établissements universitaires n’augmentent pas la qualité de l’enseignement. «On détourne les universités de leur mission lorsqu’elles doivent lutter pour survivre.»

À l’iniquité des subventions accordées aux différentes disciplines s’ajoute un autre problème. Selon le rapport, l’UQAM est désavantagée par sa clientèle à temps partiel qui compte pour 43% des uqamiens, tandis que cette proportion est de 35% dans les autres établissements. «Un EETP peut équivaloir à un étudiant qui fait cinq cours par session ou cinq étudiants qui n’en font qu’un, explique Claude Létourneau. Ça ne reflète pas la réalité. Les deux représentent une charge de cinq cours, mais dans le deuxième cas, l’UQAM se retrouve avec cinq dossiers à gérer plutôt qu’un.»

Le représentant des étudiants au conseil d’administration de l’UQAM, Simon Tremblay-Pepin, contacté alors qu’il attendait au registrariat de l’Université, considère que l’application de la grille réduit la qualité des services offerts aux étudiants. «Je risque d’attendre au registrariat une bonne partie de l’après-midi. Cet inconvénient est un bon exemple des problèmes du mode de financement actuel. Le nombre de personnes ayant besoin de services n’est pas pris en compte. Il suffit d’aller voir dans les bureaux des départements pour voir à quel point les assistantes sont débordées parce qu’elles ont trop de dossiers à gérer.»

Claude Létourneau abonde dans le même sens: «Le poids de la contribution que nous recevons ne représente pas le coût réel de nos services.» Selon lui, cette situation explique la pénurie de professeurs et les nombreuses compressions de postes dans les programmes d’administration.

Un rapport sur le rapport

Afin de donner suite au rapport du Comité d’experts, un deuxième comité composé du recteur, de la vice-rectrice aux affaires administratives et financières, d’un étudiant, d’un chargé de cours et d’un professeur sera formé sous peu. Le groupe devra analyser les recommandations formulées par les experts et soumettre son propre rapport.

L’UQAM risque toutefois de se heurter à une fin de non-recevoir puisque le MELS n’envisage aucune révision de la pondération de la grille de financement. Des démarches avaient été entreprises par l’Université récemment afin d’augmenter la pondération des disciplines reliées à l’administration, mais elles n’ont pas porté fruit.

Selon le MELS, la formule de financement actuelle, établie en 2006, répond à la demande de toutes les universités. «La presque totalité de la pondération a été élaborée à partir des coûts observés dans les différents programmes pour l’année 2002-2003, explique la conseillère en communication du MELS, Stéphanie Tremblay. Cette grille a été mise en place en consensus avec les recteurs et la CREPUQ. Nous avons donc bénéficié de l’accord de toutes les universités.»

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *