Pour la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier, le Festival Filministes a organisé une table ronde nommée Lumière sur les métiers de l’ombre, qui rassemblait des artistes du cinéma pour discuter de la position qu’occupent les femmes dans leurs milieux de travail respectifs.
Sur scène, six artistes cinématographiques d’expérience constituent le panel. Les participantes Jenny Salgado, Catherine Van Der Donckt, Annie Jean, Virginie Nolin et Vanessa Abadhir prennent la parole tour à tour. Dirigées par l’animatrice Julie Ravary-Pilon, doctorante avec concentration féministe au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM, ces femmes communiquent des témoignages, des conseils et des questionnements. Malgré les différences dans leurs champs de spécialisation, leurs âges et leurs origines, elles se rejoignent : la passion se dessine dans leurs propos.
Catherine Van Der Donckt, qui travaille la prise de son et la conception sonore, raconte qu’elle a eu la chance de participer à un programme de cinéma pancanadien qui engageait 25 filles âgées de moins de 25 ans. En six mois, elles ont réfléchi sur des questions de féminisme et d’équité au cinéma comme « Qu’est-ce que la parité ? » ou « Est-ce qu’être choisie parce qu’on est une femme est quelque chose d’épouvantable ? ». Encore aujourd’hui, Catherine croit être confrontée à ces idées dans le cadre de son travail.
Les panélistes sont toutes d’avis qu’il est important de nommer les difficultés auxquelles font face les femmes dans leurs milieux de travail. Catherine souligne que les quotas et les politiques d’équité au sein des institutions sont importants, mais qu’ils ne permettent pas réellement aux artisanes de se remettre en question.
Un monde d’hommes
Chacune relate des moments où elles ou leurs collègues ont ressenti le sexisme et l’iniquité dans le cadre de leur travail cinématographique. Pour Jenny Salgado, conceptrice sonore, la multiplicité de ces événements n’a rien de surprenant.
« Quand je fais face à une situation où on me rappelle que je suis une femme, je ne suis pas étonnée. Je passe tout droit, je continue, je fais ce que j’ai à faire. Sachant que c’est presque la norme et que ça commence comme tel au départ. Et sachant […] qu’au fil du temps, le travail que je fais (et que nous faisons toutes) va finalement aboutir à quelque chose qui va ressembler à une équité jusqu’à ce qu’on l’atteigne réellement. »
Selon elle, son travail défend sa place, sert l’avancement vers l’équité et change les opinions basées sur les sexes. Sa plus grande fierté liée à son travail est sa longévité. Depuis 24 ans, Jenny se tisse une place dans ce monde originellement masculin. Elle se dit satisfaite de ne pas avoir donné raison à toutes ces personnes qui lui ont dit que les femmes ne restaient pas longtemps dans le métier.
Pour sa part, Vanessa Abadhir confie ne jamais avoir ressenti qu’elle ou son travail était diminué en raison de son genre. Elle se dit privilégiée d’avoir travaillé dès le début de sa carrière avec des femmes fortes qui réussissaient. Dans son cas, ces modèles ont permis que la barrière du sexe s’efface. « Finalement, la seule chose sur laquelle je peux agir et influer, c’est le travail que je produis, ce sont les efforts que je mets, c’est la passion qu’est la mienne pour l’image.», explique-t-elle.
Pour la relève
L’environnement et la pression sociale peuvent jouer un rôle déterminant dans l’ambition d’un ou d’une futur(e) artisan(e) du cinéma. « Je pense que c’est important surtout quand on est plus jeune, quand on commence dans ces métiers-là, d’avoir des modèles inspirants », affirme Annie Jean qui se spécialise dans le montage. Elle est d’avis que pour guider les plus jeunes générations, ces dernières doivent avoir accès à cette diversité.
Jenny Salgado a l’impression qu’il est encore nécessaire de se rassembler pour nommer les choses et est heureuse de le faire si c’est pour participer à l’action et au changement de mentalité. Elle constate cependant qu’encore plus pourrait être fait : « À chaque fois qu’on se rassemble, c’est pour pouvoir renommer les problématiques, mais jamais il n’y a d’espèce d’événement constructif où l’on met la lumière sur ce qu’on a fait, ce qu’on sait faire ».
En tant que professeure, la transmission à la nouvelle génération est signifiante pour Mme Salgado. Elle se demande ce qu’elle aurait aimé entendre sur les difficultés à surmonter à l’époque où elle était étudiante. Après 20 ans, elle estime à 80 % le nombre de fois où elle a été appelée à parler des défis qu’elle a dû surmonter en tant que femme et en tant que femme racisée plutôt que pour « partager son art, son métier, sa technique, ses inspirations et ses façons de faire ». Elle juge que les générations futures ont besoin d’entendre le comment et le pourquoi de ce travail.
D’après les propos des artistes, le cinéma est un art collectif qui vise à former un univers sur tous les niveaux. Chaque artisan et artisane contribue à sa construction de façon très personnelle. Son engagement, sa curiosité, son cheminement artistique et sa passion sont quelques principaux éléments qui définissent son travail. Par leurs talents, sacrifices et ténacité, ces artistes invitées établissent chaque jour qu’une femme derrière la caméra est tout aussi valable qu’un homme.
Photo Élise Fiola | Montréal Campus
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