Il est presque 22h, une poignée d’usagers et d’usagères de la halte-chaleur erre déjà dans le pavillon J.-A.-DeSève en attendant l’ouverture prévue dans les prochaines minutes. C’est la deuxième année que l’UQAM accueille des personnes vulnérables pour venir passer la nuit à l’abri, en temps de grand froid.
Franco Dimatteo est sans logement depuis presque un an. Souvent à la station Berri-UQAM pendant la journée, il vient quelquefois passer la nuit à l’UQAM lors de l’ouverture de la halte-chaleur. « Je n’ai pas une tendance naturelle à aller à d’autres endroits, parce qu’ici, c’est mon environnement, je me tiens dans le quartier. »
« Je ne trouve pas que c’est la solution idéale, mais c’est mieux que de rester dehors pour se faire geler », dit-il à propos des haltes-chaleur.
Dès que le thermomètre atteint -15°C, la halte devient accessible. Les intervenant(e)s sociaux et sociales surveillent la météo jusqu’à une semaine d’avance pour décider quels jours ouvrir. Depuis décembre 2024, la halte a été ouverte 25 fois, même si leur subvention pour cet hiver était pour 20 nuits.
Déjà dans l’UQAM
« Tous les usagers qui se présentent et qui sont susceptibles d’être dans la rue, on les accueille », explique Guy Bertrand, coordinateur clinique à la Société de développement social (SDS) et responsable de la halte-chaleur de l’UQAM. Il ajoute néanmoins que les intervenant(e)s sociaux et sociales peuvent refuser des personnes qui pourraient poser un risque au niveau de la sécurité, comme des personnes qui arrivent déjà sous l’effet d’une forte consommation, par exemple.
Le directeur adjoint du Service de la prévention et de la sécurité (SPS) de l’UQAM, Georges Kasserwani, affirme que « la communauté qui utilise la halte-chaleur, c’est une communauté qui est déjà dans l’UQAM ». Celui-ci considère que la cohabitation se passe bien entre la communauté étudiante et les personnes en situation de marginalité qui fréquentent l’établissement universitaire.
Le seuil est de 30 personnes, mais peut être augmenté. « On peut aller jusqu’à 60, mais au départ, on dit 30 parce que les intervenants ne sont que trois », explique le coordinateur clinique, M. Bertrand. C’est aux intervenant(e)s sur place de décider jusqu’à combien de personnes ils et elles peuvent accueillir. « Si c’est calme, si tout le monde est tranquille [nous pouvons] essayer de mettre plus de personnes. »
Cela dit, à trois intervenant(e)s seulement, M. Bertrand est plus sélectif dans son choix de personnes pour assurer le bon déroulement de la halte. Il va chercher les plus expérimenté(e)s afin de savoir comment intervenir adéquatement avec les utilisateurs et utilisatrices du service. « Il faut avoir des intervenants qui sont capables de faire la distinction [entre les enjeux], qui savent comment dealer avec et qui prennent en compte certains facteurs pour ne pas blesser [les personnes en situation d’itinérance] ou pour mieux les comprendre. »
Des besoins différents
La halte-chaleur devient une option pour ceux et celles qui n’ont pas trouvé de place dans un centre d’hébergement et répond parfois mieux aux besoins de certain(e)s, qui « ne veulent pas nécessairement adhérer aux normes pour avoir un lit dans un centre d’hébergement ». Plusieurs n’ont pas envie de dresser leur lit le matin ou de respecter le cadre réglementaire en place. La halte devient alors préférable pour simplement prendre une collation, poser sa tête et dormir un peu, explique le coordinateur de la SDS.
« C’est le SPS de l’UQAM qui est un peu à l’origine de ce projet, qui avait poussé l’idée et qui a fait cheminer la démarche », affirme M. Kasserwani, qui voit la halte comme une réponse à « un besoin clé ».
Sur place, des boissons et des collations sont servies. Les personnes sur place font des siestes aux tables. « Pour l’instant, je pense que ce que l’UQAM offre, c’est déjà pas mal », pense M. Bertrand. « C’est quand même un milieu universitaire! »
« [Les personnes en situation d’itinérance] passent chaque jour pour demander si on va être ouvert ce soir, ou certains viennent directement et c’est ouvert »
Guy Bertrand
Les ressources manquent pour composer avec la crise d’itinérance, selon lui. « Ce n’est pas évident. Il manque d’organismes et d’endroits avec des lits », dit-il. « Il y a pas mal d’organismes qui ouvrent quand même. Mais bon, ça ne suffit pas. »
M. Dimatteo, qui vit dans la rue, est du même avis : « Je trouve que la structure n’est pas tout à fait assez forte. […] C’est difficile de se reloger [la société] devrait s’occuper des gens plus que ça. »
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