L’accès aux soins gynécologiques comporte plusieurs barrières pour les personnes trans au Québec. En plus des obstacles institutionnels, le personnel médical est peu formé pour répondre aux besoins de la patientèle transgenre.
Le dictionnaire Larousse définit la gynécologie comme étant une « spécialité médicale consacrée à l’étude de l’organisme de la femme et de son appareil génital ». C’est ce que déplore Morgane Gelly, auteur(e) du mémoire Une gynécologie au masculin ? De l’accessibilité des soins en gynécologie pour les hommes trans à Montréal.
« Tous les logiciels et les soins sont fait pour les femmes. On n’a pas du tout appris à soigner des personnes qui ne sont pas des femmes. Il y a donc une double barrière qui est à la fois institutionnelle et médicale dans la pratique en elle-même en plus de tous les préjugés personnels », explique-t-iel*.
Selon cette personne titulaire d’une maîtrise en sociologie à l’UQAM, les individus trans ne répondent pas aux standards de genre en gynécologie.
« Foucault analysait d’ailleurs l’institution médicale comme étant une institution de normalisation. Selon le philosophe, celle-ci crée un ordre pour conformer les corps dans la norme », ajoute Gelly.
Les hommes trans, c’est-à-dire les personnes assignées à la naissance comme femmes mais s’identifiant comme hommes, ont des besoins similaires aux femmes cisgenres. Ils ont par exemple besoin de faire des tests de dépistage, d’avoir accès à des moyens de contraception et à l’avortement, « parce que oui un homme trans peut tomber enceinte », spécifie la/le chercheur(e).
Un manque d’information
Aucune formation sur les besoins de la patientèle trans n’est obligatoire pour les professionnels et professionnelles de la santé au Québec. Les rares médecins se spécialisant dans cette clientèle s’informent par eux-mêmes ou à l’aide d’organismes fournissant des guides ou des formations sur le sujet. Jason Joly, un homme trans, a souffert du manque d’information du personnel médical lors d’un rendez-vous dans un hôpital. En se présentant au secrétariat, il a informé la secrétaire qu’il avait un rendez-vous en gynécologie.
« La secrétaire m’a répondu: “c’est plus pour les femmes [la gynécologie]. Vous êtes sûr que ce n’est pas pour un don de sperme?” , raconte-t-il. J’étais pas obligé de lui expliquer toute ma situation et que j’étais en changement de sexe ».
Pour Zacharry-David Dufour, un homme trans, c’est chez son médecin de famille qu’il a noté un problème. Il mentionne ne pas se rappeler de s’être fait proposer de faire des tests de dépistage.
« Je n’avais pas vraiment de relations intimes avec des hommes et encore moins avec pénétration. Je me disais que cette partie de mon corps ne m’appartenait pas. Que [mes organes génitaux] soient en santé ou malade, je m’en foutais », avoue M. Dufour.
Pour Morgane Gelly, ce genre de situation se produit souvent avec les hommes trans dans les milieux médicaux.
« Il y a un gros manque d’information chez les médecins, mentionne-t-iel. Ils ne sont donc pas au courant qu’un homme trans a parfois besoin de faire des test de dépistages ».
Cela pourrait s’expliquer par les préjugés sur les pratiques sexuelles des personnes trans, toujours selon Gelly. « En réalité, on se rend compte, par la pratique et les études, qu’il y a beaucoup d’hommes trans qui utilisent leur vagin ou qui ont des relations sexuelles avec des hommes cisgenres ».
Selon le directeur général d’AlterHéros, organisme luttant contre les préjugés et pour la démystification de la pluralité des genres, June Pilote, c’est ce qui peut aussi expliquer pourquoi plusieurs études mentionnent que l’hormonothérapie pourrait causer le cancer de l’utérus à long terme.
« Il y a aussi beaucoup de recherches sur le fait que les hommes trans ne peuvent pas accéder facilement à la gynécologie, explique-t-il. En fait, les hommes trans c’est peut-être juste une communauté qui ne va pas nécessairement avoir accès à des Pap tests, par exemple ».
Des stratégies de résistance
D’autres personnes trans réussissent tout de même à avoir un accès facile et sécuritaire en gynécologie. C’est le cas des trois hommes trans avec lesquels le Montréal Campus s’est entretenu. La plupart d’entres eux ont été référés à des gynécologues spécialisés en transition.
Certains sites internet sont également créés par des membres de la population transgenre pour rendre accessible une liste de professionnels et professionnelles médicales « transfriendly » .
Pour Gelly, cette stratégie permet peut-être d’accéder à des médecins spécialisés, mais il est encore difficile d’accéder à un médecin de famille au Québec. « C’est quand même un travail de plus sur le dos des communautés. On le sait qu’à la base c’est très difficile d’avoir un médecin de famille au Québec, avoue-t-iel. Donc si les personnes trans se font assigner un médecin qui n’est pas transfriendly, ce sera quand même compliqué de le changer ».
* Ce pronom désigne une personne non-binaire. Le Montréal Campus s’est doté d’une nouvelle politique de féminisation des textes. Pour en apprendre plus sur le sujet, vous pouvez lire l’éditorial paru en février 2019.
photo : CHEYENNE OGOYARD MONTRÉAL CAMPUS
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