Autoportrait critique d’une quadragénaire en perpétuelle remise en question, Ma nudité ne sert à rien de Marina de Van était présenté en première nord-américaine dans le cadre du Festival du nouveau cinéma (FNC), jeudi 10 octobre dernier, avec comme seul faux pas quelques longueurs.
Pour son cinquième long métrage, un premier depuis 2013, la cinéaste française renoue de manière originale avec ses thèmes de prédilection, à savoir le rapport au corps et à l’identité. De Van opte cette fois pour une composition mêlant la réalité à la fiction, multipliant les emprunts au style documentaire. Elle y relate son quotidien, tantôt forte d’une sincérité déconcertante, tantôt narratrice en mal de crédibilité.
Confiné à son chez-soi, le personnage interprété par Marina de Van « travaille sur des scénarios qui ne se concrétisent pas et sur des livres dont l’écriture est de longue haleine », seules une présence féline et une télévision rendant l’espace vivant. La cinéaste de 47 ans y dévoile son corps nu et témoigne de manière décomplexée des relations qu’elle tente de nouer, téléphone intelligent en main. Naviguant sur divers sites de rencontres, de Van renie son âge, préférant se présenter comme une jeune quadragénaire.
Avec comme cadre principal cet appartement banal qui pourrait être celui de quiconque est en mal de compagnie, le petit écran est d’une symbolique cinglante. Les thèmes qui y sont abordés sont centraux à l’intrigue, de même que la manière dont de Van interagit avec eux et la télévision. À cet effet, une habile mise en abîme oppose Marina de Van à sa contrepartie plus jeune – plus séduisante peut-être – faisant culminer le désarroi.
Omniprésente, certes, la nudité est ici beaucoup plus qu’un simple artifice en ceci qu’elle dévoile l’imperfection d’un corps féminin vieillissant, pérenne source d’angoisse et de questionnement. Entrée dans « l’âge de la transparence », de Van est exposée aux contrecoups d’une société où l’enveloppe charnelle est seule garante de la valeur d’une femme.
Actuel et nécessaire
Le récit est d’une pertinence déconcertante compte tenu du contexte socioculturel actuel, un contexte permettant à l’écrivain Yann Moix de dire du corps d’une femme de 50 ans « qu’il n’est pas extraordinaire du tout ». Polémiste sans doute, Moix n’en demeure pas moins l’une des plumes les plus influentes de la francophonie.
Ma nudité ne sert à rien démontre par ailleurs une intériorisation profonde des éléments sociétaux qu’il critique. À ce registre de douces contradictions, la cinéaste et écrivaine se dit blasée des rencontres dénuées de sens qu’elle continue pourtant d’enfiler. Là encore, elle le fait non pas par envie, mais bien par dépit, luttant contre cette oppressante impression qu’une femme dans la quarantaine ne peut choisir le célibat : elle doit forcément le subir.
Marina de Van évoque par ailleurs une pléthore de sujets éminemment contemporains, desquels les spectateurs et spectatrices retiendront sans doute celui du consentement. Bien qu’elle l’effleure sommairement, ne souhaitant peut-être pas renchérir sur un sujet amplement discuté, de Van le fait avec une certaine subtilité.
Ponctué de nombreux plans rapprochés, le film cherche à montrer la chair telle qu’elle est, dans sa splendide imperfection. Si certains de ces plans sont complémentaires au récit, beaucoup d’autres ne sont guère plus que des longueurs démesurées.
L’art de cultiver le doute
À la direction photo, Vincent Mathias puise habilement dans le style documentaire de sorte à instiguer le doute chez l’auditoire : sommes-nous dans la réalité ou la fiction ? La caméra de Mathias se veut souvent seule garante des faits, exempte d’effets stylistiques outranciers, notamment lorsqu’elle suit de Van dans l’intimité de sa demeure. Or, par moment, l’objectif se floute et s’emballe tandis que vient en appui la musique de Florencia Di Concilio, trop criante pour relever du réel.
La cinéaste, titulaire d’une maîtrise en philosophie, opte dans Ma nudité ne sert à rien pour une mise à nu double, celle du corps étant accessoire à celle de l’âme. Par l’entremise de son rapport au corps et à l’intimité, de Van invite l’auditoire à mettre fin à la tyrannie des apparences. Peut-être la nudité ne sert-elle à rien, mais celle que présente de Van dans son plus récent film est d’une éminente importance.
Mêlant savamment le film et le documentaire, Ma nudité ne sert à rien raconte avec une lenteur nécessaire les péripéties quotidiennes d’une quadragénaire qui évolue à tâtons dans ce monde devenu numérique. Le film est éligible à un des prix du public du FNC et sera diffusé une seconde fois au cinéma du Parc le 19 octobre prochain.
Photo fournie par le FNC
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