Attention à la liberté d’expression sélective 

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire », aurait dit Voltaire. Je ne pourrais mieux résumer ma pensée.  

L’an dernier, des membres du Comité souverainiste de l’UQAM m’ont confié que leurs pancartes étaient régulièrement arrachées par d’autres groupes uqamiens. Ça m’a profondément marqué. 

Dans une microsociété universitaire où l’on prône la liberté d’expression – ou du moins, j’aime le croire – comment cela peut-il se produire? Pourquoi l’UQAM ne fait-elle rien? 

Le phénomène se répète cette année. Alors que le groupe nationaliste de droite Nouvelle-Alliance tentait de recruter des étudiant(e)s en début septembre, leurs affiches ont été arrachées. Pire encore, des affiches ont été posées pour encourager les étudiant(e)s à arracher les affiches de Nouvelle-Alliance.

Mais voyons donc. 

Loin de moi l’intention de prendre parti pour ces groupes, je crois qu’il faut défendre leur droit de s’exprimer librement, qu’on soit d’accord avec eux ou non. 

J’ai fait part de mes préoccupations au professeur Yves Gingras, qui a siégé au comité d’expert(e)s à l’origine de la Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire en 2021. Il se veut rassurant. « Au Québec, depuis 2022, des mécanismes assurent la défense de la liberté universitaire. À l’UQAM, ça prend la forme d’un comité que la loi impose à toutes les universités », m’explique M. Gingras. 

Le Comité sur la liberté académique de l’UQAM offre un recours pour les professeur(e)s ou étudiant(e)s de l’UQAM qui se sentent lésé(e)s dans le respect de leur droit à la liberté universitaire, qui découle du droit à la liberté d’expression. 

En ce qui concerne les affiches arrachées, si d’autres groupes étudiants sont derrière cet acte, pour Yves Gingras, il n’y a aucun doute : il doit y avoir sanction. 

Pourtant, aucune plainte n’a été déposée, donc aucune action n’a été prise, ou du moins, pas selon la porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers. Si l’UQAM ferme les yeux lorsqu’on réduit au silence une opinion, respecte-t-elle son devoir de protéger la liberté d’expression? Est-on en train d’assister à la dépolitisation du discours dans une université historiquement politisée? 

La liberté universitaire recule dans le monde, même dans des pays à tradition démocratique, comme le Canada, selon un récent rapport de Scholars At Risk. Inquiétant. 

Alors que les universitaires critiques d’Israël se font condamner pour l’utilisation des mots « apartheid » ou encore « génocide », au Canada comme ailleurs dans le monde, il est nécessaire de s’intéresser à la santé démocratique de nos universités. L’UQAM en fait-elle assez pour protéger la liberté universitaire?

Il est capital pour les professeur(e)s d’avoir la liberté d’enseigner comme pour les étudiant(e)s d’avoir la liberté d’apprendre, et cela inclut d’être exposé(e)s à toutes sortes d’opinions. 

La liberté d’expression doit pouvoir s’appliquer même aux gens avec qui nous sommes en désaccord. Sinon, l’opinion devient une contrainte pour l’intégration sociale et non un choix. Et ce n’est pas démocratique.

Uqamien(ne)s, respectez-vous les un(e)s les autres! Il n’y a rien de plus intolérant que de ne pas permettre à quelqu’un de ne pas penser comme vous. 

Ne jetez pas des exemplaires d’un journal qui vous a déplu. Ne déchirez pas les affiches de groupes politiques qui vous dérangent. Débattez, discutez, échangez. 

Ne me méprenez-pas, je n’encourage pas le discours haineux, discriminatoire ou irrespectueux. La liberté de l’un(e) s’arrête où celle de l’autre commence.

Nous gagnerions tous et toutes, même nous, journalistes, à nous remettre en question plus souvent et prendre le temps d’avoir des réflexions inconfortables, même si ce n’est pas toujours plaisant, ni naturel.

C’est intellectuellement stimulant d’être conscient(e)s et de remettre en cause ses convictions, ses opinions, ses a priori. Un exercice souvent troublant, percutant, mais essentiel.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *