Un tandem mère-fille montréalais aux JO de Tokyo

En marquant quatre buts en demi-finale des derniers Jeux panaméricains de water-polo, la Montréalaise et étudiante à l’Université du Québec à Montréal Axelle Crevier a mené le Canada vers une qualification aux prochains Jeux olympiques (JO) de Tokyo, une première depuis 2004.

« C’est énorme, affirme d’emblée Axelle Crevier. Pour le programme en tant que tel, c’est de la visibilité, les médias, tout qui vient pour amplifier la participation pour le sport. » Même si cette qualification était attendue en raison de l’accroissement de la catégorie féminine de 8 à 10 pays, l’athlète uqamienne ne minimise pas les répercussions positives de ce futur périple à Tokyo. « [Après les Jeux olympiques de 2004], il y avait beaucoup plus de jeunes qui voulaient aller jouer au water-polo. N’importe quel sport olympique a cet attrait-là. C’est la meilleure chose qui peut arriver », affirme-t-elle sans hésitation.

L’équipe canadienne ne se fait toutefois pas d’illusion : elle n’amorcera pas ce tournoi comme favorite, alors que toutes les équipes présentes tenteront de mettre un terme à l’hégémonie des Américaines, championnes olympiques depuis 2012 et médaillées à chaque édition depuis l’arrivée du water-polo féminin aux JO, il y a 20 ans. 

En raison de l’instabilité du reste du classement mondial, l’étudiante au certificat en études féministes croit tout de même à la chance d’une podium pour l’Unifolié. « C’est un but très difficile à atteindre, mais c’est ça qu’on vise. Il y a beaucoup de parties très serrées. Donc, si les choses vont en notre faveur, on pourrait arriver dans le top 3. Comme on pourrait arriver dans le bas aussi », résume-t-elle, humblement.

Telle mère, telle fille

Nul besoin de regarder très loin pour comprendre la passion de la poloïste de 22 ans pour ce sport aquatique. Sa mère, Marie-Claude Deslières, est une pionnière du water-polo féminin. En plus d’avoir participé aux Jeux de Sydney en 2000, elle est devenue, en 2012, la première femme à arbitrer une finale olympique. 

« En général, elle représente la figure féminine qui a réussi dans notre sport, témoigne Axelle. C’est un modèle pour toutes les filles de mon équipe. »

En fait, les Crevier-Deslières sont probablement l’une des familles les plus impliquées dans le water-polo au Québec : l’aîné, Maxime, est entraîneur, tandis que la benjamine, Roxane, a longtemps joué aux côtés d’Axelle.

« Parfois, on soupait en famille avec les blondes et les chums des enfants et on se rendait compte qu’on était neuf à table et qu’il n’y en avait qu’un qui n’avait pas rapport au polo », raconte Mme Deslières en riant, en faisant allusion à son mari, Richard. 

« Beaucoup de personnes pourraient croire que ma mère était à cheval sur nous, qu’elle nous poussait et que c’est la raison pour laquelle je suis rendue là. Au contraire, il n’y a jamais eu de pression », explique Axelle.

Puisqu’elles ont évolué à des époques différentes et qu’elles n’ont jamais joué à la même position, il serait futile de les comparer, selon les principales intéressées. « Axelle, c’est une joueuse intelligente […], qui a une bonne vision du jeu. C’est une grande joueuse élancée qui a un super lancer », louange l’arbitre, qui sera de retour aux Jeux de Tokyo, cette année.

Des lacunes au Canada

Le parcours d’Axelle Crevier n’est pas des plus orthodoxes, alors qu’elle a entrepris trois stages de water-polo en Italie depuis 2017. Elle s’est exilée à Côme, Milan et Florence afin de combler « un manque de possibilités. Ici, il n’y pas une ligue, après 19 ans, qui est intéressante à mon niveau. En Italie et ailleurs en Europe, il y a la possibilité de recevoir un salaire. C’est une vision professionnelle qui n’existe pas ici », résume-t-elle. L’attaquante prône aussi la perception européenne des sports comme le handball, le volleyball et, évidemment, le water-polo, qui sont beaucoup plus médiatisés et perçus comme des professions.

Selon Marie-Claude Deslières, il ne fait aucun doute qu’une partie de la solution résiderait dans la création d’un réseau universitaire incorporé dans le Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ). 

« Ça changerait beaucoup la donne. Il y a plusieurs athlètes, s’ils ne font pas les équipes élite, qui arrêtent de jouer quand ils ont 20 ans. Le fait d’être étudiant et de pouvoir jouer, même si tu n’es pas dans les top joueurs au pays, c’est important », fait-elle valoir. 

C’est d’ailleurs ce qui expliquerait le succès prouvé des États-Unis, selon elle : « C’est la différence avec la NCAA (National Collegiate Athletic Association), où il y a tellement d’équipes et de joueuses. Ça leur fait un beau bassin pour piger dans les équipes nationales. »

Sa fille Axelle, quant à elle, voit davantage ce scénario comme un début qu’un aboutissement : « Le problème, c’est que ça arrête dès que tu as fini ton université. Il n’y a rien après. Ce serait plus adapté au Québec, mais ce ne serait pas optimal », nuance-t-elle.

Un sport encore méconnu

Le water-polo doit son manque de popularité à son inaccessibilité, selon Marie-Claude Deslières. « On n’a pas, comme à beaucoup d’endroits dans le monde, un système scolaire qui permet la pratique de ce sport-là. Le parascolaire, au water-polo, ça n’existe pas malheureusement. On n’a pas beaucoup d’écoles primaires ou secondaires qui ont des piscines », explique l’ex-poloïste. 

Néanmoins, Axelle prêche pour sa paroisse lorsqu’elle est questionnée sur les attraits du water-polo. « Il y a de la technique, de la tactique, de la préparation physique. Tu peux toucher à tous les aspects, dans un seul endroit, avec une équipe. Si t’aimes le monde et l’eau, c’est la meilleure chose », explique-t-elle, le sourire aux lèvres.

En attendant que le water-polo prenne du galon au pays, ce tandem mère-fille vivra une expérience unique quand elles se rendront ensemble aux Jeux olympiques de Tokyo, en juillet prochain.

Photo Florian Cruzille | Montréal Campus

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