Trente ans après la création du Guide de féminisation et de la représentation des femmes, élaboré en collaboration avec le Comité institutionnel de féminisation de l’UQAM, tous les textes rédigés par l’administration de l’université n’utilisent pas l’écriture inclusive, ou du moins, féminisée.
Les documents officiels, les communications de la part de la direction, les règlements et les procès-verbaux, entre autres, tiennent compte d’une écriture inclusive, soit par la féminisation des textes ou l’utilisation de termes épicènes, c’est-à-dire dont la forme ne varie pas selon le genre.
Toutefois, pour ce qui est de l’écriture Web, le virage n’a pas encore été pris. La directrice des relations de presse de l’université, Jenny Desrochers, souligne cependant que « [l’UQAM] fait des efforts et est sensible à ça. Le changement n’est pas systématique, ce n’est pas une balise qu’on s’est imposée pour l’instant, mais il y a une réflexion qui est entamée. »
En raison de la pandémie, la réflexion quant à ce changement a été retardée, explique la porte-parole. De plus, elle défend le fait que le virage n’ait pas encore été effectué en ce qui concerne les communiqués de presse en arguant que la plupart des journaux n’emploient pas, eux-mêmes, un langage inclusif. « Pour bien communiquer avec eux, pour ne pas alourdir le message, on essaie de communiquer avec la même écriture », mentionne-t-elle.
L’application concrète du guide à l’UQAM
Dans les années 70, alors qu’il n’existait pas d’équivalent féminin pour la plupart des titres de fonctions et de métiers, le Conseil du statut de la femme du Québec recommandait la féminisation des textes. Une décennie plus tard, l’UQAM s’est dotée de son propre guide: une mesure jugée progressiste pour l’époque, considérant que l’Académie française a adopté la féminisation des noms des métiers et des fonctions en 2019 seulement.
La professeure d’études littéraires et spécialisée en écriture au féminin à l’UQAM Lori Saint-Martin explique qu’écrire de manière inclusive ne nuit pas nécessairement à la compréhension d’un message. Plusieurs de ses étudiants et de ses étudiantes ont utilisé un langage inclusif dans leur mémoire de maîtrise, ce qui n’a causé aucun problème. Elle croit « qu’il s’agit d’une question d’habitude et que la langue inclusive doit être démystifiée. »
La sociolinguiste Alexandra Guy, qui étudie l’évolution des langues selon des contextes sociaux, estime que le guide devrait s’appliquer au-delà des communications officielles de l’université : « L’UQAM devrait se doter d’une politique linguistique qui ferait en sorte que n’importe quelle personne qui doit rédiger un document au nom de l’institution doive adopter ces pratiques linguistiques. »
De la féminisation à l’écriture inclusive
Féminiser un texte, c’est souvent dédoubler des noms, comme étudiants et étudiantes. Pour plusieurs, cela alourdit les textes, croit la docteure en linguistique Céline Labrosse, qui a contribué à la rédaction du guide de l’UQAM de 1990. Elle considère qu’il vaut mieux trouver « d’autres stratégies pour enlever le sexisme des textes », comme employer l’alternance des genres. L’applicabilité est, selon elle, l’enjeu clé : « Il faut le plus possible rapprocher les formes féminines et masculines [dire les chroniqueurs plutôt que les chroniqueurs et chroniqueuses], après, c’est beaucoup plus aisé de les mettre dans les textes, puisqu’il y a beaucoup moins de dédoublement. »
Pour la sociolinguiste Alexandra Guy, la féminisation de la langue n’est pas suffisante. L’Office québécois de la langue française (OQLF) a évoqué l’écriture inclusive pour la première fois lors des années 1980, dans une déclaration officielle. Aujourd’hui, plusieurs institutions commencent à adopter cette façon d’écrire. En 2019, l’Université de Montréal s’est dotée d’un guide sur l’écriture inclusive (Inclusivement : Guide d’écriture pour toutes et tous) et d’un comité qui a comme mandat de donner à la communauté universitaire des outils pour mieux féminiser ou écrire de manière inclusive .
Mme Guy affirme ne pas comprendre pourquoi l’UQAM ne prend pas un tel virage : « Il n’y a pas vraiment d’excuses. On ne demande pas à quelqu’un de réapprendre la langue, mais d’utiliser les outils dont la langue dispose déjà pour aller représenter tout le monde dans le discours. »
Mention photo : Capture d’écran des annotations du Guide de présentation des mémoires et des thèses de l’UQAM (2018).
Cet article est paru dans l’édition papier du 1er décembre 2020.
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