«À moi, on ne laisse rien voir. On me cache tout.» Voici Sixpé, un vrai écrivain, ou peut-être pas, car lui il n’écrit pas d’une main pendant que l’autre se sert à boire. C’est un enfant forcé par son père à écrire dans une cage aménagée dans un carré de sable après le décès aux circonstances étranges de sa mère écrivaine. C’est le récit de ses jours passés à écrire sous la chaleur suffocante du soleil d’été, au milieu de ces bordées de pissenlits qu’il se promet d’arracher une fois son manuscrit terminé, car «les vrais écrivains n’écrivent pas dans de tels lieux infestés de pissenlits. Ils écrivent en retrait d’un jardin qu’ils font tailler par un vrai jardinier.» D’ailleurs, l’obsession du «vrai» est interrogation récurrente chez le jeune Sixpé, qui s’imagine souvent des histoires pour remplacer ce qu’il ne connait pas de sa réalité. Qui écrit pour ne pas oublier. C’est une histoire qui va dans tous les sens, mais que l’auteur sait nous faire apprécier par son usage bien dosé de jeux de mots phonétiques, qui mêlent la brume et la bruine aux rivières brunes, qui va de la pomme à la prune. Au début, les phrases sont courtes, franches, puis, elles s’étiolent, s’étirent, parfois, vers la fin sur une page entière, dans un seul souffle. Tantôt drôle et charmant. D’autres fois plus dur et cru, c’est un roman qui rappelle étrangement l’univers de Boris Vian, et la plume de Réjean Ducharme. On a mal pour ce Sixpé, assoiffé, abattu. L’écriture n’est pas le remède, mais la maladie, peut-on lire sur la quatrième de couverture. Une maladie qui pourrait très bien emporter Sixpé, et vous aussi…Que vous aimiez le genre ou pas, ce livre ne vous laissera pas indifférent. Ambitieux pour un premier roman ? Peut-être, n’empêche, l’écriture de William Drouin est rafraîchissante et s’annonce certainement de bon augure pour le jeune écrivain.
L’enfant dans la cage, William Drouin, Éditions XYZ, 140 pages.
4/5
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