Seulement une infime partie des près de 250 étudiants et étudiantes admis(e)s au baccalauréat en psychologie à l’UQAM accéderont au doctorat qui permet d’exercer le métier de psychologue. Ce « goulot d’étranglement » est une source d’anxiété pour les étudiants et les étudiantes du programme.
Félix Duplessis-Marcotte, doctorant en psychologie et auxiliaire de cours à l’UQAM, mentionne que lorsqu’il a interrogé sa classe d’environ 200 étudiants et étudiantes sur leur intention de poursuivre au doctorat, environ 180 personnes ont manifesté leur intérêt.
À l’heure actuelle, le parcours en psychologie est présenté aux membres de la communauté étudiante comme un « système entonnoir », dit Nevena Popova, étudiante au baccalauréat. 216 personnes peuvent être acceptées dans le programme à l’automne, mais très peu en ressortent psychologues, en raison du nombre de places limitées au doctorat.
Un processus « anxiogène »
À l’approche de la date limite de dépôt des demandes, beaucoup d’étudiants et d’étudiantes se sentent dépassé(e)s. « C’est un climat très anxiogène », affirme Raphaël Lapointe, étudiant au doctorat qui a vécu ce processus. « Tout le monde sait que la majorité des gens va vouloir postuler pour aller au doctorat. La demande d’admission est stressante parce qu’elle demande beaucoup de documents, beaucoup de lettres de recommandation […] c’est vraiment un moment où l’on se compare tous entre nous », ajoute-t-il.
Toutefois, à l’UQAM, les étudiants et les étudiantes se serrent les coudes. « On ne sent pas trop la compétition, mais on sent que les gens veulent bien réussir », dit Ariane Chouinard, étudiante au baccalauréat. « Malgré ça, les gens à l’UQAM s’aident », affirme-t-elle. À son avis, le stress n’est pas tant lié à la comparaison avec les autres, qu’à un désir de bien performer académiquement, de se démarquer et d’acquérir des expériences pour embellir leur curriculum vitae.
Avoir un bon relevé de notes ne garantit pas l’accès au doctorat; des personnes ayant un excellent dossier peuvent être refusées. Ariane indique qu’il faut savoir bien jouer ses cartes : « Il y a beaucoup de facteurs dont tu n’as pas le contrôle et, même si tu as coché toutes les petites boîtes, […] à la fin, ça peut juste dépendre du prof ».
Pourquoi un nombre si limité ?
L’UQAM est l’établissement qui accepte le plus de personnes au doctorat en psychologie parmi les universités du Québec. Pourtant, il y a encore une forte compétition pour l’accès au programme. Beaucoup mentionnent le manque de professeur(e)s. Chaque enseignant et enseignante peut prendre sous sa supervision un maximum de 12 thèses par année, mais ce ne sont pas tous et toutes qui en prennent autant.
Les personnes souhaitant devenir cliniciens et cliniciennes – c’est-à-dire voir des patients et des patientes – doivent aussi passer par le Centre de services psychologiques de l’UQAM (CSP) afin de faire leur formation pratique. Le CSP ne peut accueillir qu’un certain nombre d’étudiants et d’étudiantes par année en raison du manque de locaux et de personnel. « Ce qui limite la capacité d’encadrement [au doctorat] ce n’est pas tant l’aspect recherche que le CSP. L’espace est limité au CSP et ce sont eux qui mettent la limite de personnes qu’on peut accepter chaque année. Il est là le goulot d’étranglement », dit Thérèse Bouffard, professeure au doctorat à l’UQAM.
Plus qu’une voie possible
Questionné sur les solutions possibles, Ghassan El-Baalbaki, directeur des programmes de deuxième cycle en psychologie à l’UQAM, dit que les solutions rapides relèvent d’une mauvaise compréhension du système. Par exemple, d’augmenter le nombre d’enseignants et d’enseignantes ne veut pas dire que ceux et celles-ci prendront beaucoup de thèses, affirme-t-il.
Quant à l’idée de fixer un contingent encore plus limité à l’entrée au baccalauréat, Ghassan El-Baalbaki s’y oppose complètement. « Si on contingente le baccalauréat à 100 personnes, mais que 100 autres voudraient y entrer dans le but de faire autre chose, est-ce qu’on les empêche de faire ce qu’ils veulent parce qu’on ne prend pas assez de gens au doctorat ? », questionne-t-il.
Selon plusieurs, il faut mettre en évidence les options qui s’offrent aux personnes qui obtiennent un diplôme en psychologie, mais qui n’iront pas au doctorat. Dans ces options figurent notamment, outre la recherche, les maîtrises en orthophonie, en travail social et en orientation ainsi que la possibilité de travailler comme intervenant ou intervenante en santé mentale pour ceux et celles qui souhaitent faire de la relation d’aide.
Thérèse Bouffard mentionne la création d’une cellule de cinq professeur(e)s qui travaillent sur un inventaire de toutes ces opportunités. « Il y a un souci de pouvoir continuer à accepter autant de gens au baccalauréat, mais en ne les laissant pas se perdre dans la nature après parce qu’ils n’ont pas été pris au doctorat », explique-t-elle. Ghassan El-Baalbaki affirme aussi qu’un programme de maîtrise en psychologie appliquée est en cours de création et pourrait permettre de former des experts et des expertes en psychologie pour travailler notamment dans le monde des affaires ou de la technologie.
Une meilleure compréhension de ce qu’est le baccalauréat en psychologie est peut-être nécessaire : beaucoup d’étudiants et d’étudiantes sentent qu’ils et elles doivent se trouver un plan B. Ghassan El-Baalbaki rappelle que la psychologie est bien plus que le métier de psychologue clinicien : « C’est une richesse qu’on perdrait dans la société si on disait que [ces personnes ayant comme objectif autre chose que le doctorat] ne peuvent pas aller au baccalauréat ».
Mention photo : Chloé Rondeau
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