Dossier : Les défis de l’enseignement supérieur |
« Pourquoi un élève se déplacerait dans un lieu précis et à un moment précis pour recevoir de l’information, alors qu’il peut le faire au lieu et au moment qui lui convient? », se demande Anastassis Kozanitis, directeur du département de didactique de l’UQAM. Autrement dit, pourquoi aller à ses cours?
C’est à cette question que répond le concept de valeur ajoutée, pense-t-il. L’enseignant(e) peut notamment « ajouter de la valeur » à son cours en utilisant son bagage ou en favorisant les interactions et les discussions entre les membres d’une classe. Ainsi, il enrichit l’expérience d’apprentissage avec de l’information que l’étudiant(e) ne peut pas trouver en ligne.
« Il faut s’assurer que le cours offert est une bonification de ce que l’élève pourrait trouver de façon autonome », juge Viviane Boucher, conseillère pédagogique au Carrefour d’innovation et de pédagogie de l’UQAM, un service offert aux enseignant(e)s et au personnel de soutien pour les aider dans leur formation pédagogique. Certain(e)s bénéficiaires de ce service ont parfois de la difficulté à partager leur expérience concrète avec leur étudiant(e)s, pense Marina Caplain, chargée de projets technopédagogiques à l’UQAM. « Il faut parfois les pousser à se mettre de l’avant, parce que c’est leur cours au final. »
« Une attitude plus ouverte, bienveillante, quelqu’un qui va partager des anecdotes, ça peut faire en sorte que les étudiants soient plus intéressés », croit M. Kozanitis. Pour qu’un cours soit intéressant, André-Sébastien Aubin, professeur à l’UQAM, pense que « le cours doit être bien pensé ».
« Il faut que l’enseignant soit de bonne présence en classe, il faut qu’il y ait des raisons pour lesquelles tu expliques quelque chose à un moment précis. »
– André-Sébastien Aubin
Le chargé de cours Guillaume Grégoire-Sauvé met beaucoup d’énergie dans sa classe pour tenter de la garder concentrée. « Après les trois heures de cours, je suis à peine fonctionnel, je suis claqué, claqué, claqué. Pour moi, un cours, c’est comme une pièce de théâtre », partage-t-il.
Ses efforts semblent porter leurs fruits. « J’ai des super bonnes évaluations pour ces deux cours-là. Vu que les deux cours que je donne sont complémentaires, j’ai beaucoup d’étudiants qui, après en avoir suivi un, vont suivre l’autre. »
Absentéisme important
Vincent Fournier, professeur au département de communication sociale et publique de l’UQAM, pense que « s’il n’y a pas d’examen à la fin de la session, il y a beaucoup plus d’absentéisme ».
Il déplore le manque de présence dans son cours d’ethnographie de la consommation et l’a d’ailleurs bien fait savoir à ses étudiant(e)s dans un courriel envoyé en mars dernier. « Lors du dernier cours, nous nous sommes permis de souligner que plusieurs personnes ne viennent pas en classe assister au cours (environ 50 % par semaine) », peut-on y lire.
« L’étudiant.e qui, comme la rivière, suit son cours dans son lit, l’étudiant.e coule aussi. »
– Extrait du courriel envoyé par Vincent Fournier
« L’objectif était de responsabiliser les personnes, en utilisant de l’humour et des formules fortes », justifie le professeur. Durant les deux semaines qui ont suivi, l’affluence des étudiant(e)s en classe a augmenté. Cependant, après cet élan passager, autant de personnes étaient présentes qu’avant l’envoi du courriel.
« À l’avenir, je vais probablement devoir modifier les méthodes d’évaluation pour qu’il y ait un examen à la fin de la session », explique M. Fournier.
L’ère du numérique
Sébastien Arpin, étudiant en sciences politiques, remarque que « 90 % des gens n’écoutent pas dans certains de ses cours ». Pour se concentrer, il ne sort pas ses appareils électroniques et prend des notes sur du papier. « Quand je prenais des notes sur mon ordinateur, je finissais toujours par me déconcentrer du cours. »
Les ordinateurs apportent toutefois une nouvelle variété d’activités possibles. Par exemple, il est possible d’amener les étudiant(e)s à visionner une capsule ou de répondre à un quiz en ligne.
Le plus important, pour Anastassis Kozanitis, est « que la classe et l’enseignant établissent un contrat clair quant à l’utilisation des outils technologiques. » Il ajoute cependant que « plusieurs personnes ne savent pas encore complètement comment intégrer l’usage du numérique dans leur façon d’enseigner ».
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