7 questions +1 à Jérôme Minière

Jérôme Minière a présenté vendredi soir dernier, pour la première fois devant public, son dernier album Danse avec Herri Kopter dans le cadre du Coup de coeur francophone. Notre journaliste, Olivier Lefebvre, s’est entretenu avec l’artiste tout juste après son test de son.

Montréal Campus:Votre dernier album Jérôme danse avec Herri Kopter traite du thème de la technologie. Quel est votre rapport personnel avec les machines?

Jérôme Minière: Mon rapport avec les machines est très paradoxal. À la fois, j’en ai utilisé beaucoup depuis longtemps et c’est grâce à elles que j’ai pu faire de la musique. Je suis autodidacte. Certes, j’ai appris le piano quand j’étais petit, mais j’étais très mauvais. C’est vraiment via les machines que j’ai commencé à faire mes premiers arrangements. J’ai toujours été en contact avec la technologie pour produire, mais je ne suis pas un geek pour autant. Je n’ai pas le dernier téléphone et je ne suis pas branché sur tout, mais c’est un outil magique pour moi.

MC: La pièce We Machinize évoque notre dépendance aux «machines» et même aux cellulaires sur Quelque chose de rectangulaire. Dénoncez-vous les effets néfastes de la technologie sur votre dernier album?

JM: Je souhaitais davantage faire état des lieux pour définir à quel point quelque chose qu’on a inventé nous transforme. Je vois comme un effet de mariage ou de symbiose. Au final, je ne sais pas si c’est bien ou mal. Nous sommes dedans puis ça va tellement vite que je n’aurais pas la prétention de savoir la réponse. Par contre, oui ça me pose des questions. Pour la pièce Quelque chose de rectangulaire, je regarde un écran carré. Je le compare au ciel qui s’encadre. En fait, la base de la chanson, c’est de comparer des choses très simples. Nous avons inventé des machines et elles nous réinventent, nous changent, nous transforment à leur tour. Là me vient l’idée de la cybernétique. L’intégration de composantes dans le corps des humains. Ça arrivera sans doute, mais j’ai l’impression qu’on se trouve dans l’étape où il y a un début de fusion qui n’est pas encore totalement physique.

MC: Il s’agit de ce phénomène que vous illustrez avec votre personnage fictif: Herri Kopter?

JM: C’est compliqué. Herri Kopter est un personnage que j’ai inventé pour mon projet de musique électronique en 1998. Ensuite, c’est devenu un personnage de fiction qui m’a permis d’aborder de sujets de société. Par exemple, pour un projet d’économie de marché, Herri Kopter devenait mon employeur. J’aime l’utiliser quand je fais des albums conceptuels.

MC: Pensez-vous à exporter votre album ailleurs qu’au Québec et en France?

JM: Pourquoi pas? D’ailleurs, il y a peu de chansons chantées alors ça pourrait jouer un peu partout. Comme je suis occupé par plusieurs projets en même temps, ce n’est pas une priorité. S’il y avait des ouvertures, ça me ferait certainement plaisir. Ce projet-là, je l’ai fait pour me faire plaisir. Au départ, je ne pensais même pas l’adapter sur scène parce que de la musique électronique c’est toujours plus compliqué à gérer. Finalement, j’ai accepté de le faire. Nous n’avons pas eu de show de rodage, rien. Ce soir, c’est un laboratoire. Il y a des machines, mais rien n’est sûr. En même temps c’est bon. Ça laisse un risque.

MC: Comment vous inspirez-vous pour créer les vidéos qui accompagnent les pièces de l’album, d’ailleurs disponibles sur votre site web?

JM: C’est assez rigolo. En fait, comme je le disais juste avant, c’est un projet de vacances. Après la sortie de l’album, j’ai cherché des images d’archives et j’ai fait une première vidéo. J’y ai pris goût puis j’ai décidé de couvrir l’ensemble de l’album. Je suis rendu à huit vidéos sur dix pour l’instant. Ce soir, il y en a deux qui ne sont pas en ligne qui seront projetés. Ce ne sera pas la forme qui sera en ligne, il va falloir que je peaufine un peu. Celui qui manque est pour la pièce Quelque chose de rectangulaire parce que c’est le plus difficile à faire. Le scénario est très précis et je n’ai pas réussi à trouver des images pour l’instant. Le projet est vraiment amateur, mais j’ai beaucoup aimé le faire. Je trouve que ça amène un côté artisanal. Ça amène une petite saveur de quelque chose que j’ai connu en 1990. Un côté un petit peu innocent que j’aime bien.

MC: Qu’est-ce qui vous passionne dans les décennies 80 et 90?

JM: Ce sont des cycles. Comme j’ai commencé à faire de la musique professionnelle dans les années 90, j’étais dans la vingtaine. Là, j’ai 40 ans. Ce sont des cycles. Nous fonctionnons souvent en tournant le dos à ce qui se fait immédiatement derrière nous. Après, il y a un recul qui se fait et découvre d’un coup des choses que l’on avait laissé passer. J’aime l’espèce de naïveté qu’il y avait dans ces années-là par rapport à la technologie. C’était le début des raves. C’était très utopique. L’Internet était encore à ses balbutiements. C’était très lent. Il y avait cette idée aussi que l’on allait disparaître derrière les machines. Les années 2000 ont vraiment été l’inverse. Ce n’est pas mieux ou moins bien qu’une autre époque, mais ça entre en résonnance avec aujourd’hui de manière assez intéressante. Je le vois comme une époque assez naïve par rapport à ce que l’on vit aujourd’hui.

MC: Comment vous êtes-vous inspiré de la pièce populaire Elvire du français Alain Bashung pour créer?

JM: J’ai pris l’intégralité du texte. Mot à mot, je l’ai tapée dans Google Traduction. J’ai enregistré chaque mot. Après, je les ai recollés un par un. J’ai fait un casting pour que ça ait l’air bien interprété. Un travail de moine. Au départ, il devait y avoir d’autres chansons. J’avais essayé de faire une version de Sex Machine de James Brown, mais finalement Elvire est la seule version qui a survécu. J’ai demandé l’autorisation au coauteur Jean Fauque. Je lui ai fait parvenir le démo pour savoir s’il approuvait ou pas. S’il avait dit qu’il n’aimait pas ça, j’aurais laissé ça de côté. À la base, Danse avec Herri Kopter devait être plus expérimental comme ça. Cela a viré en cours de route.

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