Copie conforme d’un cœur humain, la prothèse artificielle autonome est une avancée technologique importante en matière de santé, mais soulève plusieurs interrogations dans la sphère médicale québécoise.
Il y a un peu moins de quatre ans, Nathalie Gaudette accouchait d’une petite fille, Flavie. À peine trois semaines après la naissance de son bambin, la fillette a dû subir une chirurgie de l’aorte thoracique, puis deux autres interventions au cours des derniers mois de 2014. La science offre désormais une nouvelle alternative aux gens avec des problèmes cardio-vasculaires. Le cœur autonome artificiel peut remplacer le coeur au moyen d’une biomembrane synthétique fabriquée en laboratoire médical.
Dans une situation cauchemardesque depuis quatre ans, plus d’une fois, la mère de Flavie a eu peur que la science ne puisse plus l’aider. En 2012, le spécialiste de la chirurgie cardiaque français, Alain Carpentier a créé un cœur autonome artificiel en biomembrane avec l’aide d’ingénieurs de la firme CARMAT pour donner un second souffle à la vie des gens en phase critique. Le premier patient à recevoir la membrane a été opéré avec succès le 18 décembre 2013, mais est décédé quelques semaines plus tard. Le 5 août de la même année le deuxième cœur artificiel a été transplanté avec succès à un sexagénaire atteint d’insuffisance cardiaque.
Au Québec, le chirurgien de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM), Michel Carrier se fait plus réservé quant au succès de la nouvelle découverte de son homologue français. «L’expérience clinique en est à ses premiers pas et le premier cœur n’a pas survécu, même si le deuxième cœur artificiel transplanté semble faire le travail après cinq mois, il faudra analyser l’expérience sur plusieurs cas différents», évalue-t-il. Bien qu’il considère le cœur autonome artificiel comme une technologie prometteuse, le spécialiste de l’ICM estime que les pratiques médicales actuelles sont des solutions concluantes pour les Québécois. L’Institut de cardiologie de Montréal peut compter sur des nanotechnologies miniaturisées qui assistent le cœur et vise à soigner les problèmes cardiovasculaires. «L’ensemble des technologies utilisées est plutôt de type miniaturisé et permet aux patients d’avoir une assistance cardiaque contrairement à une autogestion ventriculaire d’un cœur autonome artificiel», dit Michel Carrier. Les interventions médicales varient selon la chirurgie dont le patient a besoin et la précarité de sa situation.
«Il faudra avoir la preuve hors de tout doute que le cœur autonome artificiel est infaillible et meilleur que nos méthodes actuelles en la matière», explique Michel Carrier. Le changement est loin d’être la priorité pour le centre de recherche. «Nos nanotechnologies ont un excellent taux de réussite et maintiennent en vie nos patients pendant plusieurs années», affirme la directrice du Centre de coordination des essais cliniques de Montréal (MHICC), Dominique Johnson.
Un cœur d’argent
«Imaginez que le prix d’un cœur autonome artificiel représente des frais importants pour la personne atteinte d’un problème cardiovasculaire, on parle ici d’environ 200 000 euros pour les transplantations effectuées en France dernièrement», estime Michel Carrier. Alors que l’obtention et la transplantation d’un cœur autonome artificiel pourraient s’avérer coûteuses, certains malades seraient prêts à débourser des sommes faramineuses, voire même hypothéquer tout ce qu’ils ont pour survivre. «Vous savez, quand vous avez un seul enfant, le prix de sa vie semble un élément assez anodin en soi. Je n’hésiterais pas une seconde à payer le gros prix pour sauver ma petite fille Flavie», mentionne Nathalie Gaudette.
Malgré les nombreuses interrogations sur l’invention du docteur Alain Carpentier, les scientifiques du milieu médical ont les yeux rivés sur la santé du deuxième patient. Une telle invention a nécessité des investissements de plusieurs millions de dollars par les actionnaires en bourse, mais aussi par de nombreux investisseurs qui croient au projet du cœur autonome artificiel. Avant de jouer avec la vie de leurs patients, les spécialistes en cardiologie et chirurgie veulent s’assurer que les probabilités soient en leur faveur.
Crédit photo : wikimedia commons
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