Bruxelles, 21 novembre. Des drapeaux palestiniens sont dessinés dans les couloirs. À la cantine, les collants « Free Palestine » ornent les murs. Ici, à l’Université libre de Bruxelles (ULB), les manifestant(e)s propalestinien(ne)s ont gagné : leur école a suspendu tous ses contrats avec les universités israéliennes.
« Aujourd’hui, dans notre université, on peut dire qu’il n’y a pas d’accord avec l’entité sioniste, à part ceux du [projet de recherche] Horizon », déclare fièrement Lara Abu-Abas, étudiante en droit à l’ULB et membre du comité BDS ULB (Boycott, désinvestissement et sanction).
À l’été 2024, le mouvement des campements en soutien à la Palestine a fait le tour de monde. L’ULB n’a pas été épargnée. À la suite d’une occupation étudiante dans un des bâtiments de l’école, des négociations ont débuté entre la rectrice et des militant(e)s.
L’ULB a alors décidé de suspendre ses contrats avec les universités israéliennes. « C’est vraiment grâce à l’occupation étudiante », précise Lara, qui a accueilli ces suspensions comme « une bonne nouvelle ».
Coupure totale
En juillet dernier, l’ULB a prolongé la décision et a fait le choix de ne pas conclure de nouveau partenariat institutionnel avec l’Institut Weizmann, une université israélienne.
C’est exactement ce que les militant(e)s propalestinien(ne)s uqamien(ne)s revendiquent : une coupure totale d’Israël, un boycottage complet des universités et des entreprises israéliennes. Ces militant(e)s adhèrent au mouvement BDS, qui est, d’ailleurs, appuyé par les sept associations facultaires de l’UQAM.

Bien que l’UQAM n’ait présentement aucune entente avec des universités israéliennes, comme l’a révélé le Montréal Campus en décembre 2024, elles ne sont pas proscrites ou boycottées. Donc, certaines pourraient voir le jour prochainement. Toutefois, elles devraient respecter la résolution adoptée par le Conseil d’administration de l’UQAM à la suite de l’installation d’un campement à l’UQAM à l’été 2024. Les ententes conclues par l’Université doivent « œuvrer pour la paix » et respecter le droit humanitaire international.
Donc, les étudiant(e)s militant(e)s de l’ULB ont gagné sur toute la ligne? Non, pas exactement.
Annemie Schaus, rectrice de l’ULB, est membre du Conseil des recteurs et rectrices francophones (CRef), qui réunit les rectrices et recteurs des institutions universitaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles (la Wallonie est la région du sud de la Belgique qui est majoritairement francophone).
Accord Horizon
En juin dernier, le CRef a demandé à l’Union européenne (UE) de suspendre l’Accord d’association entre Israël et l’UE (un traité facilitant les échanges commerciaux). Selon le Conseil, Israël contreviendrait possiblement au « respect des droits de l’homme et des principes démocratiques » obligés par l’accord. La Commission européenne étudie actuellement si c’est le cas ou non.
Cet accord qui unit Israël et l’UE permet aux universités israéliennes de participer au vaste programme de recherche Horizon Europe, financé par l’UE.
« Avec les accords Horizon, il peut y avoir du travail en commun parce que l’ULB fait partie d’un projet [avec d’autres universités européennes]. Donc, on est toujours liés à Israël dans des accords multilatéraux et c’est ça qui est notre lutte en ce moment », explique Kenny Agboton, étudiant à l’ULB et membre du rassemblement ULBPalestine.
Les militant(e)s comme Lara et Kenny clament même que l’ULB pourrait se retirer elle-même des accords.
« L’ULB dit ça pour se décharger sur l’UE. Ça implique de perdre de l’argent. S’ils sortent, ils devront payer potentiellement les chercheurs et chercheuses d’ici qui sont financés par l’UE », croit pour sa part Kenny.
Du côté du CRef, dans une lettre publique, on précise qu’un « retrait unilatéral […] ou […] l’exclusion de partenaires israéliens de projets approuvés entraîne une insécurité juridique, des demandes potentielles de compensation et des dommages réputationnels ».
Ainsi, sans décision de l’UE, « il est presque impossible de justifier légalement des choix moralement responsables » selon le CRef.
Selon le site Internet du mouvement BDS, plusieurs universités européennes adoptent un boycottage ou coupent plusieurs liens, comme l’Université de Liège (Belgique), l’Université d’Utrecht (Pays-Bas) ou l’Université de Florence (Italie).
Pourquoi boycotter?
Pourquoi exiger un boycottage? Parce que les universités israéliennes jouent un rôle fondamental « dans le colonialisme et l’apartheid » exercé par Israël, soutient Maya Wind, chercheuse israélo-juive en anthropologie. Elle a d’ailleurs consacré un livre à ce sujet, Towers of Ivory and Steel: How Israeli Universities Deny Palestinian Freedom.
Née à Jérusalem, elle y détaille ses recherches dans les archives israéliennes de l’État et de l’armée. Selon elle, toutes les universités israéliennes sont « complices » du projet de colonisation en territoire palestinien occupé. Ce qu’elle pense des universités qui gardent contact avec leurs homologues israéliens? C’est « honteux », affirme-t-elle sans détour.
Les boycotter est une obligation « fondamentale, particulièrement pour la communauté universitaire occidentale. Le système universitaire israélien, pilier du régime d’apartheid, s’effondrerait sans le soutien constant et les liens étroits tissés avec les universités occidentales », soutient celle qui appuie le mouvement BDS.
Pendant ce temps, l’étudiante belge d’origine palestinienne Lara continuera de se battre contre vents et marées. « On va continuer la lutte pour la décolonisation totale de la Palestine. On parle de 1948, de 1967, de Gaza, de tous les territoires occupés. Une Palestine libre de la rivière à la mer! »
Selon elle, il y a de l’espoir pour l’avenir. « On va vers le mieux. Les gens qui portent des keffiehs [foulard devenu symbole de la lutte palestinienne] tout le temps à l’université, c’est incroyable. On a connu des rassemblements où on était 10 à essayer de tenir un drapeau. Maintenant, on arrive à faire 200 000 personnes à Bruxelles. »



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