La rentrée budgétaire

Réactions à l’enquête du Vérificateur général du Québec.

Le rapport du Vérificateur général rendu public en juin a désigné les responsables du scandale financier liés aux investissements immobiliers de l’îlot Voyageur et du Complexe des sciences. La direction espère maintenant que le gouvernement québécois sortira l’UQAM du bourbier financier dans lequel elle s’est empêtrée.

 

L’ancien recteur, Roch Denis, l’ancien vice-recteur, Mauro Malservisi, ainsi que l’ex-directeur des investissements, Nicolas Buono, ont tous trois été désignés par le Vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, comme étant les principaux responsables de la débâcle financière de l’Université. Ils laissent l’UQAM avec une charge financière qui pourrait atteindre 500 millions de dollars en 2012.
À la lumière de ces informations, le ministère de la Justice a lancé le 25 août une enquête criminelle chargée de faire le point dans cette affaire. Le conseil d’administration de l’UQAM (CA) et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) sont également montrés du doigt. Le Vérificateur reproche au secrétariat du CA de ne pas avoir accordé assez d’importance aux questions des autres membres du CA. Le MELS, qui était sous la responsabilité de l’actuel leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, lors des évènements, a également manqué de vigilance. Le MELS aurait eu plusieurs occasions d’arrêter le projet avant qu’il ne dérape, selon le Vérificateur.
Le recteur de l’UQAM, Claude Corbo, a accueilli les conclusions du Vérificateur général avec un espoir prudent. «Il faut souhaiter que ce rapport mette fin à une période d’instabilité et d’incertitude qui a perturbé l’Université et mis en péril sa mission, a-t-il affirmé en conférence de presse en juin. Sa publication tourne non seulement une page de notre histoire, mais devrait également être l’occasion de lever l’hypothèque qui pèse depuis deux ans sur l’avenir de l’UQAM.»

Appel au gouvernement
Le recteur estime que l’Université n’a pas à porter le blâme pour le scandale financier lié aux projets immobiliers de l’Îlot voyageur et du Complexe des Sciences. «La communauté universitaire serait traitée totalement injustement si elle devait être appelée à payer les conséquences de cette dérive.»
À ses yeux, le gouvernement devrait prendre en charge les dettes des deux projets immobiliers. Il souhaite aussi recevoir les subventions conditionnelles de 65 millions de dollars que le MELS retient en attendant que l’UQAM présente un budget équilibré.
Depuis l’arrivée de Claude Corbo au rectorat, en novembre, la situation financière de l’UQAM s’est améliorée. Le budget provisoire de l’Université pour l’année 2008-2009, déposé en mai, prévoit un déficit d’opération de 900 000 $ au lieu des 4,4 millions anticipés initialement. Des frais financiers, liés aux intérêts sur la dette, de 18,6 millions s’ajoutent cependant à cette somme. Selon le recteur, le redressement des finances de l’Université justifie l’attribution de ses subventions conditionnelles retenues par le MELS.
Le professeur spécialiste de la gestion des universités à la Télé-Université du Québec, Michel Umbriaco, croit que le mérite du redressement budgétaire de l’UQAM revient à Claude Corbo. «Il a réussi à faire un grand ménage en très peu de temps. Il y a à peine un an, les médias parlaient de fermer l’UQAM. Aujourd’hui plus personne n’envisage un tel scénario. La gestion du recteur a provoqué des tensions avec les membres de la communauté, mais il a tout de même réussi à modifier la perception entretenue à l’égard de l’UQAM.»

Fin de la crise?
La direction a beau entrevoir un avenir plus rose pour l’UQAM, les étudiants ne partagent pas cet optimisme et gardent un mauvais souvenir de leur rapport avec celle-ci. L’an dernier, les mesures de redressement et les projets d’abolition de programme ont poussé certaines associations étudiantes à déclencher deux grèves, dont une de sept semaines. Celles-ci réclamaient un réinvestissement massif en éducation.
L’ex-représentant étudiant au CA, Simon Tremblay-Pepin, estime que les uqamiens font les frais de la débâcle financière de l’Université. «Le rapport du Vérificateur général confirme une fois de plus que ce sont les étudiants et les employés de l’UQAM qui payent pour les erreurs de certains administrateurs.»
Selon lui, le rapport démontre l’échec du recours au privé pour financer les projets immobiliers de l’Université. Il estime qu’il y a un manque d’espace à l’UQAM et qu’il doit être comblé par une intervention publique.
Les associations étudiantes contactées par Montréal Campus ignorent toujours les moyens de protestation qui seront discutés à l’automne, étant donné que leurs membres sont en vacances. Le responsable des cycles supérieurs de l’Association facultaire des étudiants en lettres, langues et communications, Mathieu Max-Gessler, n’envisage pas de débrayage pour la session d’automne. «Je crois que les étudiants ont été épuisés par les dernières grèves. Ce serait presque impossible d’inciter nos membres à en déclencher une autre.»
Les relations entre la direction et le milieu syndical sont aussi incertaines. Le Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ) et le Syndicat des employés de l’UQAM attendent toujours la signature de leur convention collective, échue depuis le mois de juin 2007. (voir autre texte p.7)
Incertains du dénouement de la crise financière de l’UQAM, les membres de la communauté universitaire attendent la conclusion des négociations entre le gouvernement et la direction. La directrice des relations avec la presse de l’UQAM, Francine Jacques, affirme que la direction espère en arriver «à une entente imminente» avec Québec. Un attaché de presse du cabinet du MELS a confirmé au journal Le Devoir que le ministère tentera de conclure l’affaire en septembre.
Plusieurs questions qui n’ont pas été soumises au Vérificateur général demeurent sans réponses. Il est toujours impossible de savoir où en sont rendues les négociations entre le promoteur immobilier responsable de la construction de l’îlot Voyageur, Busac, et la direction puisqu’elles sont confidentielles. L’entente de départ signé entre l’ex-recteur Roch Denis et l’UQAM est, elle aussi, gardée secrète.

Chronologie de la crise financière de l’UQAM

Mars 2005: Le conseil d’administration (CA) donne son aval à la construction du Complexe des Sciences et de l’îlot Voyageur.
Août 2006: La nouvelle vice-rectrice aux affaires administratives, Monique Goyette, informe le recteur des problèmes financiers liés aux projets immobiliers.
14 novembre 2006: Le CA prend connaissance des dettes liées aux projets immobiliers.
23 novembre 2006: Roch Denis démissionne.
30 avril 2006: Les médias annoncent que l’endettement lié aux projets immobiliers atteindra des centaines de millions de dollars.
1er novembre 2007: Dépôt du premier rapport du Vérificateur général du Québec qui affirme que la situation financière de l’UQAM ne pourra pas se rétablir sans l’aide du gouvernement.
12 au 16 novembre 2007: Première grève étudiante de cinq associations facultaires regroupant plus de 20 000 étudiants.
20 novembre 2007: Claude Corbo est élu recteur avec 75,5% des voix.
11 février au 2 avril 2008: Quinze mille étudiants font la grève.
4 mars 2008: Dépôt du rapport et du plan de redressement de la firme PricewaterhouseCoopers qui affirme que le redressement est impossible sans une aide gouvernementale et suggère des compressions budgétaires de 11 millions de dollars.
5 juin 2008: Dépôt de la deuxième partie du rapport du Vérificateur général du Québec. Roch Denis et deux anciens membres de la direction sont désignés comme les principaux responsables de la crise.

Stéphane Rolland

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