Entre mouvements rythmés et expressions corporelles, la danse engage un individu dans un registre langagier propre à cette discipline. Une étude uqamienne a été effectuée pour analyser l’impact de cette activité sur un enfant et son vocabulaire.
Amener des jeunes à danser et à apprendre de nouveaux mots, propres à un champ lexical précis, c’est le but que s’étaient fixé les professeures de l’UQAM Catherine Turcotte et Christa Japel du Département d’éducation et formation spécialisées, et Caroline Raymond du Département de danse. «J’ai eu cette idée en regardant de très jeunes enfants suivre des cours de danse, explique Catherine Turcotte. Pendant l’activité, je trouvais qu’ils avaient compris rapidement le vocabulaire de leur professeur malgré leur bas âge. »
Notion abstraite pour certains bambins, le cycle saisonnier était le thème abordé dans cette étude pour essayer d’optimiser leur compréhension des différentes saisons survenant au cours d’une année. Ces notions, expliquées simplement par un professeur, permettaient aux enfants d’associer ces modifications de la nature à des mouvements de danse. Selon la professeure de danse qui dirigeait les jeunes lors de l’activité, Caroline Raymond, cette façon originale de stimuler simultanément leur corps et leur esprit pourrait introduire du nouveau vocabulaire chez le bambin. « Que ce soit l’éclosion des bourgeons, la chute des feuilles ou autres changements saisonniers, nous le symbolisions à l’aide de différents types de mouvements », explique-t-elle.
Âge propice à l’apprentissage
Des enfants de la garderie et de la maternelle ont été invités à participer à l’activité, d’une durée de trente minutes. Une entrevue était imposée avant et à la suite de l’activité pour examiner l’ampleur du champ lexical de l’enfant vis-à-vis le thème imposé. Une autre rencontre avait ensuite lieu trois semaines après l’expérience pour examiner si le jeune avait encore en mémoire les nouveaux mots appris. Sans surprise, Catherine Turcotte explique que ce sont les enfants qui avaient initialement de la difficulté à s’exprimer et à répondre aux questions de façon cohérente qui s’amélioraient le moins. «Certes, ils arrivaient à nommer des mots après la danse, mais ce nouveau vocabulaire n’était pas mémorisé au bout de trois semaines», raconte-t-elle.
Les trois professeures participant à l’étude insistent sur l’importance du bas âge de l’enfant pour que l’expérimentation obtienne les résultats escomptés. «Dans cette recherche, nous avons visé le préscolaire parce que c’est à cette étape de vie que le développement du vocabulaire est exponentiel chez l’enfant», considère Caroline Raymond. Selon elle, le vocabulaire acquis par l’enfant à la petite enfance s’implantera et ne fera que se diversifier au fil des années.
Le milieu socioculturel et l’entourage de l’enfant ont également un lien direct dans l’optimisation de son bagage langagier. Ses caractéristiques singulières influeront évidemment aussi sur son apprentissage de vocabulaire. Selon la professeure au Département d’éducation et formation spécialisées, Christa Japel, une famille volubile stimulera beaucoup plus le langage de l’enfant et lui permettra d’être plus aguerri dans ce domaine. «Un enfant qui a une bonne capacité d’autorégulation, une écoute attentive lors de l’activité fera forcément plus de progrès et aura au final un vocabulaire plus riche», explique-t-elle. Prendre le métro, se rendre à l’épicerie ou visiter un musée sont des exemples d’activités que l’enfant peut faire pour stimuler son langage sémantique et laisser des traces permanentes dans son vocabulaire.
La danse, une discipline sémantique
Les professeures ont choisi la danse comme activité, car une autre activité physique ne permet pas nécessairement l’intégration des mots dans le quotidien de l’enfant, croit Caroline Raymond. Selon elle, une autre discipline sportive incite un individu à atteindre un but quelconque, mais n’active pas la symbolique des mots. «La danse le permet, explique-t-elle. Elle donne une marge de manœuvre à l’enfant de vivre les mots et de les interpréter à sa manière à l’aide de son corps d’une façon quotidienne s’il le souhaite. »
Cette étude, qui s’est terminée il y a plus d’un an, continue d’alimenter les discussions dans le milieu de la recherche. Même si elle n’a été effectuée qu’à titre exploratoire, Catherine Turcotte croit en sa pertinence et en son grand potentiel. À son avis, il est difficile de constater l’influence de la danse étant donné la complexité de connaître les mots connus et maîtrisés par l’enfant. «Ça reste toujours compliqué de savoir si la danse a réellement eu une influence dans le champ lexical de ces jeunes ou s’ils réorganisent juste mieux leur vocabulaire. Néanmoins, il serait pertinent d’étudier l’impact de cette discipline dans un laps de temps plus grand», croit-elle.
Photo : zaimoku_woodpile (flickr)
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