Un vrai gentleman offre un regard sensible et intime sur la vie du musicien Billy Tipton et sur le traitement que les médias font des personnes trans. Réalisé par Aisling Chin-Yee et Chase Joynt, le documentaire paraît le 2 avril au Cinéma du Musée et à la Cinémathèque québécoise à Montréal.
Né en 1914, Billy Tipton connaît une carrière musicale réussie : il est perçu par tous, incluant sa famille, comme un homme. Son identité trans n’est découverte qu’à sa mort, en 1989, et dès lors, il est perçu et présenté comme une femme ambitieuse qui se déguisait en homme afin de pouvoir jouer du jazz.
« Après quelques recherches, j’ai rapidement conclu qu’il n’y avait pas de représentation bien équilibrée de Billy Tipton », relate la réalisatrice Aisling Chin-Yee. S’intéressant dans un premier temps au traitement médiatique de Billy Tipton, l’oeuvre se penche aussi en profondeur sur l’impact général que les médias peuvent avoir sur les personnes trans : « Les médias braquent un projecteur très vulnérable sur la communauté, où les gens ont moins de contrôle sur leur visibilité », précise le réalisateur Chase Joynt, qui fait également partie de la communauté trans.
Le récit de Billy Tipton est accompagné de multiples témoignages pertinents de personnes trans, qui discutent de la transsexualité et approfondissent la réflexion concernant la représentation et le traitement des personnes trans dans les médias. « Il nous [les personnes trans] faut des modèles pour s’imaginer de nouvelles réalités. La façon dont les autres vous déterminent peut réellement dicter notre perception », estime l’auteur trans, Thomas Page McBee, dans le documentaire, qui est listé parmi les 10 meilleurs films canadiens du Festival international du film de Toronto
Plus d’une dizaine d’artistes trans dialoguent sur ces sujets. Inclure une aussi grande diversité était un choix évident pour le réalisateur et la réalisatrice: « On ne voulait pas faire de récréation, nous souhaitions plutôt que ce soit une conversation entre nous et une multitude d’artistes de différents milieux, points de vues et tranches d’âge », explique la Mme Chin-Yee.
Un regard familial
À travers ce même regard inclusif, le film présente le récit intime et touchant du fils de Billy Tipton, Billy Jr., qui a été interviewé dans une multitude d’émissions de style talk-show lors des années 1990. « Les gens étaient obsédés par l’idée qu’il était une femme, que ma mère était une femme, donc elles devaient être lesbiennes, et ça veut dire que j’étais gai et qu’on était tous malades », raconte Billy Junior dans Un vrai gentleman. Un témoignage poignant qui relate l’expérience terrible qu’il a vécue sur ces différents plateaux de télévision.
Les extraits de ces émissions sont particulièrement choquants, mais leur présence est nécessaire afin de permettre à l’auditoire de percevoir et de comprendre l’acharnement médiatique qu’a subi la famille de Billy Tipton. Les extraits d’archives montrent les animateurs et animatrices ainsi que le public questionner le musicien sur ses vêtements, ses organes génitaux et sur sa capacité à développer une bonne relation avec son garçon, entre autres. La réalisatrice est d’avis que « ces types de talk-shows étaient très populaires; le public et les téléspectateurs participaient à une horrible forme d’humiliation [envers l’invité]. »
Chase Joynt et Aisling Chin-Yee, les réalisateur et réalisatrice de l’œuvre Un vrai gentleman, ont deux souhaits pour leur documentaire : permettre aux personnes trans de se reconnaître dans les témoignages des artistes et ouvrir les yeux des personnes cisgenres sur cette réalité qu’ils et elles ne vivent pas. Le documentaire offre un portrait complet d’une réalité qui, aujourd’hui comme hier, mérite un regard aussi profond et pertinent.
Mention photo Films du 3 Mars
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