Les jeunes internautes, qui ont grandi avec la Toile, ont développé une paresse particulière qui les confronte à des dangers numériques pourtant facilement évitables, avertissent des experts en informatique.
Les jeunes adultes présentement aux études ont côtoyé le Web tout au long de leur parcours scolaire. Les usagers et usagères ont donc développé une aisance dans leur utilisation d’Internet, ce qui peut les mener à négliger la protection de leur identité numérique, selon le professeur au Département de management et technologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Ygal Bendavid.
« Comme toute commodité, à un moment, on ne fait plus attention. Cela ne s’applique pas juste aux étudiants, nous sommes tous moins protégés », précise-t-il.
Ce manque de méfiance s’expliquerait également par le fait que les internautes sont dépendant(e)s des connexions qui les entourent et qui font fonctionner leurs appareils électroniques. « Combien de fois accepte-t-on de se connecter sur des réseaux non sécurisés dans des endroits publics ? Nous sommes prêts à nous exposer à des dangers parce que nous dépendons du Web », soutient M. Bendavid.
En acceptant ce genre de connexion, les utilisateurs et utilisatrices exposent leur identité numérique, soit, entre autres, leurs informations personnelles et leurs codes d’accès, ajoute-t-il.
Génération stéréotypée
Selon une recherche publiée dans le magazine Teaching and Teacher Education, le concept de digital natives, soit les gens nés après 1984 et qui seraient plus habiles avec le Web puisqu’ils le côtoient depuis toujours, ne tiendrait pas la route.
Ces personnes supposément plus connaisseuses en matière de ressources numériques se trouveraient autant à risque que les plus âgées, qui utilisent moins le Web, analyse la professeure au Département de management et technologie de l’UQAM Claudine Bonneau, spécialiste des usages des médias sociaux au travail. « Ce n’est pas parce que [les jeunes] utilisent plus le Web qu’ils peuvent expliquer comment fonctionnent ses dessous », constate-t-elle.
« Peu de jeunes sont en mesure d’expliquer comment fonctionne l’algorithme de sélection des résultats lorsqu’on fait une recherche sur Google », donne en exemple Claudine Bonneau.
« Il y a des outils accessibles qui existent pour nous protéger sur le Web. La vérité, c’est que c’est nous le problème, car on ne prend pas le temps [d’utiliser ces ressources] proprement », affirme Ygal Bendavid.
L’étudiant au baccalauréat en informatique et génie logiciel de l’UQAM Jérémie Bourassa pense aussi que la sécurité numérique est à la portée de tous et de toutes. « Il est facile de trouver des trucs pour choisir un bon mot de passe ou pour protéger son identifiant sur un réseau en ne faisant qu’une petite recherche sur Google », explique-t-il.
Les étudiantes et étudiants en informatique ou dans des domaines qui s’y rattachent partent tout de même avec une longueur d’avance en ce qui concerne l’application de méthodes de protection numérique, estime-t-il.
« C’est sûr que nous sommes plus outillés, car lorsqu’on programme ou qu’on étudie l’informatique, on est plus porté à réfléchir aux effets de ce qu’on fait sur le Web, sur notre personne ou sur le système en général », convient l’apprenti informaticien.
Beaucoup d’internautes sont plus vigilant(e)s qu’auparavant à la suite de fuites de données personnelles sur les réseaux sociaux, selon Claudine Bonneau. « Les scandales récents liés à des utilisations frauduleuses de nos données personnelles recueillies par l’entremise des médias sociaux, comme le scandale de Cambridge Analytica, contribuent à nous conscientiser », mentionne-t-elle.
Ygal Bendavid observe que ce genre d’incident n’est toutefois pas suffisant pour modifier les habitudes des internautes. « La sensibilisation, ce n’est pas assez. Au début, les gens vont être choqués, et après ils n’y penseront plus et retourneront à leurs mauvaises habitudes », affirme-t-il.
Conscientisation insuffisante
La protection des données personnelles sur le Web est souvent associée à la protection de la vie privée sur les réseaux sociaux. Jérémie Bourassa souligne l’importance de sélectionner adéquatement l’information que l’on décide de partager en ligne. « On pense souvent que, parce que notre compte est privé, on est protégé. Toutefois, quand l’information est en ligne, elle est publique et ne nous appartient plus », rappelle-t-il.
Claudine Bonneau constate une amélioration chez les étudiantes et étudiants en ce qui a trait à la configuration des paramètres de confidentialité sur les réseaux sociaux. « Ils ont appris à mieux [sécuriser] leurs profils, à utiliser des groupes privés et à faire attention à ce qu’ils partagent publiquement », souligne-t-elle. Ces bonnes habitudes ne s’acquièrent toutefois pas instantanément. « Cette vigilance s’acquiert, personne ne naît avec », lance-t-elle.
Développer un comportement prudent dans son utilisation d’Internet est essentiel, mais pas infaillible. « On peut faire très attention et supprimer tous ses pourriels, nettoyer le contenu de son ordinateur, mais il restera toujours des traces que l’on ne peut pas nettoyer, et ça, c’est un gros problème », explique M. Bendavid.
La meilleure façon de venir à bout des attaques sur le Web serait d’accentuer les mouvements de conscientisation et d’éducation en matière de sécurité numérique, afin de susciter la mobilisation des internautes. « Si on est plus informé et plus outillé, on peut développer un esprit critique et devenir plus qu’un consommateur passif. Ça permet de décider si on accepte ou non d’être suivi à la trace comme on l’est en ce moment », affirme Mme Bonneau.
photo: SARAH XENOS MONTRÉAL CAMPUS
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