Un manque d’écho pour la musique autochtone

De Kashtin à Elisapie, en passant par la création du festival Innu Nikamu et la remise du premier Félix de l’Artiste autochtone de l’année, la musique autochtone est aussi diversifiée que ses 11 nations, mais la relève demeure peu connue des oreilles québécoises. 

Les artistes sont présent(e)s partout sur les scènes musicales du Québec et dans les listes de lecture de Spotify. Toutefois, leurs origines tout comme leur musique passent inaperçues. Les années 80 ont fourmillé de créations populaires et d’initiatives musicales autochtones. Vingt ans plus tard, cette musique est représentée par plusieurs artistes interdisciplinaires qui travaillent pour faire reconnaître leur place sur la scène culturelle québécoise.  

« Les Québécois ont encore de la difficulté à laisser de la place à la musique autochtone », et ce, même si elle est aussi variée et de bonne qualité que celle des allochtones, souligne le réalisateur du film Rumble : The Indians Who Rocked The World, Alfonso Maiorana. Récipiendaire de plusieurs prix dont un du Festival du film de Sundance, le réalisateur ajoute que le Montréal Campus est le premier journal à s’entretenir avec lui pour parler de son documentaire dédié à la musique autochtone. Un silence qui en dit long sur l’intérêt des médias québécois pour les réalités de ces communautés.  

L’ébullition musicale à partir de 1980

À cette époque, la musique autochtone est très nichée et surtout écoutée par les Premiers Peuples. Les styles folk, rock et country sont davantage écoutés dans les communautés. « C’est une musique de territoire, de nostalgie, qui parle des problèmes économiques et de la famille. Ça rejoint beaucoup les réalités autochtones d’aujourd’hui », précise l’anthropologue Véronique Audet. 

En 1985, la création d’un festival autochtone consacré aux talents issus des communautés voit le jour. Le Festival Innu Nikamu offre à plusieurs artistes la possibilité de performer devant public et de se faire connaître. Le festival, toujours actif aujourd’hui, propose une scène par et pour des artistes autochtones. 

Du folk à l’électro et du hip-hop jusqu’au heavy métal, la relève autochtone prend de plus en plus sa place, diversifiant ainsi l’offre musicale. De nouvelles têtes d’affiche comme la chanteuse folk inuk Elisapie ou le rappeur algonquin Samian reflètent l’apparition de nouveaux styles. Sur les ondes radio du Québec, chez les disquaires et surtout sur les plateformes d’écoute telles que Nikamowin –la version autochtone de Spotify–, ces artistes se font entendre.  

La reconnaissance de la musique autochtone s’est aussi traduite par la naissance, en 2019, de la catégorie Artiste autochtone de l’année par l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ). Le premier Félix a été gagné par Florent Vollant, alors que le second a été remporté par Elisapie.

Alfonso Maiorana précise qu’il faut réaliser que cette place leur revient inévitablement puisque « les chants autochtones ont une grande influence dans les origines du rock, du blues et de plusieurs styles musicaux que nous écoutons aujourd’hui. » Cet héritage musical n’est que très peu connu du grand public et cela fait écho au manque d’éducation entourant leur culture. 

Être artiste à sa manière

Être un(e) artiste autochtone ne signifie pas pour autant devoir créer du contenu uniquement en lien avec son identité. Certain(e)s préfèrent la création de musique populaire sans lien direct avec leurs racines, alors que d’autres composent dans le but de partager leur culture. C’est le cas du collectif Sandrine & the Maybees. La musicienne d’origine wendat à la tête du groupe, Sandrine Masse-Savard, s’inspire des chants traditionnels de son enfance et se les réapproprie au travers de son propre style musical. « Se rapprocher de l’esprit du chant et de la langue, c’est super important. Surtout que la langue porte la culture, c’est un trésor vraiment précieux », confie l’artiste. 

Depuis plus de 40 ans, la musique des Premiers Peuples ne cesse d’évoluer et elle se taille maintenant une place de choix dans la discographie québécoise. Le talent de ces artistes et leur volonté d’être écoutés et reconnus ont réussi à diminuer la distance entre les nations et les grandes villes. Inévitablement, ce n’est qu’une question de temps avant que la musique autochtone ne fasse son chemin jusque dans les oreilles et le cœur de la population québécoise. 

Mention photo : Jocelyne Béland

Cet article est paru dans l’édition papier du 1er décembre 2020.

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