Le projet néerlandais Mars One allume les étoiles dans les yeux des aspirants astronautes québécois. Certains remettent toutefois en doute le réalisme de cette aventure interstellaire.
Lancer un équipage sur la planète Mars en 2024 est l’objectif qui occupe jour et nuit l’équipe derrière l’ambitieux projet Mars One. Deux cent mille personnes ont répondu à l’appel de candidatures lancé par Mars One en 2013, et 1058 candidatures ont été retenues. Bryan Vézina fait partie des cinq Québécois choisis pour la deuxième phase de sélection. Le projet soulève les passions et compte son lot de supporteurs, mais doit composer avec le scepticisme de plusieurs experts.
Le pilote et ingénieur voit dans ce projet une opportunité unique. «Je vois le projet comme une prise de conscience. Il y a autre chose autour de nous et il ne faut pas se limiter à ce qu’on nous a appris mais il faut voir plus loin, innover et sortir des terrains battus», explique-t-il. Selon lui, Mars One est beaucoup plus qu’une simple mission de colonisation. «C’est un projet de créativité et d’entraide planétaire qui pourra permettre le développement commun de nouvelles idées et technologies spatiales et terrestres», croit-il.
Le spécialiste en astrobiologie Robert Lamontagne décrit le projet Mars One comme étant un cas Réno-Dépôt. «Si c’était si simple que ça, on l’aurait déjà!», s’exclame-t-il. Le chargé de cours à l’Université de Montréal croit que l’échéance que s’est donnée l’équipe derrière le projet est très mince. «Dix ans, c’est très court pour développer les technologies», remarque-t-il. Même les plus grandes agences spatiales du monde ne pensent pas pouvoir réaliser un tel projet dans un si petit laps de temps. «La NASA envisage ce projet dans 20 ou 30 ans. J’aurais tendance à considérer, vu leur expertise, qu’ils ont de bons arguments», affirme-t-il. Même s’il croit que les technologies actuelles pourraient permettre le voyage, il faudra les développer à nouveau. «On a abandonné les lanceurs puissants qui peuvent emmener de très grosses charges. Il faudra reconstruire ces fusées», note-t-il. Bryan Vézina ne croit pas que le développement des technologies posera un problème dans le délai donné. «Nous ne partons pas dans les heures qui suivent, alors prenons le temps de respirer», relativise-t-il.
Un aspect important du projet réside dans la survie à long terme des colons. «Quand on a envoyé les astronautes sur la Lune c’était un pique-nique. Pour Mars, il faut tout avoir. Je ne suis pas certain que la technologie actuelle le permette», remarque l’astrophysicien. Même si la mission prévoit envoyer cargo et matériaux en avance sur la planète rouge, l’alimentation demeurera un enjeu complexe. «Des chercheurs de l’Agence spatiale canadienne tentent de faire pousser dans le Grand nord des légumes dans des serres contrôlées à distance, avec un environnement qui ressemble à celui sur Mars, dit-il. Même eux éprouvent des difficultés.»
L’approvisionnement en eau sera également tout un défi. L’équipe de Mars One compte l’extraire des glaces enfouies sous le sol martien. «Si c’était aussi simple d’extraire de l’eau du sol nous n’aurions pas de problèmes de zones arides sur Terre», nuance le professeur. L’équipement est pour le moment massif et très coûteux. «Il faut qu’il puisse être envoyé et qu’il fonctionne sans faille. Il y a pas de façon de ravitailler autrement», note Robert Lamontagne.
Une santé vacillante
Le voyage entre la Terre et Mars durera sept mois, durant lesquels les astronautes seront dans une capsule de type Apollo. Confinés à leur siège, les aventuriers ne pourront faire de l’activité physique afin de maintenir leur tonus osseux et musculaire, ce qui risque de les laisser passablement affaiblis une fois en sol rouge. «On pourrait imaginer qu’ils atterrissent sur Mars, descendent la première marche et se fracturent le tibia», lance Robert Lamontagne. Contrairement aux astronautes de la Station spatiale internationale, personne ne sera là pour les accueillir. Privés de l’atmosphère terrestre, ils seront également exposés à de fortes radiations solaires. «Le risque de développer des cancers est beaucoup plus élevé. À terme, on aurait des équipages qui pourraient être à risque plus facilement», remarque-t-il. Les doutes soulevés par le professeur ne tarissent pas l’ardeur de Bryan Vézina. «ll y a toujours des craintes lorsque nous bravons l’inconnu, mais ça reste un choix et je les accepte», affirme-t-il.
Un rêve intact
Malgré les remises en question de Robert Lamontagne et un rapport du MIT qui prévoyait une période de survie de 68 jours aux colons martiens, Bryan Vézina reste optimiste. «Ce rapport a permis l’élaboration, par les gens du MIT, d’un schéma de calcul sur les systèmes d’autosuffisance en oxygène pour de futures missions spatiales habitées», remarque-t-il. Selon lui, cette nouvelle aventure se compare aux balbutiements de l’aviation et de l’exploration spatiale. «Il faut imaginer, analyser et tester encore et encore puisque nous avançons dans l’inconnu», affirme-t-il. Malgré ses doutes face au réalisme du projet, Robert Lamontagne croit que l’échéancier court a du bon. «Si on se fixe pas un objectif de cette nature, on le fera jamais, croit-il. Le projet est ambitieux, mais il faut rêver.»
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