Filminounes : peut contenir des scènes sexuellement explicites et authentiques

Différents films à saveur érotique ont été présentés lors de la soirée Filminounes du festival Filministes au Ausgang Plaza dans la nuit du 5 au 6 mars. Des projections qui jettent des regards nouveaux sur l’industrie du XXX et des réflexions diverses sur la manière de changer les normes. 

Face à l’imagerie des corps, des plaisirs et des orgasmes se trouve une salle comble. Dans une ambiance électrisante, un peu plus de 250 personnes se sont rassemblées pour partager une expérience habituellement vécue en privé.

C’est une première pour la pornographie dans le cadre des séances du Festival Filministes, qui se déroule du 4 au 8 mars 2020. Pour une troisième année consécutive, le Festival présente de multiples œuvres cinématographiques réalisées par des femmes venant de multiples horizons. Des dialogues animés suivant les projections ont permis de contextualiser les films et de réfléchir sur des perspectives féministes contemporaines.

Art et pornographie 

«Il y a une crainte peut-être à aborder la porno et l’art dans la même phrase et ça remonte à la question : où se place la ligne entre les deux ? Personnellement, je ne l’ai pas trouvée », explique Pascale St-Onge, autrice dramatique et librettiste, lors d’une discussion suivant les projections. 

L’exploitation des divers procédés qu’offre le septième art a permis aux réalisatrices d’aborder le sujet autrement : l’image devient palpable. L’utilisation de riz collant peut amener l’esprit humain à modeler ses conceptions. Dans son film Bap’s Bop par exemple, kimura byol-nathalie lemoine défie les limites de la connotation. La simple image de doigts trempés dans le jus de riz évoque une sécrétion vaginale. L’artiste a su imaginer une œuvre remplie de symboles liés à ses origines coréennes et japonaises.

L’Ukrainienne Oksana Kazmina, dans Zarosli, exploite quant à elle de multiples effets lumineux et de sons perçants et granuleux, plutôt inhabituels dans la pornographie standard. L’emploi de papier d’aluminium et de miroirs fragmentés déconstruit l’image et rend une stylistique artistique à la scène. Grâce aux illusions, les corps se morcellent en rappelant l’esthétique du miroir. Une couleur rouge vient en plus sculpter les corps en mouvement et voiler l’action. De la scène émane une sensation de chaleur.  

Vient ensuite le court métrage d’Olympe de G., Don’t call me a d**k, qui est entièrement filmé en macro. Ces images très rapprochées de la morphologie et des formes corporelles déconstruisent la conception habituelle que l’on peut se faire des scènes pornographiques.

Cette centralisation du regard sur des parties qui sont rarement observées avec autant d’attention amène l’œil à analyser chaque texture, couleur et mouvement. L’attention est portée sur l’aspect tout à fait naturel et organique de la relation sexuelle, comme si l’on regardait un épisode du National Geographic

Pornographie et éducation

Rated X pour sa part, fait le portrait de deux actrices de films pornos connues. Ces femmes présentent l’envers du métier par leurs conceptions et par l’immersion du public dans l’univers et l’industrie pornographique. À propos des témoignages entendus dans son film, la réalisatrice, Nadia Louis-Desmarchais explique qu’« il est difficile de changer les corps, changer les images quand ce ne sont que des hommes derrière la caméra. Il faut que le milieu [pornographique] soit moins stigmatisé pour que des femmes aient envie de l’investir  [car] on ne peut changer un milieu qu’en l’investissant ».

Dans le film L’annonce de Carmina Ama et Dwam Ipomée, la pornographie est affichée sous des angles singuliers et permet de témoigner des types de sexualités, de sensualités et d’inclusivité. Une scène de bondage et de sadomasochisme est entre autres exercée à l’écran, où une grande variété de corps est montrée. Un moment de tendresse à la suite de l’acte sexuel est aussi intégré dans le scénario. La notion de consentement est explicitement abordée au début du film : une des protagonistes réalise qu’elle ne veut pas prendre part à l’action. Elle sort sans honte et les autres femmes sont compréhensives. 

Tous ces éléments sont porteurs de notions abordées en éducation sexuelle. Leur intégration à la pornographie génère donc une impression plus réaliste et positive des rapports sexuels. Pour l’animatrice de la discussion suivant la projection, Stefanie Di Tommaso, étudiante en psychologie à l’Université Concordia ayant la sexualité comme principal intérêt professionnel, « [l’objectif] serait de pouvoir changer le paradigme. Ça peut se traduire par le fait d’être capable de fondre le mainstream et le féminisme et que ce ne soit pas obligé d’être deux différents types de pornographie ».

Les rires, le plaisir et la communication sont au centre des relations sexuelles présentées à travers les œuvres au Ausgang Plaza. Alors que jouissance résonne, la salle entend l’écho d’un désir simple et clair : l’avenir d’une pornographie où plaisir sexuel et fiction se dissocient.

Photo fournie par le festival Filministes

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