La pandémie et l’arrivée du printemps et des températures clémentes ont été synonyme d’une hausse importante de l’achalandage dans les parcs. Ceux-ci s’immiscent au cœur des habitudes des Montréalais et des Montréalaises depuis les derniers mois. Cette hausse de la fréquentation amène plusieurs défis pour la Ville qui gère difficilement les contraintes liées à ce changement d’habitude.
Confinée, davantage sédentarisée et exempte de ses activités habituelles, la population montréalaise s’est servie des parcs comme un exutoire pour profiter de la nature et socialiser. Depuis le début de la pandémie, la fréquentation du réseau parc-nature a connu une augmentation de plus de 60% selon les données recueillies par les compteurs installés dans certains parcs montréalais.
Si ceux et celles qui les fréquentaient déjà régulièrement ont augmenté leurs allées et venues dans les espaces verts, d’autres ont aussi commencé à valoriser ces lieux collectifs dans les derniers mois. C’est le cas d’Isabelle Ouellette Mata. L’étudiante au baccalauréat de relations internationales et droit international de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) fréquente beaucoup plus régulièrement les parcs. Celle-ci est passée d’environ trois fréquentations par mois avant la pandémie à près de trois visites par semaine, en excluant les mois d’hiver. « L’été passé, j’allais dans les parcs à chaque fois que je voyais quelqu’un ou pour chaque activité et souvent j’y allais pour lire seule », explique-t-elle.
Une habitude qui perdurera
Selon la professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM Danielle Pilette, la hausse de la fréquentation des parcs montréalais avait commencé avant la pandémie. La majeure partie de la population montréalaise est locataire de petits espaces sans cour extérieure, avec peu de lumière naturelle ou de vue sur des arbres et de la verdure. L’accès facile aux parcs permet de combler les lacunes des logements montréalais. Même si des habitué(e)s fréquentaient déjà les parcs, la pandémie a donné une nouvelle valeur aux espaces verts urbains.
« La pandémie a occasionné une modification majeure dans l’organisation quotidienne de la population, notamment par le télétravail et les cours à distance », souligne la professeure au Département de sociologie de l’UQAM Louise Vandelac. Selon elle, la fréquentation des parcs indique que l’habitat et l’urbanisme doivent être revus. Les logements actuels ne sont pas conçus pour y vivre 24 heures par jour et le confinement a décuplé le besoin de prendre l’air dans les parcs, soutient-elle.
Les professeurs et professeures interrogées par le Montréal Campus estiment qu’une fois le contexte pandémique derrière nous, la fréquentation des parcs diminuera quelque peu, mais ils continueront à être fortement utilisés. Plusieurs travailleurs et travailleuses pourraient décider de conserver certaines journées à distance et auront besoin de prendre l’air dans les nombreux parcs municipaux.
Ainsi, selon les professeur(e)s, la population continuera d’utiliser les parcs, notamment pour ses événements communautaires, tels que les pique-niques ou les regroupements amicaux et familiaux.
Un aménagement à revoir
Cette hausse marquée de la fréquentation des parcs implique que la Ville de Montréal devra être plus proactive dans son entretien, croit Louise Vandelac. Les parcs ne sont pas adaptés pour l’utilisation que la population en fait. « Le mobilier urbain [tels que les poubelles, les modules de jeux ou les tables à picnic] est sommaire et pas toujours accessible en hiver », précise celle qui est aussi membre du Centre de recherche interdisciplinaire sur le bien-être, la santé, la société et l’environnement (CINBIOSE).
Le professeur au Département d’études urbaines et de tourisme de l’UQAM Juste Rajaonson estime d’ailleurs qu’il serait judicieux de repenser les ressources et la gestion de l’afflux des parcs. L’accessibilité des parcs et leur fréquentation sont inégales selon les arrondissements de la métropole. Il ajoute que les transports ne desservent pas la population pour s’éloigner du centre de la métropole vers les périphéries, où les parcs sont souvent moins occupés.
Selon la professeure au Département d’études urbaines et de tourisme de l’UQAM Thi Thanh Hien Pham, les parcs sont inégaux dans leur accessibilité, leur sécurité et la disponibilité de l’équipement. « Dans un monde idéal, il faudrait plus de parcs de qualité, assez grands et avec de nombreuses activités pour tous les âges », estime-t-elle. La professeure estime que des études devraient être conduites sur les besoins des utilisateurs et utilisatrices des parcs et sur leur fréquentation. Une étude de fréquentation pour le site patrimonial de Mont-Royal est en préparation.
Besoin de financement
Les professeurs et les professeures interrogé(e)s s’entendent pour dire qu’un investissement majeur de la Ville est nécessaire pour le futur de ses parcs. « Selon la planification budgétaire, des investissements annuels de 179 M$ sont prévus au cours des 10 prochaines années », note la chargée des communications de la ville de Montréal Anik de Repentigny dans un courriel transmis au Montréal Campus. Le budget servira notamment à la réhabilitation, la mise aux normes et la création de nouveaux parcs, mais aussi à la sécurité et à l’entretien de ces derniers.
La Ville est en consultation pré-budgétaire pour 2022 depuis le mois d’avril. Selon la professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale Danielle Pilette, l’idéal serait un budget d’investissement à plus long terme et accru pour les espaces verts et les parcs, alors qu’ils pourraient bien s’inscrire dans la culture montréalaise à plus long terme.
Mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus
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