Le projet controversé des restaurants sans pourboire 

Certains restaurants au Québec, comme Le Bicois, ont aboli l’imposition du pourboire dans leur salle à manger. Cette nouvelle formule divise les étudiant(e)s qui travaillent dans le milieu de la restauration, ainsi que ceux et celles qui fréquentent souvent les restaurants. 

Dans ces restaurants, inutile d’offrir du pourboire en payant : le prix des plats sur le menu inclut le service, à l’européenne. 

Le Bicois, buvette locale située à Rimouski, a annoncé ses couleurs dès son ouverture, le 24 juin dernier. Elle a informé d’emblée la clientèle de sa formule sans pourboire. Élizabeth Tremblay, copropriétaire de l’établissement, se montre enthousiaste.

« Les employés de service et de cuisine sont tous payés entre 20 $ et 25 $ de l’heure. […] Toutes les inégalités en ce qui concerne la salle à manger et la cuisine sont abolies parce que tout le monde a un salaire fixe, donc ça, c’est vraiment chouette! »

Élizabeth Tremblay, copropriétaire du Bicois

D’après Mme Tremblay, le salaire annuel fixe constitue un véritable avantage pour les employé(e)s du Bicois. « Après les vacances de la construction, l’achalandage diminue drastiquement, donc ça permet à tous les employés d’avoir une stabilité financière ». 

Plus abordable pour les étudiant(e)s?

Delphée Serre, étudiante au Baccalauréat en télévision à l’UQAM, pense que l’intégration du prix du service dans les plats rend les restaurants plus abordables pour les étudiant(e)s. « Ça permet de mieux planifier son budget par rapport à nos sorties au restaurant », pense-t-elle. 

Elle soutient qu’une amélioration de la façon dont les pourboires sont perçus est nécessaire. « Je crois que s’il y a plus de réglementation, par exemple, en mettant le pourboire avant les taxes ou en ayant certains seuils de pourboire fixes, ça pourrait vraiment régler le problème et donner une vision plus positive du pourboire. » 

Pour Alexis Leblanc-Dussault, étudiant au Baccalauréat en droit à l’UQAM, le pourboire est une forme de reconnaissance envers le travail d’un employé(e). « Je trouve ça dommage que celles et ceux qui offrent un service impeccable et à qui on offre donc un pourboire généreux de 20 % vont devoir s’en passer. » 

Des impacts conséquents 

Selon l’Association Restauration Québec (ARQ), il y avait plus de 78 000 employé(e)s âgé(e)s de moins de 25 ans en 2021 dans les services de restauration et d’hébergement québécois. Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales pour l’ARQ, affirme que « les employés à temps partiel de notre secteur sont principalement des étudiants ».

Une serveuse ou un serveur qui travaille à pourboire « peut gagner en moyenne 40$ par heure », explique M. Vézina. Il ajoute qu’il s’agit « d’un montant important. C’est sûr que, pour des étudiants, ça fait un revenu d’appoint qui leur permet d’être bien pendant leurs études ».

M. Vézina indique que, sans les pourboires, la rémunération horaire n’est plus la même. Pour compenser les fluctuations dues au pourboire, les employeurs offrent « des montants plus proches d’un 25 à 30 $ de l’heure, ce qui est comparable au salaire des cuisiniers ». 

Pour Emily Moisan, serveuse à temps partiel et étudiante à l’UQAM, le défi ne serait plus au rendez-vous si le coût du service était inclus à l’avance dans celui des plats. « Quand des clients me donnent 25 % de pourboire parce que mon service était impeccable, c’est de l’argent que j’ai, mais que je n’aurais peut-être pas eu avec des plats qui ont déjà le pourboire inclus dedans. »

« C’est vraiment un milieu de défis. J’adore mon travail et ça serait plate sinon », ajoute-t-elle.

« Un manque de consensus »

Pour Élizabeth Tremblay du Bicois, la formule avec pourboire est reléguée aux oubliettes dans son établissement. « [Notre modèle sans pourboire] est vraiment là pour rester. C’est comme ça qu’on a bâti le modèle d’affaires », confirme-t-elle. 

Du côté de l’ARQ, Martin Vézina croit que le chemin à parcourir est encore long. « Il y a un manque de consensus, un manque d’acceptabilité sociale. […] Les clients ne semblent pas encore décidés du modèle qu’ils veulent, alors autant mieux garder celui qui est actuellement en vigueur. » 

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