« Fais-moi un sandwich. » C’est le type de commentaires sexistes que les joueuses de jeux vidéo s’exposent à recevoir. Pour ne pas subir de cyberharcèlement, certaines femmes se cachent derrière des pseudos masculins ou neutres.
Contrairement à la croyance populaire, les femmes ne sont pas une minorité dans cette industrie virtuelle. Selon l’Association canadienne du logiciel de divertissement, en 2018, elles représentaient 50% de la communauté jouant aux jeux vidéo, toutes plateformes confondues.
L’industrie de la technologie est encore aujourd’hui dominée par le genre masculin, ce qui porte préjudice à la situation des femmes autant au niveau des carrières que comme clientèle, pense Pauline Zampolini. Celle qui fait une maîtrise en communication, concentration jeux vidéo et ludification à l’UQAM confirme également que « seulement 20 à 30%, et 30% pour les plus ambitieux, de femmes qui travaille dans les studios de jeux vidéo. »
Le peu de participation féminine dans la création globale des jeux fait en sorte que la femme peut se sentir en terrain étranger à l’intérieur même du jeu vidéo, précise-t-elle.
La relation houleuse entre les femmes et la sphère ludique virtuelle ne vient pas de nul part. Au 21e siècle, le monde du jeux vidéo a une connotation masculine, ce qui stigmatise la présence des femmes dans ce milieu, relate aussi Mme Zampolini. Cet environnement amène son lot d’obstacles pour la femme qui désire s’impliquer dans la communauté virtuelle. « La plupart des femmes décident de s’anonymiser pour entrer dans le neutre, qui est considéré comme masculin, et donc, par la neutralisation de leur identité en ligne, elles gagnent plus de légitimité », résume Mme Zampolini, qui travaille présentement sur un mémoire sur la place des femmes et les dynamiques de genre dans les communautés vidéoludiques.
Joueuse d’expérience, Elléonore Béliveau utilise un pseudo masculin puisque les communautés des jeux multi-joueurs peuvent s’avérer toxiques. « Dans les jeux multi-joueurs, ou les communautés peuvent s’avérer toxique, c’est parfois mieux pour sa santé mentale de rester muette et utiliser un pseudo masculin. [Les hommes] t’envoient des messages privés pour te dire des propos haineux ou sexistes, te suivent partout dans le jeu », confie-t-elle.
Plusieurs femmes décident tout de même d’afficher un pseudo féminin. L’amatrice de jeux vidéos Émilie Prevost, parle au nom de ses anciennes coéquipières: « Les commentaires sur le fait que c’étaient des filles et que des filles c’est nul en jeu vidéo, les ont assez découragées. Elles ne jouent plus, dit-elle. Ce n’était pas un commentaire chaque six mois, mais de 10 à 15 par jour.»
Si une femme désire s’impliquer totalement dans son équipe, elle devra à un moment ou à un autre utiliser un micro pour améliorer la communication entre les membres de son groupe. En revanche, cela brise la protection que son pseudo « neutre » lui offre.
Une joueuse, qui désire garder l’anonymat afin de ne pas s’attirer de représailles, a confié au Montréal Campus qu’elle « aurait beau s’appeler matcho_killer69, aussitôt que je vais parler c’est foutu. 95% des jeux sont en ligne et requiert un micro pour discuter avec les autres joueurs. Pseudo de fille ou pas, ils vont le savoir assez vite. »
photos: WILLIAM D’AVIGNON MONTRÉAL CAMPUS
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